La loi du désir : la critique du film (1988)

Comédie dramatique, Thriller | 1h44min
Note de la rédaction :
7/10
7
La loi du désir, l'affiche

Note des spectateurs :

Film miroir de Douleur et gloire, La loi du désir, réalisé il y a plus de trente ans, montre le goût immodéré d’Almodovar pour le mélodrame qu’il assaisonne d’une bonne dose d’humour trash très porté sur le sexe. A ne pas mettre devant tous les yeux.

Synopsis : Pablo, metteur en scène célèbre, est amoureux de Juan mais les relations entre les deux hommes sont difficiles. Pour tenter de l’oublier, il se précipite dans des aventures passagères et devient l’amant d’Antonio. Mais celui-ci se révèle très vite excessivement possessif. La passion tourne au thriller tandis que réapparait Tina, la sœur de Pablo, qui, autrefois, était un garçon…

Du trash encore et toujours

Critique : Figure majeure de la Movida, ce mouvement culturel libertaire qui a gagné l’Espagne après la chute du franquisme, le cinéaste Pedro Almodovar a commencé par signer quelques comédies trash. Largement influencé par la contre-culture américaine (John Waters n’est pas loin), le réalisateur ose aborder des sujets tabous avec un sens du dialogue culte aiguisé et une volonté d’être le porte-drapeau d’une liberté fraîchement acquise.

Le contexte de création de ses premiers longs-métrages est nécessaire à la compréhension de l’œuvre en général, et de La loi du désir en particulier. Si Almodovar commençait déjà à traiter de thèmes difficiles dans Matador (1986), son précédent opus, il va encore plus loin dans ce sixième film qui annonce par bien des aspects les futurs mélodrames du réalisateur.

Rétrospectivement, on peut même voir La loi du désir comme un brouillon de son chef d’œuvre Douleur et gloire, mais trente ans auparavant. Nous suivons ici aussi les atermoiements amoureux d’un cinéaste homosexuel qui ressemble fortement à son auteur. Toutefois, le métrage de 1987 n’a pas la même profondeur, ni la même force, par manque évident de maturité. Car Almodovar au milieu des années 80 a encore la volonté manifeste de choquer les spectateurs.

Rétrospective Pedro Almodovar Affiche

Copyrights : Pathé, Tamasa, TF1 Studio, Mercury Films, El Deseo

Un cinéma gay décomplexé

Il commence d’ailleurs par une séquence qui pourrait figurer dans un film porno gay, histoire de placer la barre très haut en termes de provocation. Par la suite, le cinéaste approfondit cette thématique homosexuelle en multipliant les ébats entre partenaires du même sexe. Il demande beaucoup d’implication de la part de ses acteurs, appelés à apparaître dans le plus simple appareil lors de séquences chaudes. On est d’autant plus admiratif du travail d’Eusebio Poncela et d’Antonio Banderas, totalement libres devant la caméra du maestro.

Douglas Sirk, maître du mélodrame, n’est jamais loin

Outre cette volonté de s’inscrire dans un cinéma communautaire esthétiquement marqué (images outrageusement colorées, corps masculins exhibés, impressionnante collection de slips blancs moule-bites), Almodovar clame aussi son amour pour le mélodrame américain. Ainsi, son histoire totalement absurde se réfère ostensiblement au cinéma de Douglas Sirk, grand amateur d’intrigues familiales tortueuses. Almodovar s’amuse donc à évoquer des thèmes complexes comme la transsexualité, l’inceste et le meurtre dans un entrelacs de hasards et de coïncidences qui confinent à la tragédie. Derrière l’apparente légèreté du traitement se glisse un léger malaise, comme une forme de désespoir jamais pleinement assumé.

Ainsi, dans La loi du désir peut-être encore plus que dans ses autres productions de l’époque, le spectateur contemporain pourra voir les prémices d’une œuvre en gestation.

Un opus plus personnel

Porté par d’excellents acteurs, dont une Carmen Maura formidable en transsexuelle et une Rossy de Palma hilarante dont ce fut le premier rôle, La loi du désir est donc une œuvre foutraque. Parfois un brin bordélique, le résultat final démontre la volonté de l’auteur de se défaire de ses tics de débutant pour aller vers un cinéma plus viscéral et personnel.

Sorti en mars 1988 sur les écrans français, le film n’a convaincu que 100 000 spectateurs à faire le déplacement, majoritairement sur Paris. La preuve que le cinéma d’Almodovar était encore confiné dans un circuit communautaire, ce qui allait changer avec son œuvre suivante, la comédie phénomène Femmes au bord de la crise de nerfs (1989).

Le site de la rétrospective 2019 de Pedro Almodovar 

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 19 juin 2019

La loi du désir, l'affiche

© 1986 Lauren Film – El Deseo. AAA Classics / Illustrateur : Agence Tactics, Jean-Marc Haddad. Tous droits réservés.

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