La dernière séance (The Last Picture Show) : la critique du film (1972)

Drame | 1h58min, 2h06min (director's Cut)
Note de la rédaction :
9/10
9
La dernière séance (The Last Picture Show), affiche reprise

  • Réalisateur : Peter Bogdanovich
  • Acteurs : Jeff Bridges, Ellen Burstyn, Frank Marshall, Ben Johnson, Randy Quaid, Clu Gulager, Cloris Leachman, Sam Bottoms, Timothy Bottoms, Cybill Sheperd
  • Date de sortie: 19 Avr 1972
  • Année de production : 1972
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : The Last Picture Show
  • Titres alternatifs : The Last Picture Show, la dernière séance (reprise 2013, édition vidéo 2019)
  • Scénaristes : Peter Bogdanovich, Larry McMurtry d'après son roman
  • Directeur de la photographie : Robert Surtees
  • Monteur : Donn Cambern
  • Producteur : Stephen J. Friedman
  • Sociétés de production : Columbia Pictures, BBS Productions, Last Picture Show Productions
  • Distributeur : Warner Columbia Pictures
  • Distributeur reprise : Park Circus (2013)
  • Date de sortie reprise : 12 novembre 2013
  • Editeur vidéo : Carlotta (DVD, Blu-ray, Edition Prestige Limitée)
  • Date de sortie vidéo : 10 octobre 2018
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 56 824 entrées / 25 303 entrées - 387 entrées (reprise 2013)
  • Box-office nord américain : 29 133 000 $
  • Budget : 1 300 000$
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.85 : 1 / Noir et blanc (35mm) / Mono
  • Festivals et récompenses : 8 nominations aux Oscars 1972, dont 2 prix (Meilleur second rôle féminin pour Cloris Leachman, Meilleur second rôle masculin Ben Johnson), 6 nominations aux Golden Globes dont 1 prix (Meilleur second rôle masculin Ben Johnson), 6 nominations aux BAFTA (dont 3 prix)...
  • Illustrateur / Création graphique : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : The Last Picture Show © 1971, Renouvelé. 1999 Columbia Pictures Industries, Inc. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

 Meilleur film de Bogdanovich, La dernière Séance est une chronique nostalgique et cruelle, à la fois inscrite dans une époque précise et magistralement intemporelle.

Synopsis : 1951. Sonny et Duane, deux adolescents texans, passent leur temps entre le café et le cinéma, seules distractions possibles dans leur petite ville perdue aux confins du désert. Mais lorsqu’une fille provoque une dispute entre eux, Sonny décide de s’engager pour la Corée. Avant de partir, ils se rendent au cinéma une dernière fois…

Critique : Un lent travelling part d’un cinéma pour dévoiler une petite ville déserte, balayée par le vent du nord. C’est le début de La dernière Séance. À la fin, le travelling inverse clôture le film, le referme sur lui-même sans qu’apparemment rien n’ait changé. De fait, Anarene, petite ville du Texas, reste cette prison dans laquelle végètent des êtres désabusés qui, pour de multiples raisons, ne peuvent s’échapper. Mais entre ces deux plans, quelques personnages se sont agités, parfois en vain, mus par des pulsions et des désirs, terriblement humains, et deux sont morts. À sa manière, pétrie de classicisme, Bogdanovitch sait donner à chacun une épaisseur et une densité qui font que dans cette description d’un quotidien épais jamais l’ennui ne pointe.

Une galerie de personnages au cœur d’une ville enkystée

La caméra suit essentiellement le jeune Sonny, depuis la fin du lycée, et les personnages qui gravitent autour de lui : Sam « le lion », figure paternelle et bienveillante, son ami Duane, Jacy, l’inconstante dont il est amoureux mais qui sort précisément avec Duane, la femme de l’entraîneur avec laquelle il a une liaison, Billy le jeune simple d’esprit qu’il échoue à protéger, la mère de Jacy et la serveuse, toutes deux plus âgées et dont les rêves de bonheur se sont fracassés sur une réalité sordide. Comme si tout le film n’était qu’une démonstration de l’impossibilité d’échapper à un morne destin, destin symbolisé par cette ville enkystée, les seules fuites étant la mort ou le départ vers la guerre. Pour symboliser cet enkystement, Bogdanovitch a recours à une image forte, outre les lieux déserts ou décrépits, celle de Billy balayant la poussière par grand vent, travail aussi inutile que les efforts ou les rêveries de départ : de manière très significative, les trajets, l’ailleurs, sont traités par ellipses, comme le passage du temps, lent et lourd.

Des personnages sont pris dans une toile poisseuse, avec pour obsession cruelle, le sexe

Rêve d’ailleurs, regret du passé ou projection inutile, les personnages sont pris dans une toile poisseuse, avec pour obsession cruelle, le sexe. Mais un sexe loin d’être joyeux : il est vécu comme un passage obligatoire et douloureux (Jacy ferme les yeux en attendant sa défloration), comme attirant le mépris de l’homme (Jacy encore, avec l’amant de sa mère). Les séquences s’enchaînent qui font de l’amour un acte grossier (les jeunes évoquent la possibilité d’une génisse comme pis-aller) ou, plus rarement, un acte tendre mais promis à l’échec : ainsi de la femme de l’entraîneur qui pleure d’être encore désirée. Plus surprenant dans ce monde de frustrations, le film fait à deux reprises du sexe un spectacle : c’est Billy (presque) déniaisé par une prostituée sous le regard de ses « copains », c’est encore le déshabillage de Jacy sur un plongeoir devant les yeux concupiscents de jeunes nantis. Le film étant censé se passer au début des années 50, on ne peut s’empêcher de penser que Bogdanovitch montre ce que le cinéma de l’époque, qu’il connaît merveilleusement, ne pouvait montrer : mais c’est pour mieux en souligner le caractère insatisfaisant, frustrant.

