Suite portée sur l’action de haut vol, La planète des singes – l’affrontement ne brade pas sa réflexion sur l’acte de guerre. Le divertissement est total.
Synopsis : Une nation de plus en plus nombreuse de singes évolués, dirigée par César, est menacée par un groupe d’humains qui a survécu au virus dévastateur qui s’est répandu dix ans plus tôt. Ils parviennent à une trêve fragile, mais de courte durée : les deux camps sont sur le point de se livrer une guerre qui décidera de l’espèce dominante sur Terre.
La planète des singes – l’affrontement, blockbuster qualitatif de l’été 2014
Critique : L’été 2014 est probablement l’un des plus mornes en matière de box-office depuis des années. Après une petite fournée de titres attendus au mois de mai, la carence en blockbusters porteurs a méchamment dégradé l’appétit des spectateurs qui ont fui les multiplexes. Bonne nouvelle, Dawn of the Planet of the Apes n’a pas fait la grimace lors de son lancement tonitruant aux USA : 3.800 salles dès le 11 juillet, 72M$ lors de son démarrage, des critiques unanimement en sa faveur, bref, la suite de 2h10, marqué par un changement de réalisateur, est aux antipodes du piètre Transformers 4 qui déçoit… Soudainement, Hollywood semble avoir trouvé dans une armée de chimpanzés le remède à la dépression saisonnière, avec un résultat local à 208M$, soit la 8e recette la plus élevée de l’année. Dans le monde, il faut compter sur 502M$ de recettes supplémentaires pour un total ahurissant de 710M$ et une 8e place mondiale devant The Amazing Spider-Man 2 ou Interstellar.
Des singes plus forts que Godzilla
Il est vrai que cette suite au gentil film de Rupert Wyatt, qui avait séduit le public malgré son manque sérieux d’enjeux narratifs, dispose de sérieux arguments pour asseoir sa suprématie de roi Kong au B.O. mondial : du pathos, de l’émotion, du suspense, des effets spéciaux monstrueux, du spectacle, du spectaculaire aussi… Tout y est pour fédérer les ouailles désireuses de goûter à un divertissement généreux, pas trop bête (le singe est ici un animal malin), après les pas balourds de Godzilla, de Gareth Edwards, l’autre bestiole de l’été, qui a fait office de pachyderme dans un magasin de porcelaine.
Le premier film de la saga La planète de singes par Matt Reeves (Cloverfield, Laisse moi entrer) ne suscite pas notre enthousiasme inconditionnel. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le scénario de ce 2e épisode de la nouvelle saga de La Planète des singes est un édulcorant qui n’a pas dû provoquer beaucoup d’insomnies à ses scénaristes, tellement l’intrigue est convenue, avec ses correspondances évidentes entre singes et humains pour en venir à la conclusion darwinienne que les simiens et les humains sont identiques, dans leur bonté comme dans leur traîtrise. Au début du film, l’on voit vivre les descendants de César (héros du premier opus), qui règne en sage sur une communauté paisible, depuis que l’espèce humaine a été quasiment éradiquée par un virus venu de quelques singes de laboratoire… Jusqu’au jour où les hommes refont surface pour exploiter un barrage sur leur territoire, afin de raviver l’électricité nécessaire à leur survie… La rencontre suscite la curiosité, provoque la méfiance, insémine le doute, encourage la rébellion et engendre la violence. Dans les deux camps, la raison vacille face à l’émotion. La peur de l’autre entame la confiance et va provoquer l’affrontement du titre français (en VO, c’est le crépuscule des singes, il y a eu comme un souci de traduction !).

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Des primates trop humains? Un script lisse et balisé
Moins manichéen que sommaire dans son traitement psychologique de ses protagonistes, cet Affrontement peut paraître laborieux dans son insistance à vouloir assimiler les rites humains à ceux des singes et vice versa. L’amour, la naissance d’un enfant, la fraternité, l’envie… rien ne distingue vraiment les hommes des bêtes, puisqu’ils sont animés par les mêmes sentiments, pis, les chimpanzés du film, sublimés par des effets spéciaux en tous points remarquables, paraissent même plus humains, voire plus profonds que les caricatures d’acteurs qui leur donnent la réplique, à commencer par Gary Oldman, totalement inutile, Keri Russell, fade en docteur qui va faire des miracles, ou encore Jason Clarke qui peine à avoir de l’épaisseur face aux formidables images de synthèse qui habillent le jeu impeccable d’Andy Serkis en César.
Pourtant l’on ne jettera pas l’opprobre sur cette production Fox qui en contrepartie accentue le capital de sympathie que l’on pouvait porter à César dans le premier film, en l’attifant d’un rejeton adolescent qui tient bien de lui, dans ses questionnements shakespeariens. Tel père tel fils… Les singes sont ici des stars, qu’ils aient le premier ou un second rôle, comme celui de l’orang-outan, vieux sage apaisant dont on croirait presque en sa réalité physique tellement sa texture est réaliste.
L’inéluctabilité de la guerre pour un troisième épisode… inévitable
Le poids de la communauté pèse lourdement sur les épaules de César quand la nécessité de préserver une paix précaire devient un enjeu quasi obsolète au vu des défiances provoquées par le balafré Koba qui cherche la revanche contre l’homme, au risque de sacrifier la vie de ses congénères. La guerre est inévitable et, mise en scène par Matt Reeves, l’homme qui avait sacrément démoli New York avec un petit budget sur le mode du foundfootage, devient totalement épique. Fluide, toujours d’une grande acuité, la réalisation sait capter l’émotion au milieu de l’action. Hors de question de céder à la tentation de l’ennui, la philosophie du film va à l’encontre du statu quo et de l’inaction pour pouvoir semer les séditions et les conflits à venir. Mais une fois la pomme croquée et le péché de la colère exprimé, il ne reste plus que d’impressionnantes scènes de batailles armées, de prises d’assaut d’un vaste sanctuaire urbain dans une apocalypse de vie ôtées inutilement.

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Le message est ici clair, la guerre est absurde, mais une fois enclenchée, elle nourrit le ressentiment et l’impossible réconciliation. Il faut donc la mener. Ce message nous vend donc la nécessité d’un 3e épisode plus dévastateur, avec l’arrivée annoncée de nouveaux protagonistes qui sont évoqués ici en fin de métrage, à l’instar d’un fin de saison à la télé, pour élargir les enjeux et s’assurer l’adhésion des spectateurs, quasiment acquise ici. Et c’est en 2017 que déboulera la clôture de la trilogie, avec La Planète des singes : Suprématie.
Dans ce pur divertissement estival qui sent bon le blockbuster gagnant, on mentionnera également la prestance de la 3D, éminemment efficace et loin d’être figurative, dans un format curieusement limité au 1.85, un peu trop étroit à notre goût, alors que la fin exploite des décors vertigineux qui méritaient largement de recourir au Cinémascope du film d’origine… Le premier volet avait mise exclusivement sur le format 2D. La Planète des singes – L’Affrontement de Matt Reeves revêt davantage d’envergure. Des choix à débattre pour des combats de blockbusters parmi les meilleurs de l’année 2014.
La série de la Planète des singes
Les singes au cinéma
Sorties de la semaine du 30 juillet 2014

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Biographies+
Matt Reeves, Jason Clarke, Gary Oldman, Toby Kebbell, Keri Russell, Kodi Smit-McPhee, Andy Serkis, Judy Greer