Classique buddy movie destiné à rajeunir l’image de Clint Eastwood, La relève pâtit d’un script banal qui enfile les clichés comme des perles. Heureusement, la réalisation est plutôt pêchue et compense en partie les faiblesses narratives.
Synopsis : Nick Pulovski, vétéran de la police de Los Angeles et spécialiste des voitures volées, essaie de démasquer Strom, un redoutable trafiquant. On lui adjoint un jeune co-équipier inexpérimenté : David Ackerman. Commence alors, pour Nick et David, une course poursuite effrénée pour arrêter ce criminel, au mépris de tout danger…
La relève, un pur produit destiné à cartonner au box-office
Critique : Certain qu’il ne rentrera pas dans ses frais avec la réalisation de l’ambitieux et très réussi Chasseur blanc, cœur noir (1989), Clint Eastwood passe un accord avec la firme Warner Bros. : il accepte de réaliser un film purement commercial dans la lignée de la saga Inspecteur Harry si on le laisse tourner son long-métrage sur l’odyssée africaine du réalisateur John Huston. Comme prévu, Chasseur blanc, cœur noir a été un gros échec, par ailleurs très injuste tant il s’agit de l’un des meilleurs films du cinéaste.
Le voilà donc sur le pied de guerre pour tourner à la va-vite La relève (1990) sur un scénario très basique de Boaz Yakin et Scott Spiegel. Il s’agit ici de se mettre au goût du jour du public et de livrer un buddy movie comme il en pleuvait sur les écrans à cette époque. Afin de rajeunir son audience, le vieux Clint (déjà 60 ans au compteur au moment du tournage) s’adjoint les services du petit jeune Charlie Sheen. L’acteur initie ainsi une thématique qui n’aura de cesse d’être traitée par la suite : celle de la transmission d’un vétéran (Eastwood, donc) vers un personnage plus jeune et généralement naïf.
Clint Eastwood froisse de la tôle
Comme l’acteur n’a plus aucune illusion sur la valeur de ce type de spectacle, il parsème le tout de moments plus humoristiques et s’amuse donc à pasticher la saga de l’Inspecteur Harry qui a pourtant fait beaucoup pour sa gloire américaine. Dans La relève (1990), Clint est encore un vieux briscard qui s’arrange avec les lois. On lui colle dans les pattes un bleu tout juste sorti de l’école de police. Celui-ci va finir par s’aguerrir et par devenir « un vrai mec » au contact du vétéran.
Point de subtilité dans La relève puisque le scénario semble avoir été écrit par une Intelligence Artificielle qui régurgite tous les clichés du genre dans l’ordre attendu. Ainsi, les méchants sont très méchants et pervers, les gentils doivent protéger leur entourage des nécessaires représailles des truands et le tout se règle à coups de fusillades et de courses poursuites en voitures. Sur ce plan d’ailleurs, Clint Eastwood se fait vraiment plaisir et broie de la carcasse à tout va. On saluera en cela le beau travail effectué par Buddy Van Horn qui a codirigé des séquences d’action impressionnantes : celle de l’autoroute au début est trépidante, tandis que l’accident d’avion sur l’aéroport laisse pantois à une époque où les effets spéciaux n’étaient pas générés par ordinateur.
La relève, le versant républicain assumé de Clint Eastwood
Destiné à un public de gros bras qui veut voir des bagnoles, des jolies pépées – Sonia Braga et Lara Flynn Boyle sont assurément agréables à regarder – et de l’action pied au plancher, La relève est plutôt correctement emballée, même si les deux heures de projection paraissent un peu longues lors d’un ventre mou qui s’invite à mi-parcours. Le duo formé par Clint Eastwood et Charlie Sheen fonctionne plutôt bien, même si le jeune acteur paraît quelque peu limité dans ses expressions. On préfère largement Raul Julia dans le rôle du grand méchant.
Il est toutefois étonnant de constater la versatilité de Clint Eastwood qui venait tout juste de tourner deux films aux idées progressistes comme Bird (1988) et Chasseur blanc, cœur noir (1989) et qui revient avec La relève (1990) à une idéologie typiquement républicaine. Ainsi, tous les méchants du film sont des latinos, les flics sont présentés comme des justiciers qui ont droit de vie et de mort sur les suspects et les femmes ne servent qu’à tenir le foyer. Eastwood, lui-même républicain, confirme donc ici une tendance qui reviendra régulièrement s’insinuer au cœur de son cinéma, par-delà les déclarations d’intention sur son dégoût pour la violence et le racisme.
Un échec américain et une sortie française judicieuse pour la Fête du cinéma
Alors que tout avait été calculé pour faire de La relève un succès, le film est sorti dans l’indifférence au mois de décembre 1990 aux Etats-Unis. Le long-métrage n’a cumulé que 21,6 millions de dollars de recettes pour un budget supérieur. Il s’est ainsi positionné à la 74ème place annuelle au box-office nord-américain. Une sacrée douche froide qui va pousser Clint Eastwood à se montrer plus ambitieux avec son film suivant, le magnifique Impitoyable (1992) qui sera sa consécration.
En France, La relève est judicieusement programmée le 26 juin 1991, soit un jour avant la Fête du cinéma qui a eu lieu cette année-là le 27 juin (cela ne durait qu’un seul jour à l’époque). Il s’agit assurément de la plus grosse sortie de cette semaine-là et le film se positionne donc bon numéro 1 à Paris avec 123 258 spectateurs. Il s’agit toutefois de l’effet Fête du cinéma, car, crise oblige, les résultats de la deuxième semaine sont nettement moins mirobolants avec une chute de 70 % des entrées (soit 41 878 retardataires). La septaine suivante occasionne une nouvelle chute avec 25 149 bleus. Au bout d’un mois, La relève franchit péniblement les 200 000 entrées dans la capitale et termine à 226 414 flics parisiens.
Et dans la France entière ?
En France, le buddy movie se classe 2ème lors de sa semaine d’investiture derrière le beau succès d’Une époque formidable (Jugnot). Ainsi, il attire 337 063 spectateurs grâce à la Fête du cinéma. Le constat de la chute en deuxième semaine est logiquement le même que sur la capitale. En troisième semaine, La relève franchit les 500 000 entrées, mais résiste mal au bouche à oreille. En province toutefois, sa durée de vie sera plus longue qu’à Paris, notamment par sa présence dans les stations balnéaires du sud de la France. Le métrage termine sa trajectoire avec 788 371 tickets vendus. In fine, c’est le double de Chasseur blanc, coeur noir sorti un an plus tôt, et exactement les mêmes chiffres que l’Oscarisé Impitoyable qu’il sortira un an plus tard, à 5 000 entrées près. Firefox en 1982, Sudden Impact en 1984, et Bird en 1989 ayant également achevé leur carrière légèrement au nord de ces résultats, la France lui démontrait une fois de plus une belle loyauté.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 26 juin 1991
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Charlie Sheen dans La relève, © 1990 Warner Bros, inc. Tous droits réservés
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Clint Eastwood, Sonia Braga, Raul Julia, Tom Skerritt, Charlie Sheen, Lara Flynn Boyle