Avec La Belle Epoque, Nicolas Bedos réalise une comédie romantique harmonieuse, passionnelle en diable, et dominée par un duo de comédiens fantastiques, Daniel Auteuil et Doria Tillier. Une réussite.
Synopsis : Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée le jour où Antoine un brillant entrepreneur lui propose une attraction d’un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, cette entreprise propose à ses clients de replonger dans l’époque de leur choix. Victor choisit alors de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour.
Nicolas Bedos, déjà une deuxième réalisation
Critique : Nicolas Bedos a déjà un sérieux passif dans le monde du cinéma, où il a exercé en tant que scénariste (Amour et Turbulences, L’invitation), acteur, et, depuis peu, réalisateur, avec son ambitieuse comédie romantique Monsieur et Madame Adelman, tourné avec sa compagne Doria Tillier en 2016, première tentative derrière la caméra qui avait connu un petit succès (des critiques de presse globalement élogieuses, plus de 300 000 entrées sur le sol français, et deux nominations aux Césars – d’où le film était reparti bredouille).
Cannes, de l’humour, de l’amour, des émotions
Trois ans plus tard, Bedos fils nous revient avec un deuxième long-métrage, présenté à Cannes, hors compétition, dont l’intrigue se veut encore d’une vaste aspiration romantique. Car le réalisateur a imaginé une entreprise dirigée par Antoine (Guillaume Canet), dont le but est de faire (re)vivre à qui le veut l’époque de son choix. Pour Victor (Daniel Auteuil), dont le couple avec Marianne (Fanny Ardant) bat sérieusement de l’aile, ce sera la semaine où il a rencontré celle qui sera sa bien-aimée pour les 40 années suivantes, et qu’il ne reconnaît désormais plus. Pour l’incarner, Antoine prie sa compagne éruptive Margot (Doria Tillier) de s’y atteler.
À la lecture de ce synopsis, et comme cela saute aux yeux dès les premières minutes, c’est peu de dire que les personnages sont tous des incarnations impétueuses de la vie – c’est ce qui fait que Antoine et Margot s’attirent et se repoussent continuellement –, parfois jusqu’à une cruauté déconcertante de désinvolture. Les personnages n’ont de cesse de s’invectiver, lançant des répliques vachardes à tire-larigot, parsemant le film d’un humour omniprésent et souvent surprenant, aimant à sacrifier une situation pour le bon mot.
Le grand retour de Daniel Auteuil
Mais, au-delà de cette dimension purement égayante, il y a des atouts de poids. Bedos sait magnifier, en premier lieu ses personnages, tous dépeints avec truculence (le protagoniste joué par Canet en particulier, auquel l’acteur apporte son charme naturel). Quant à ses acteurs, ils sont dominés par la sommité Auteuil, qu’on n’avait pas vu si juste et touchant depuis belle lurette. Mal à l’aise dans son époque et regrettant celle qui va reparaître devant ses yeux durant quelques temps, s’il est la moins tempétueuse des figures imaginées par Bedos, il est en tout cas la plus belle. Face à lui, Doria Tillier illumine l’écran ; le cinéaste parvient, durant quelques scènes, à faire d’elle un idéal féminin, face à laquelle l’on ne peut que défaillir, tomber en pâmoison.
In fine, la Belle époque est l’affirmation d’un réalisateur prometteur
Ayant totalement quitté le devant de la caméra – laissant un petit rôle à Pierre Arditi, comme un coq en pâte dans l’univers du réalisateur –, Nicolas Bedos s’ingénie à donner du corps à sa mise en scène, et y parvient haut la main : son œuvre est belle, les couleurs élégantes, et Nicolas Bedos se laisse même aller à quelques mouvements de caméra difficultueux qui tapent dans la rétine. En outre, à l’image d’un récit qui entremêle les époques, son montage est d’une grande vivacité, superposant paroles et séquences, et maniant l’ellipse avec talent – sur fond de Alain Souchon de surcroît, ce qui ne gâte rien.
Critique : Jean-Paul de Harma
Les sorties de la semaine du 6 nombre 2019
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