La dernière séance et l’adieu au cinéma classique

Ce n’est pas le seul lien que l’on peut faire entre La dernière Séance (déjà le titre…) et le septième art : en utilisant Ben Johnson, acteur fétiche de John Ford, et en le faisant mourir, le cinéaste signe l’adieu à un cinéma classique disparu, présent encore dans les deux séquences de projection ; mais, là encore symboliquement, la salle ferme à la fin, et c’est un monde qui est phagocyté par la télévision, comme le souligne l’ouvreuse. Si la réalisation de Bogdanovitch affiche, on l’a dit, un classicisme sobre, c’est pour faire le lien entre le vieil et le nouvel Hollywood : il raconte une histoire moderne sur la perte de sens, la vacuité, mais en la cadrant comme l’eût fait un Ford (voir la scène de l’enterrement). Même le noir et blanc soigné renforce la nostalgie qui imprègne tout le film, et ce n’est pas son moindre charme.

La dernière Séance est réputé comme le meilleur film de son auteur ; on comprend pourquoi : sensible, intelligent, porté par une interprétation sans faille, il bouleverse avec une économie de moyens remarquable. Une grande œuvre.

François Bonini

 Sorties de la semaine du 12 avril 1972

La dernière séance (The Last Picture Show), affiche reprise

© 1971, renouvelé 1999 Columbia Pictures Industries, Inc. Tous droits réservés.

Box-office :

Gros échec au box-office français (56.000 entrées France malgré 8 nominations aux Oscars en 1972), The Last Picture Show n’a pas réussi à obtenir en France le même écho commercial qu’aux USA où il fait figure d’un solide film d’auteur.

Dans les années 2000, le classique essaie de se faire une place dans le cœur des cinéphiles français, avec une reprise en 2013, puis, en 2018, plus de 46 ans après sa sortie, enprofitant d’une sortie vidéo collector chez Carlotta, d’un ouvrage de conversations monstre entre le journaliste Jean-Baptiste Thoret et le cinéaste, et surtout d’un hommage à Lumière 2018, au Grand Lyon Film Festival, où le réalisateur était ‘ invité d’honneur.

Il faut dire que Bogdanovich, très prolifique, n’a que rarement connu le succès chez nous. Son seul vrai succès hexagonal remonte à 1985, et à l’événement cannois Mask, avec Cher, œuvre mélo qu’il contesta à cause des coupes du studio réalisées ni plus ni moins derrière son dos, alors qu’il était parti en vacances.

Une suite à La Dernière séance est tournée à la fin des années 80, avec tous les acteurs principaux de l’oeuvre socle. Texasville est un nouvel échec à peine distribué en France. Distribué par AMLF en 1994, le film ne dépasse pas les 500 entrées lors d’une exposition en catimini.

Les deux longs métrages sont des adaptations de romans de Larry McMurtry, connu également pour avoir donné la matière littéraire à Le plus sauvage d’entre nous (Martin Ritt, avec Paul Newman, 1963 ; Tendres Passions de James Brooks, avec Shirley MacLaine, Debra Winger, Jack Nicholson, 1984). Il a également écrit le scénario du Secret de Brokeback Mountain. Une belle paternité avec une reconnaissance décente au box-office.

Auteur maudit, Bogdanovich nous a quittés en 2022 à l’âge de 82 ans. La dernière séance se doit d’être redécouvert.

Le test blu-ray

Il s’agit du 5e coffret Prestige de Carlotta, truffé de goodies, et de quelques bonus formidables. A noter que parallèlement, l’éditeur propose un 6e coffret également consacré à Bogdanovich, autour du film Saint Jack, connu en France sous le titre Jack le magnifique. Editions imitées à 2000 exemplaires dans les deux cas.

Suppléments & Packaging : 5/5

Les bonus audiovisuels impressionnent. Un documentaire sur le film d’une heure, datant d’il y a une vingtaine d’années, une interview du réalisateur d’un peu moins de 17mn, un coffret luxueux, contenant une affiche, des polaroids… Mais un gadget idiot entâche le tout : la présence d’un carnet de note estampillé The Last Picture Show. Par définition, on ne va pas l’utiliser, et donc ce n’est ni beau, ni utile. Du papier gâché. Un jeu de photographies d’époque, un bloc note des critiques d’époque…. voilà qui aurait été bien mieux.

lmage : 4.5 / 5

Très beau master au grain de cinéma puissant. L’on profite des angles et de la profondeur de champ que Bogdanovich avait en tête. Une copie d’éclat.

Son : 4 /5

Fuyez la version française. L’on doute que cela puisse être l’originale. Les voix sont trop fortes, peu adaptées aux personnages. La VO, au contraire, est équilibrée dans son cadre pourtant limité de mono, mais le DTS HD Master Audio, lui procure une certaine clarté qui permet aussi à l’ambiance de vivre par son empreinte sonore.

Frédéric Mignard

The Last Picture Show - Édition Prestige Limitée Combo Blu-ray/DVD + Memorabilia, Carlotta

The Last Picture Show – The Last Picture Show – Édition Prestige Limitée Combo Blu-ray/DVD + Memorabilia © 1971, Renouvelé. 1999 Columbia Pictures Industries, Inc. Tous droits réservés / All rights reserved

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