Le gaffeur est du cinéma franchouillard d’un autre âge, dépourvu de gags, de la moindre idée de réalisation et mal interprété. Nous analyserons son box-office pour démontrer l’anachronisme de sa sortie dans un contexte favorable aux divertissements américains…
Synopsis : Des ses amours d’une nuit à la veille de la Libération, Gabriel Duchemin, devenu depuis le Curé Duchemin, découvre plus de trente ans plus tard, que lui était né un fils. Celui-ci qui n’a rien d’un enfant de chœur, est actuellement en prison, d’où son père, profitant de ses appuis haut-placés, réussit à le faire sortir.
Le jeune homme, qui pour l’instant ignore tout de sa filiation, vient s’installer où officie son père et où vit sa mère qui ignore que son ancien séducteur est le curé de la paroisse. Jean-Paul, d’un tempérament fougueux et turbulent, va vite semer le trouble au sein de la communauté.
Jean Lefèbvre n’est pas Fernandel
Critique : Alors que la crise du cinéma allait toucher deux ans plus tard l’hexagone, la comédie franchouillarde vivait ses derniers instants en 1985. Ces petites productions insipides, écrites à la truelle pour un public provincial peu regardant étaient destinées à disparaître en même temps que ses fers de lance : Jean Lefebvre, Paul Préboist, Max Pécas et consorts. Parmi les derniers représentants de ce genre en extinction, Le gaffeur (1985) représente sans nul doute le niveau zéro. Totalement dépourvu du moindre gag malgré un titre bien racoleur, cet espèce de Don Camillo du plouc, ersatz raté de Mon curé chez les nudistes, ressemble à s’y méprendre à un film de patronage ne faisant rire que monsieur le curé et ses grenouilles de bénitier.
Mise en scène inexistante, scénario aux abonnés absents, jeu très limité d’un Jean Roucas tout juste échappé du Collaro show et morale bien-pensante à deux balles, tout respire ici l’ineptie. Et que dire de ce mélange incongru avec la mode du post-nuke rital ? Les jeunes barbares issus tout droit d’un Mad Max local sont affligeants de bêtise, même si ce sont les seuls qui arrivent à nous arracher quelques sourires.
Sans faire de grands efforts, Jean Lefèbvre cachetonne, tout en restant digne en curé de campagne dépassé par les événements. Il est secondé par la dynamique Denise Grey alors en plein Boum au niveau de sa carrière cinématographique depuis le triomphe du diptyque de Claude Pinoteau.
Les curés au cinéma
Incapable d’impulser la moindre tension comique ou dramatique à son métrage, Serge Pénard (Tendrement vache, Le corbillard de Jules) laisse ses comédiens en roue libre et nous livre un produit totalement dénué d’intérêt, issu d’un autre âge et démodé dès sa sortie, par ailleurs peu concluante au box-office. Un navet de plus à mettre au crédit d’un réalisateur qui se tourna vers le théâtre à l’issue de ce ratage.
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Box-office Le Gaffeur
Quand Le Gaffeur sort à Paris, le 4 septembre 1985, l’exploitation commence à sortir de la torpeur estivale. C’est donc la rentrée.
Gaumont sort un morceau très attendu, Police de Maurice Pialat, avec Gérard Depardieu et Sophie Marceau, un événement qui trouve 54 écrans. C’est le film de la semaine.
Du côté du cinéma américain, une adaptation de Frankenstein avec Sting et Jennifer Beals, signée Frank Roddam, apparaît à l’écran : The Bride / La Promise. C’est Warner Columbia qui régale, dans 22 salles parisiennes.
Le film d’auteur britannique de Mike Newell, Dance with a Stranger, essaie de capitaliser sur la présence d’une étoile montante, Rupert Everett, dans 8 salles.
Des séries de seconde Zone trouvent une place in extremis : Les guerriers de la jungle profite de 13 salles et d’une promotion faite d’affiches pantalon sur les portes des commerces.
Enfin UGC et Cannon sont associés pour la sortie du nanar Ninja III, sacrée référence de l’époque. En province, le film tournait déjà (et provoquait l’hilarité nerveuse).
Le Gaffeur recense dans ce contexte chargé 31 salles parisiennes. Une couverture très étonnante pour une production franchouillarde, hors-sol en 1985, qui est censée faire le gros de ses entrées en province.
Le distributeur Les Films Jacques Leitienne ne vit pas une belle année, après l’échec du Pactole de Jean-Pierre Mocky, avec Patrick Sébastien, et de Y’a pas le feu de Richard Balducci, comédie très proche dans l’esprit, du Gaffeur.
