Production anodine, La maison du mal échoue à créer une atmosphère de conte horrifique pour adolescents à cause d’un script mal ficelé et d’acteurs aux charismes proches du néant. Oubliable.
Synopsis : Peter, âgé de huit ans, est tourmenté par un bruit mystérieux et incessant de tapotement provenant du mur de sa chambre – mais ses parents affirment que ce n’est que le fruit de son imagination. À mesure que sa peur s’intensifie, Peter se persuade que ses parents lui cachent un terrible secret et perd toute confiance en eux, ce qui ne fait qu’accroître son angoisse et ses terreurs…
La maison du mal, une petite production tournée en Bulgarie
Critique : Depuis longtemps intéressé par le genre horrifique, le comique Seth Rogen n’avait encore jamais franchi le pas de produire une œuvre de ce type. Avec sa compagnie Point Grey Pictures, cofondée avec son complice Evan Goldberg en 2011, le comédien avait jusque-là investi dans son genre de prédilection, à savoir la comédie. Toutefois, depuis des accords de distribution passés avec la compagnie Lionsgate en 2019, Seth Rogen a été encouragé à diversifier sa production. Il parie donc sur le scénario de Chris Thomas Devlin (également auteur du Massacre à la tronçonneuse de Netflix en 2022) intitulé en VO Cobweb et qui deviendra en français un banal La maison du mal, titre passe-partout qui annonce un film sans grand relief.
Afin de mettre en boite ce script, les producteurs font appel à un petit nouveau, Français de surcroit, nommé Samuel Bodin. Celui-ci s’est fait remarquer par la réalisation de plusieurs séries, dont Marianne, une histoire horrifique. Pour limiter les coûts au maximum – le budget n’est que de 13 millions de dollars – toute l’équipe est envoyée en Bulgarie à partir du mois de septembre 2020. Certes, il a fallu transformer les paysages locaux pour les faire passer pour américains, mais comme l’essentiel de l’intrigue se déroule à l’intérieur d’une maison, l’illusion fonctionne plutôt bien.
Des acteurs globalement médiocres
Encore pour des raisons de coût, le casting comprend majoritairement des comédiens issus de la télévision. Ainsi, le couple de parents est incarné par Lizzy Caplan – connue pour Masters of Sex – et Antony Starr – comédien de la série Banshee – qui en font des caisses afin de paraître louches aux yeux des spectateurs. Face à eux, le petit Woody Norman (11 ans au moment du tournage et qui a bien grandi depuis) est sans aucun doute le seul acteur qui s’en tire avec les honneurs. Son regard très expressif parvient à révéler ses sentiments les plus enfouis et il constitue à coup sûr la seule vraie plus-value de ce long métrage, avec également la jolie musique de Drum & Lace. Depuis, le jeune garçon a été vu en mousse embarqué pour Le dernier voyage du Demeter (André Øvredal, 2023).
©️ 2023 Point Grey Pictures – Vertigo Entertainment -Lionsgate. All Rights Reserved.
Le début de La maison du mal n’est pas forcément calamiteux car Samuel Bodin parvient à créer une certaine atmosphère de défiance entre les parents et leur progéniture. Sa réalisation s’immisce dans les moindres recoins d’une maison dont on saisit assez rapidement la géographie, preuve d’un certain savoir-faire dans la gestion de l’espace. Malheureusement, le script échoue à créer une réelle tension autour de cette histoire qui se voudrait l’égale des grands contes horrifiques ayant marqués notre enfance, mais qui n’en atteint jamais la dimension cathartique. Effectivement, si le film joue d’abord la carte de la maison hantée – genre usé jusqu’à la corde ces dernières années – il s’en détourne pour évoquer une présence bien tangible au sein des murs de la demeure.
La maison du mal aborde des thèmes comme le harcèlement scolaire et la maltraitance
Abordant des thématiques sérieuses comme celles du harcèlement scolaire ou encore de la maltraitance des enfants à leur propre domicile, La maison du mal ne parvient jamais à mêler ce propos intéressant avec son intrigue plus fantastique. A tel point qu’on a parfois l’impression d’assister à deux films différents, l’un souhaitant embrasser des métaphores sociétales et l’autre ne cherchant que l’efficacité immédiate d’un script minimal.
Un script totalement incohérent et décousu
Après les premières bonnes impressions, le long métrage s’effondre totalement dans sa deuxième partie, croulant sous la médiocrité générale de l’interprétation, mais aussi sous des rebondissements tous plus absurdes les uns que les autres. Ainsi, on se demande bien pourquoi l’intrus présent dans la maison ne s’est pas révélé auparavant. Certes, on nous répondra qu’il s’agit avant tout d’une métaphore sur le passage à l’adolescence, mais alors pourquoi réserver à cette présence une réalité aussi tangible et terre à terre ?
Qu’on la prenne par n’importe quel bout, l’histoire de La maison du mal ne tient pas debout et les scènes horrifiques foireuses de la dernière partie enterrent définitivement tout espoir de rédemption pour cette série B brinquebalante. D’ailleurs, les producteurs eux-mêmes ne semblent pas avoir été convaincus puisque le film est demeuré dans un tiroir durant près de deux ans, avant d’être enfin dévoilé dans une combinaison de salles très restreinte aux Etats-Unis.
Un outsider face à Barbie et Oppenheimer, sortis la même semaine en France
En France, le film a eu les honneurs d’une sortie importante en plein mois de juillet 2023, à un moment où tous les yeux étaient braqués sur l’affrontement entre Barbie, l’épouvantable nanar de Greta Gerwig et Oppenheimer de Christopher Nolan . A noter que l’on ne comprend toujours pas la stratégie des distributeurs français qui s’acharnent à proposer les pires films d’horreur en salles, tandis que des pépites demeurent inédites ou confinées aux plateformes de streaming. Les fans de genre ont de quoi se poser des questions.
Le résultat français de La maison du mal était prévisible, avec une première semaine à 96 861 entrées sur un parc de 200 salles environ. Ainsi, le long horrifique ne décroche que la huitième place hebdomadaire, ce qui ne sent pas très bon pour son distributeur Metropolitan Filmexport. Comme souvent avec ce genre de produit, la semaine 2 voit le film chuter de plus de 55 % et trouver 43 476 retardataires. Le bouche à oreille médiocre a raison du navet qui s’effondre encore de 57 % en troisième septaine et qui franchit péniblement la barre des 150 000 ados. Maintenu à l’affiche sur quelques séances durant tout l’été, La maison du mal termine sa carrière avec 164 003 entrées, avant d’être diffusé en DVD et blu-ray au mois de novembre 2023. Le long métrage, totalement anodin, disparaîtra assez vite de nos mémoires.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 19 juillet 2023
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Samuel Bodin, Cleopatra Coleman, Lizzy Caplan, Antony Starr, Woody Norman
Mots clés
Les maisons hantées au cinéma, Le harcèlement scolaire au cinéma, Les enfants maltraités au cinéma, Metropolitan Filmexport