Avec Late Night with the Devil, les frères Cairnes revitalisent les deux sous-genres du found footage et du film de possession démoniaque avec vigueur et intelligence. Le résultat est tout à fait enthousiasmant.
Synopsis : Jack Delroy cherche désespérément le petit quelque chose qui manque à son émission de divertissement pour dépasser la concurrence. Le soir d’Halloween, les segments se succèdent et l’ambiance commence sérieusement à déraper sur le plateau, en plein direct.
Late Night with the Devil, un succès inattendu aux Etats-Unis
Critique : Troisième long métrage d’un duo de frangins australiens à qui l’on doit déjà les inédits 100 Bloody Acres (2012) et Scare Campaign (2016), Late Night with the Devil (2023) a pris tout le monde par surprise depuis sa présentation au PIFFF en décembre 2023 et surtout après son joli succès aux Etats-Unis où le distributeur IFC Films l’a proposé sur un panel de 1 400 écrans (au pic de son exploitation) pour un résultat dépassant 10 millions de dollars de recettes. A cela, il convient d’ajouter l’unanimité des critiques, ainsi que l’engouement des spectateurs l’ayant découvert sur grand écran.
Malheureusement pour le public français, Late Night with the Devil ne sort qu’en vidéo en France. Tandis que les amateurs de films d’horreur doivent se taper les pires outrages sur pellicule en salle (on pense à L’IA du mal, Night Swim, Imaginary ou encore La maison du mal) les vraies bonnes surprises sont de plus en plus souvent confinées à la vidéo ou aux plateformes de streaming. De quoi enrager, surtout lorsque l’on découvre enfin ce Late Night with the Devil à la réputation flatteuse.
Comment revigorer le found footage et le film de possession
Et de fait, si les premières réalisations des frères Cairnes ne semblent pas avoir marqué les esprits, ce troisième effort devrait définitivement les sortir de l’anonymat auprès des cinéphiles amateurs de frissons. Ils embrassent pourtant deux sous-genres horrifiques qui ont été essorés ces dernières années par une multitudes d’ersatz sans intérêt. Effectivement, les frangins se lancent dans le surnaturel à base de possession démoniaque comme on en voit trop depuis le succès de la saga Conjuring, au point de nous donner des boutons. Ils y ajoutent une forte dimension de found footage, sous-genre très à la mode durant la décennie 2000, mais qui a fini par lasser le public par sa vacuité. Mais le miracle se produit avec ce Late Night with the Devil qui parvient à triompher de tous les obstacles, avec un certain brio.
Tout d’abord, les auteurs parviennent à pleinement justifier le mode du found footage puisque l’intégralité des événements se déroulent en direct à la télévision durant la grande période des Late Shows américains. Ce filmage basique évite par ailleurs de subir un énième machin informe tourné avec un téléphone portable dans un grand bain de décadrages hystériques. Afin de montrer les coulisses de l’émission, les cinéastes ont eu la judicieuse idée de proposer l’intégralité de ce qui est enregistré par les caméras, y compris pendant les pages de publicité.
Une bonne dose d’ironie et de références prestigieuses
Enfin, en ce qui concerne la dimension proprement surnaturelle, les auteurs ont eu l’intelligence de proposer une intrigue où des personnages convaincus sont systématiquement rabroués par des gens sceptiques et qui crient à l’arnaque. Cela octroie au long métrage un ton volontairement ironique qui tranche avec ce genre de films convoquant des démons ou carrément le Diable.
L’un des éléments les plus marquants de Late Night with the Devil vient de sa parfaite reconstitution des années 70 jusque dans ses couleurs, ses images qui peuvent être baveuses, et bien entendu dans ses costumes et décors kitsch. C’est dans ce cadre très daté que se déroule une intrigue faustienne qui convoque à plusieurs reprises le cinéma de Brian De Palma. Ainsi, le pacte faustien renvoie directement à son Phantom of the Paradise (1974), son final évoque forcément celui de Carrie au bal du diable (1976), tandis que les passages où les auteurs s’appuient sur la caméra comme élément révélateur de la vérité renvoie à l’ensemble de la filmographie du cinéaste.
De bons acteurs et des effets parcimonieux mais convaincants
A cela, il convient d’ajouter une description sans fard du monde cruel de la télévision – que les cinéastes connaissent bien pour y avoir trainé leurs guêtres durant une bonne vingtaine d’années. Parfait en présentateur manipulateur prêt à tout pour gagner des parts d’audience, David Dastmalchian porte vraiment l’ensemble du film sur ses épaules. On apprécie aussi la contribution de Laura Gordon (Saw V) en parapsychologue qui va s’avérer dépassée par les événements. En gentille petite fille possédée, la jeune Ingrid Torelli impose également une belle présence, tout en restant stoïque et ironiquement souriante.
Sur le plan des effets spéciaux, le mélange d’effets pratiques et numériques est plutôt une réussite malgré des moyens peu importants. Mais surtout, les cinéastes sont parvenus à créer une ambiance mystérieuse et intrigante, depuis l’introduction narrée par la voix inquiétante de Michael Ironside jusqu’aux premiers dérapages de ce direct décidément pas comme les autres et au final qui part totalement en vrille.
Une belle réussite à découvrir en vidéo et en VOD
D’une parfaite cohérence thématique et stylistique, Late Night with the Devil mérite donc largement son succès américain, ainsi que les récompenses glanées dans les différents festivals arpentés. Devenu culte en seulement six mois, le métrage est aujourd’hui proposé en vidéo dans des éditions étrangères particulièrement belles. En France, il faut se contenter une fois de plus du service minimum avec un DVD et un blu-ray édités par Wild Side Vidéo, reprenant des entretiens promotionnels des différents acteurs. Les cinéphiles bilingues préféreront sans aucun doute les éditions étrangères en 4K (chez Second Sight par exemple) proposant pléthores de commentaires audio, d’entretiens avec les réalisateurs ou encore de making of.
Critique de Virgile Dumez
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Biographies +
Colin Cairnes, Cameron Cairnes, Michael Ironside, David Dastmalchian, Laura Gordon, Ian Bliss
Mots clés
Cinéma australien, Les films d’horreur des années 2020, Found Footage, Films de possession démoniaque, Reconstitution des années 70 au cinéma