Dans la catégorie des blockbusters estivaux de 2011, La Planète des singes – les origines a été un heureux succès qui a ouvert la voie à une longue franchise. Pourtant, ce faux reboot et vraie préquelle était artistiquement un non-événement.
Synopsis : Dans un laboratoire, des scientifiques expérimentent un traitement sur des singes pour vaincre la maladie d’Alzheimer. Mais leurs essais ont des effets secondaires inattendus : ils découvrent que la substance utilisée permet d’augmenter radicalement l’activité cérébrale de leurs sujets. César, est alors le premier jeune chimpanzé faisant preuve d’une intelligence remarquable. Mais trahi par les humains qui l’entourent et en qui il avait confiance, il va mener le soulèvement de toute son espèce contre l’Homme dans un combat spectaculaire.
La planète des singes – les origines : une préquelle pour rien ?
Critique : Remake ? Remake du remake ? Reboot ? Prequelle ? Oubliez tous ces termes qui polluent un peu Hollywood aujourd’hui. La version 2011 de La planète des singes n’est reliée à la saga que par son titre, ce que l’on peut trouver abusif. Point de conquête simiesque du monde ici, cette super production de la Fox, sortie tranquillement durant l’été 2011, raconte autre chose, ouvrant en fait sur une nouvelle trilogie qui compte parmi les triomphes de la décennie 2010.
La planète des singes – les origines se réapproprie ni plus ni moins un point de départ narratif galvaudé pour lancer son postulat d’une reconquête du monde par le grand singe, celui de l’humain face au résultat de ses expériences scientifiques cruelles sur les animaux qui lui échappe. Peu avant ce retour de la planète des macaques, Splice s’était essayé à l’exercice avec plus de noirceur, mais sans grand succès.
Monkey Shines
Les origines voit des injections contre Alzheimer faites sur des grands singes tourner mal et la mise à mort de tous les animaux captifs. Seul un petiot est sauvé par le scientifique James Franco, ici transparent avant sa bascule dans les turbulences de la célébrité. Le jeune homme élève son protégé à domicile et continue les expériences pour sauver son père, lui-même atteint de la maladie dégénérative. Mais, à l’instar de Deep Blue Sea où Renny Harlin pratiquait ces expériences sur d’impressionnants squales dans ce même but, le jeune homme développe l’intelligence de notre cousin de façon excessive. La situation ne peut que lui échapper et dégénérer, mais sans déraper dans la perversité de Splice ou les assauts meurtriers du film de requin customisé. La planète des singes – les origines reste un blockbuster balisé qui n’égale pas la tenue et la maturité de Link de Richard Franklin ou Incidents de parcours (Monkey Shines) de George A. Romero, deux thrillers mettant en scène également la rébellion du singe contre l’homme, de façon moins palpitante, mais plus adulte.
L’évasion de La planète des singes
Dans La planète des singes – les origines , l’inévitable révolte des grands singes (le petiot, César, grandit et va se retrouver, séparé de sa famille d’adoption, enfermé avec ses potos velus derrière des barreaux) se transforme en gentille échappée vers la forêt de séquoias située de l’autre côté de la ville et du pont de San Francisco. A ce stade de ce qui deviendra une trilogie, les mammifères ne sont pas animés par la volonté de conquérir le monde, de réduire l’espèce humaine à l’esclavage. Ils sont dirigés par un chimpanzé à l’intelligence inouïe qui se trouve être intrinsèquement attaché aux humains, comme un fils le reste à jamais à son père. Dès lors, le suspense de la filiation trahie ne se situe plus au niveau des hommes pour lesquels on ne ressent nullement une mise en en danger. Gorilles, chimpanzés et orang-outans ne veulent pas les massacrer mais seulement recouvrer la liberté et surtout les espaces naturels dont on les a dépossédé et qui titillaient depuis toujours leur instinct.
Comme dans moult productions animalières pour mômes, l’attention porte exclusivement sur les évadés dont on va surligner les traits de caractère communs avec l’humain, à savoir l’émotion et l’intelligence. Aussi, réussiront-ils à échapper aux êtres cruels qui se dressent sur leur passage (scientifiques vénaux, forces de l’ordre et armée de gros bras) ? Cela semble la seule problématique moins philosophique qu’attendue. On frémit pour les primates, car on les aime bien, ces grosses bêtes poilues animées par un anthropomorphisme basique, mais on ne connaît que trop la réponse que semble nous poser ce blockbuster estival limité par ses grosses ficelles.
Motion Capture et effets spéciaux prévalents
Certes, il y a bien les enjeux des effets-spéciaux, faire vivre des singes pas si numériques que cela (le comédien Andy Serkis s’en se souviendra derrière la carapace de la motion capture, puisque ce rôle l’installera au firmament), dans un environnement live qui gagne en dimension dans la toute fin pendant laquelle les singes bousculent la cité et renversent quelques véhicules sur leur passage… Mais tout cela, même si applaudi par quelques nominations aux Oscars ou aux BAFTA, est bien en deçà du potentiel suggéré par le titre et la bande-annonce qui sonne comme une arnaque.
Véritable distribution des cartes pour un récit plus ambitieux dans les chapitres à venir, La planète des singes : les origines n’en est pas un navet pour autant ; il se situe même au-dessus du pâle remake de Tim Burton, carton au box-office mais véritable naufrage artistique au tout début des années 2000. La réalisation de Rupert Wyatt (Captive State en 2019) est plutôt efficace et ne démérite pas ; l’intrigue (“il se prenait pour dieu, mais dieu a horreur de la concurrence”, cela vous dit quelque-chose ?) mâtinée de Sauvez Willy est même captivante, mais à l’arrivée, avons-nous assisté au film qu’on était venu voir ?
Qu’importe les grincheux, le public a aimé !
Malgré tout, La planète des singes – les origines a été un succès colossal au vu de ses enjeux mal définis, avec 176M$ de recettes aux USA et pas moins de 3 240 000 entrées en France (3e marché mondial après les USA et e Royaume-Uni), ce qui lui a valu une 7e place annuelle en 2011. Le score est d’autant plus solide que la préquelle aurait pu pâtir d’une sortie postée en août, mois bien plus calme que juillet où les studios hésitent à présenter leurs meilleures cartes.
Le deuxième opus de la trilogie, l’impressionnant La Planète des singes : L’Affrontement de Matt Reeves en 2014) pulvérisera ce résultat avec 3 780 000 primates quand La Planète des singes : Suprématie, du même réalisateur, en 2017, baissera les armes de façon plus contemplative à 2 883 000 entrées.
En 2024, Walt Disney, désormais propriétaire du répertoire de la 20th Century Fox, relance la saga avec La planète des singes : le nouveau royaume.
Sorties de la semaine du 10 août 2011
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Rupert Wyatt, John Lithgow, James Franco, Freida Pinto, Brian Cox, Andy Serkis, David Oyelowo, Tom Felton