Avec son titre racoleur, Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle cache en réalité un film gothique plutôt classique et passablement ennuyeux. La maladresse de nombreux acteurs secondaires entraine le métrage vers le ridicule à plusieurs reprises.
Synopsis : Dans un pays d’Europe centrale, au XIXème siècle, le baron Frankenstein, assisté par le Dr Charles Marshall, tente de créer l’homme parfait à partir de cadavres que lui procurent des profanateurs de sépultures. Le savant pense parvenir à ses fins lors d’une nuit d’orage, mais le cerveau utilisé pour la transplantation s’avère endommagé. Une fois animée, la créature tue Frankenstein et s’enfuit. Tania, la fille du baron, arrivée au château depuis peu, décide alors de poursuivre les travaux de son père, avec l’aide de Charles. Pendant ce temps, la créature massacre des villageois dans la campagne environnante.
Lady Frankenstein remplace Lady Dracula
Critique : Au début des années 70, l’acteur et cinéaste américain Mel Welles reçoit une proposition qu’il ne peut pas refuser : on lui offre un budget tout à fait correct pour réaliser un film d’horreur gothique appelé Lady Dracula. Malheureusement, le projet tombe rapidement à l’eau pour d’obscures raisons de droits détenus par l’acteur Brad Harris (qui jouera effectivement dans un film éponyme tourné finalement en Allemagne par Franz Josef Gottlieb). Mel Welles ne veut pourtant pas laisser tomber et se dit qu’il peut contourner la difficulté en réalisant un Lady Frankenstein en lieu et place de la version féminine du célèbre vampire.
Mel Welles est parti à Londres avec son coscénariste Edward Di Lorenzo et les deux complices ont réussi à écrire un script en seulement trois semaines. De retour en Italie, ils parviennent à réunir un casting intéressant comprenant notamment un Joseph Cotten vieillissant qui vient payer ses factures en cachetonnant, mais aussi une Rosalba Neri qui va peu à peu s’imposer comme un atout charme indéniable, le tout secondé par le Suisse Paul Muller, un habitué de la série B. A ce casting un peu dépareillé, on peut également ajouter la présence du culturiste Mickey Hargitay (qui fut autrefois Mister Univers et mari de la plantureuse Jayne Mansfield) dans un rôle d’enquêteur qui lui est plutôt inhabituel.
Mel Welles aime le genre gothique, mais le sert plutôt mal
Féru de cinéma d’épouvante gothique, le réalisateur américain Mel Welles se fait clairement plaisir ici en détournant le chef d’œuvre de Mary Shelley et en inventant une fille au célèbre savant. Son but était à la fois de rendre hommage à un pan du cinéma qu’il adore, mais aussi d’effectuer un pas de côté de façon à se distinguer de la masse de productions gothiques, notamment depuis le triomphe des films de la Hammer. Malheureusement, si l’on excepte la présence de cette fille du docteur, la première partie du film semble surtout calquée sur le modèle du roman, au point d’ennuyer sévèrement le spectateur qui a déjà vu cette histoire des dizaines de fois, généralement en mieux réalisé.
Effectivement, si les décors du château médiéval situé en Ombrie est luxueux et que la musique d’Alessandro Alessandroni est plutôt de bonne tenue, on ne peut pas dire que l’ensemble soit valorisé par la réalisation très plate de Mel Welles. Celui-ci se révèle même incapable de créer une vraie atmosphère angoissante. Pire, lorsque l’action débute vraiment, la plupart des séquences sombrent dans le ridicule à cause d’une désagréable impression d’artificialité. Ainsi, le monstre de Frankenstein est tout bonnement pathétique, non seulement par son maquillage grossier, mais aussi par son allure générale et ses déambulations involontairement comiques.
Des acteurs secondaires à la peine
Alors que le duo formé par Rosalba Neri et Paul Muller s’avère convaincant, on ne peut pas en dire autant de tous les acteurs secondaires. Mickey Hargitay n’est toujours pas très à l’aise devant une caméra, tandis que les figurants sonnent tous faux, jusqu’au propre fils du réalisateur, le petit Adam Welles qui prouve que les enfants ne savent pas naturellement jouer la comédie. Certes, Mel Welles tente bien d’ajouter une dimension sulfureuse à travers une courte scène de sexe, d’ailleurs assez incongrue, mais rien de bien affriolant pour autant. Les censeurs de l’époque ont toutefois coupé le film de 18 minutes, mais au vu de la version intégrale, on se dit qu’ils étaient encore bien prudes.
Passablement ennuyeux, le spectacle offert par Lady Frankenstein est donc loin d’être convaincant et provoque même à intervalles réguliers la moquerie, tant les incohérences et même les fautes de raccord sont légion (le trépané qui retrouve sa chevelure dès la scène suivante nous amuse toujours autant).
Aureliano Luppi, coréalisateur officiel, n’a jamais mis les pieds sur le plateau
Lors de sa sortie en Italie, les auteurs ont été contraints d’ajouter au générique le producteur Aureliano Luppi en tant que coréalisateur pour des questions d’impôts (le film étant italien, mais réalisé par un Américain, les producteurs pouvaient être pénalisés et ne pas recevoir d’aides de la part de l’Etat italien). Tous les témoins de l’époque confirment au cours de leurs entretiens qu’ils n’ont jamais vu Aureliano Luppi sur le plateau et que l’ensemble du film a bien été tourné par Mel Welles, unique maître d’œuvre du film. Sorti en France sous le titre très putassier et particulièrement faux de Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle en août 1973, ce mauvais film gothique a écopé d’une interdiction classique aux moins de 18 ans et n’a pas fait long feu en salles.
Il a ensuite été exploité en VHS par l’éditeur Proserpine, avant d’être à nouveau proposé à la vente par Le Chat qui Fume dans une édition blu-ray à la copie superbe et aux nombreux bonus. Dommage que le film soit si médiocre et doive être ainsi réservé aux amateurs de nanars.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 16 août 1973
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Mel Welles, Joseph Cotten, Paul Muller, Rosalba Neri, Riccardo Pizzuti, Herbert Fux, Mickey Hargitay