Ce dernier compte sur l’affiche de Jean Mascii (éditée exclusivement aux formats 120X160 et 40X60) pour la promotion, ainsi que sur le casting roublard. La présence de Jean Roucas, alors jeune premier de la télévision (Collaro Show, Cocoboy…), dans son seul rôle de cinéma, ne fait pas le buzz. Evidemment, le distributeur mise beaucoup sur le capital de sympathie du public pour Jean Lefèbvre pour s’assurer 500 000 spectateurs France. En effet, l’humoriste peu concerné par la qualité, a connu une suite de comédies à 500 000-600 000 entrées au box-office dans cette première partie de la décennie : Les Borsalini, Prends ta Rolls et va pointer, N’oublie pas ton père au vestiaire, On est pas sortis de l’auberge, et Le Braconnier de dieu. Hors, tous ces titres étaient misérables dans leur budget et épouvantable dans leur réalité artistique qui relevait de l’improvisation totale et du néant récréatif.
- Au box-office, les résultats ne seront guère éloquents, et ce dès le départ. En effet, sur Paris-Périphérie, Le Gaffeur réalise un premier jour, certes, en deuxième position des nouveautés du jour, mais avec seulement 4 057 entrées, loin derrière les 34 000 spectateurs de Police.
- En première semaine, Le Gaffeur se distingue par l’apport en tickets cumulés de ses avant-premières estivales, dans les cinémas de province. Le film a généré 97 038 entrées avec les avant-premières, ou 65 000 sur cette seule semaine. Il est positionné 8e en France, derrière des films attendus et marketés comme Police, Parole de Flic, Legend avec Tom Cruise, Pale Rider avec Clint Eastwood, l’éternel La Forêt d’émeraude, qui compte plusieurs mois d’exploitation. Le Gaffeur démarre mieux que La promise (56 265 spectateurs) ou Dance With a Stranger (24 637).
- En première semaine, à Paris-Périphérie, la comédie franchouillarde s’installe en 6e place, avec 26 643 spectateurs. Un mauvais score pour une si belle combination. Seuls 5 cinémas en intra-muros » affichent plus de 1000 spectateurs : le Paramount Opéra (2 376) est leadeur, suivi par le Paramount Montparnasse, le Paramount City, le George V et le Mistral. Jacques Leitienne a également trouvé des écrans à La Bastille, les 3 Sécrétan, le Forum Cinémas, la Maxéville, La Fauvette, les Images, ou encore Le Convention Saint-Charles.
- Pour cette première semaine, Le Gaffeur entre en 8e place à Toulouse et Bordeaux, en 13e place à Strasbourg, en 4e place à Nancy, et en 7e place à Marseille, Lilles et Lyon… Rien de bon. La concurrence est dure.
- En deuxième semaine, la comédie franchouillarde s’installe en 10e place nationale, avec 35 810 spectateurs. A Paris-Périphérie, la comédie a perdu une dizaine d’écrans et se retrouve désormais à 9 913 spectateurs. Aucuns des 19 sites qui le proposent ne se situent au-dessus des 1 000 spectateurs.
- Forcément, Paris se débarrasse massivement du vilain petit canard en 3e semaine, puisque désormais seuls les Paramount City et le Paramount Opéra le diffusent, avec 1 147 entrées dans 2 cinémas et un total très médiocre de 37 703 Parisiens.
- Globalement, Le Gaffeur s’avère être un échec avec seulement 229 636 spectateurs, malgré un long tour du pays qui passe par les petites villes de campagne pour aller trouver à sa source le spectateur susceptible d’apprécier les facéties du curé père malgré lui. Un score moindre par rapport au Facteur de Saint-Tropez, autre ratage distribué durant l’été 1985, avec Paul Préboist, cette fois-ci.
Tristement, Le gaffeur sera l’ultime film avec Jean Lefèbvre en tête d’affiche qui ne redeviendra plus un acteur de premier plan. L’acteur de 65 ans n’a plus la forme et le public au cinéma n’est plus le même, puisque désormais, il se tourne massivement vers le cinéma américain. En septembre 1985 sortiront Breakfast Club de John Hugues, Dangereusement vôtre, Mad Max au delà du dôme du tonnerre, ou encore Recherche Susan Désespérément, avec Madonna. En fait, une comédie française fera des merveilles, mais avec un casting plus urbain et plus frais : Roland Giraud, Michel Boujenah et André Dussolier. Evidemment, il s’agit de Trois hommes et un couffin, de Coline Serreau qui remportera le César du Meilleur film et séduira 10 millions de spectateurs et des poussières (des poussières supérieures au total du Gaffeur, au passage !).
Evidemment Carrère Vidéo, qui édite de nombreux films de Jacques Leitienne en VHS depuis 1982, proposera le titre en VHS en 1986, la même année que Les Chinois à Paris, Par où t’es rentré, on t’as pas vu sortir, Ne prends pas les poulets pour des pigeons, Vive le Fric… Carrère n’était pas là pour donner dans la grande comédie.
Claude Carrère saura exploiter son catalogue avec des rééditions bon marché dans les années 80 – 90.
Box-office de Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 4 septembre 1985
Illustration & Copyright Mascii
Biographies +
Serge Pénard, Claude Gensac, Marie Bunel, Jean Lefebvre, Bruno Balp, François Dyrek, Jean Roucas, Denise Grey