L’I.A. du Mal est un désastre d’écriture. Un projet Blumhouse opportuniste où tout relève de l’amateurisme artistique. Nul.
Synopsis : Curtis et sa famille sont sélectionnés pour tester un nouvel appareil révolutionnaire : un assistant familial numérique appelé AIA. Rapidement le robot apprend les comportements de la famille et commence à anticiper leurs besoins. Il souhaite s’assurer que rien – ni personne – ne se met en travers du chemin de la famille.
Critique : Dans une filmographie en tant que scénariste où l’on trouve aussi bien le film d’animation Fourmiz, la comédie lourdingue La famille lourdingue, une comédie avec Hugh Grant adulescent (Pour un garçon), des adaptations de saga littéraires pour ados comme A la croisée des mondes, un épisode de Star Wars (Rogue One), de la bluette pour gamines (le relooking inutile de Cendrillon, en 2015) et de la science-fiction foireuse (The Creator), Chris Weitz peut être taxé au mieux de tâcheron. Au pire, on verra en lui un opportuniste. Dans tous les cas, à Hollywood, celui que l’on connaît aussi pour avoir coréalisé, avec son frère Paul, la teen comédie Amercain Pie et le second épisode de Twilight, est surtout un pion sans personnalité que l’on déplace pour mettre en place des films où la notion même d’auteur et d’artiste est tertiaire.
A la fois producteur, scénariste et réalisateur sur L’I.A. du Mal, Chris Weitz est un élément déterminant dans la médiocrité absolu de ce projet que même son studio Sony/Columbia a estimé grotesque au point de repousser sa sortie d’un an et de le positionner en fin d’été saison où personne ne regarde vraiment le programme du cinéma d’à côté. En effet, avant d’être rebaptisée AfrAId, jeu de mot sans enthousiasme autour de l’AI, donc l’Intelligence Artificielle dans notre langue, cette production Blumhouse s’intitulait They Listen. Ce titre était au moins plus mystérieux. A qui le pronom “They” se référait-il ? Et surtout qui était le complément du verbe omis par le titre ? They Listen engageait des questions, sans réponse, certes, “Ils écoutent”, mais obéissent-ils ? Si oui, pour faire quoi ?…
Ce titre de production était très certainement trop ambitieux pour un produit qui ne veut jamais l’être, puisque, avec son script généré par un assistant vocal en fin de vie, l’objectif était d’arrondir les angles, d’émousser les interrogations et donc de livrer le plus lisse des films d’épouvante.
La sortie estivale du 25 août 2023 a été à la dernière minute annulée pour finalement repousser l’apparition du virus filmique à la fin du mois d’août 2024, soit carrément un an après. Pourtant, entre temps, le studio Sony aurait pu miser sur Halloween, mais associer ce produit PG-13 sans une once d’angoisse, d’horreur et d’hémoglobine au mois de la peur, cela aurait été une arnaque impardonnable. Il fallait donc dissimuler cette sortie la veille de rentrée des classes, aux USA comme dans le reste du monde, à un moment où l’exigence n’a plus de raison d’être car tout le monde est occupé à d’autres activités plus essentielles que de se demander si Alexa, la voix et les oreilles d’Amazon (une référence constante dans ce film publicitaire), a pété un câble domatique.
Paradoxalement, à force de vouloir cacher aux yeux du monde leur I.A. du Mal (promo inexistante à une semaine de la sortie, autant aux USA qu’en France), absolument personne (ou presque) n’a vu le vilain petit programme corrompu, tout droit arraché du disque dur cramé de Jason Blum. Avec un budget de 12M$, les recettes américaines resteront sous la barre des 10 millions tandis qu’en France, après une première semaine à 48 000 entrées, l’on n’envisage guère de voir la bouillie numérique rameuter désormais les 100 000 spectateurs. La société Blumhouse, confirme ainsi une crise d’inspiration, puisqu’elle s’est particulièrement compromise en 2024 avec les productions insipides qu’ont été Night Swim (en janvier) et Imaginary (en mars), deux échecs qui ont mis les professionnels de la critique et le public d’accord. Aussi, son implication dans le processus créatif de L’I.A. du Mal est tout aussi révélatrice de l’incapacité de Jason Blum à se reconnecter avec les envies du public, celles de l’intelligence, de l’originalité et de la frousse faite film.
Le sujet-même d’AfrAId semble être décalqué de celui de M3GAN, succès maison dans lequel une poupée 2.0. gonflée à la technologie novatrice était introduite au domicile d’une jeune fille, mais, au lieu de servir de joyeux desseins, elle persistait dans sa volonté perverse de détruire le foyer… Dans L’I.A. du Mal, c’est un assistant personnel gonflé à ChatGPT et consort, version augmentée de la maison connectée, qui prend le contrôle de la vie d’un couple sans histoire (au passage sans âme et sans existence palpable selon notre ressenti), et de leurs enfants aux âges cibles du programme… Un gamin obnubilé par les écrans et une ado préoccupée par les réseaux sociaux. Le fléau de l’addiction aux écrans est posé dès le générique, avec une société spectrale qui gangrène les familles, où l’IA génère des visuels réalistes, mais avec ces défauts morbides d’imperfections physiques (une main à six doigts, des yeux monstrueux) qui rappellent les photos viciées de la saga Ring. L’on se dit que cette histoire pourrait finalement accoucher d’une parabole sur notre monde plutôt à-propos, car le point de départ est à faire, ou plutôt à refaire, car le classique de Kiyoshi Kurosawa, en 2001, Kairo, abordait déjà cette thématique, avec le brio qui l’avait conduit à la sélection cannoise.
Mais c’était sans compter l’impossible connexion avec l’intelligence des auteurs du film et la prévalence de l’artificiel dans ce script IA-generated.
Ce brouillon de série B d’1h24 est une compilation des tics hollywoodiens les plus soporifiques, incarnés par des acteurs qui ont depuis longtemps atteint le sommet de la fadeur. Katherine Waterston est probablement l’actrice la plus transparente qui a pu émergé durant ces 20 dernières années. Des Animaux fantastiques à Alien: Covenant, on peut allègrement dire qu’on a subi sa pâleur de jeu dans des films qu’on attendait énormément. Elle est ici à l’avenant : nulle. John Cho, son époux improbable, qui reste, pour Sony, associé au succès relatif du thriller de série technologique Searching – Portée Disparue (2018) ne vaut pas mieux. Inexpression faciale, jeu stéréotypé de papa cool, il n’insuffle aucune vie à son personnage prisonnier de cette trame factice qui se tient essentiellement dans des décors interchangeables, notamment celui d’une maison avec ses pièces immenses où tout respire l’aisance et le vide de l’incarnation. Ce cadre pourrait être celui de n’importe quel film, il est l’inspiration d’une équipe artistique aussi transparente que ce casting qui doit débiter banalité sur banalité, notamment lors d’une première heure où il ne se passe rien.
Sur les huit premiers mois de 2024, le cinéma de genre horrifique a été incapable d’engendrer le moindre gros succès surprise au box-office. Le malaise est total et la colère monte lorsque l’on se rend compte que beaucoup de bijoux indépendants ont été restreints à des micro sorties en salle ou ont été dilués lors d’un passage à la VOD qui diminuent leur force d’impact. On pense à Late Night With the Devil, StopMotion, I Saw the TV Glow, In a Violent Nature, qui méritaient en France bien plus d’égards que cet I.A. du Mal écervelé.
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Mots clés
Blumhouse Productions, Les films d’horreur des années 2020, Les films de 2024, Jason Blum