Jardins de pierre : la critique du film et le test blu-ray (1987)

Drame, Mélodrame | 1h51min
Note de la rédaction :
6.5/10
6.5
Jardins de pierre, affiche du film

  • Réalisateur : Francis Ford Coppola
  • Acteurs : Elias Koteas, James Caan, Laurence Fishburne, Anjelica Huston, Dean Stockwell, Sam Bottoms, James Earl Jones, D.B. Sweeney, Mary Stuart Masterson
  • Date de sortie: 06 Jan 1988
  • Année de production : 1987
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : Gardens of Stone
  • Titres alternatifs : Giardini di pietra (Italie), Jardins de Pedra (Portugal), Jardines de piedra (Espagne, Mexique), Der steinerne Garten (Allemagne de l'Est), Det sista slagfältet (Suède), Petrinoi kipoi (Grèce)
  • Scénaristes : Ronald Bass
  • D'après le roman de : Nicholas Proffitt
  • Directeur de la photographie : Jordan Cronenweth
  • Monteur : Barry Malkin
  • Compositeur : Carmine Coppola
  • Producteurs : Francis Ford Coppola, Michael I. Levy, Jay Emmett, Fred Roos, David Valdes, Stan Weston
  • Sociétés de production : TriStar Pictures, ML Delphi Premier Productions, Zoetrope Studios
  • Distributeur : Columbia TriStar (France), TriStar Pictures (USA)
  • Distributeur reprise : -
  • Date de sortie reprise : -
  • Editeur vidéo : CBS Fox Vidéo
  • Date de sortie vidéo : 1988 (VHS)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 245 263 entrées / 89 256 entrées
  • Box-office nord-américain : 5 262 047$
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs - 35 mm / Dolby Stéréo
  • Festivals et récompenses : Festival international de Moscou
  • Illustrateur / Création graphique : Dark Star, l'Etoile Graphique © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : Jardins de pierre © 1987 Tri Star Pictures INC. Tous droits réservés. All rights reserved
Note des spectateurs :

Jardins de pierre de Francis Ford Coppola est une œuvre intimiste et sensible qui aborde la guerre de l’intérieur, avec pudeur et un vrai sens de l’équilibre. 

Synopsis : 1969, Virginie. Au cimetière militaire d’Arlington, le lieutenant Jackie Willow est inhumé avec les honneurs de la nation. Avant de partir combattre au Vietnam, ce dernier avait fait ses premières armes au sein même de Fort Myer, chaperonné par le sergent Clell Hazard. Entre ce vétéran de Corée qui a cessé de croire à la nécessité de cette guerre et le jeune idéaliste Willow, une forte complicité s’était nouée au fil des mois…

Critique : 1986. Après la comédie Peggy sue s’est mariée, Francis Ford Coppola s’est vite attelé à un autre projet. Il faut renflouer les caisses laissées béantes par l’accident industriel de la décennie (ou presque), Coup de cœur. Ce film est alors, en 1982, le testament au Nouvel Hollywood et à la flamboyance de sa société, la Zoetrope.

Jardins de pierre, les critiques du film de Francis Ford Coppola

Huit ans après Apocalypse Now, place aux ravages de la guerre sur les rivages américains

Pour Columbia TriStar, Coppola tourne le pendant intime d’Apocalypse Now, Jardins de pierre. Ce n’est pas son scénario, mais le matériau littéraire de départ, premier roman signé Nicholas Proffitt, ancien grand reporter pour Newsweek, qui l’emballe.

Ici, il s’agit de traiter de la guerre du Vietnam loin des champs de bataille, avec des soldats plantés en Amérique, dont l’exercice premier consiste à enterrer et célébrer la jeunesse morte au combat en Asie. La jeunesse est vibrante, pleine de vie, s’impatiente même lors des rites funéraires qui ne semblent plus les concerner, dans une réalité où la mort n’a plus de visage, où les tripes sont dissimulées dans des cercueils et les images de terrain diffusées à la télévision. Le média est largement présent et la protagoniste journaliste du Washington Post, jouée par Angelica Huston, démontre la dichotomie d’une nation tiraillée entre idéaux, idéalismes et illusions. On y retrouve là toute la force du roman de Proffitt.

Sagesse et contrition : Jardins de pierre se plante dans le marbre

Coppola est sage et joue la carte d’un académisme qui réfute les expérimentations sonores et visuelles qui flattaient la rétine sur ses métrages titanesques. Pourtant, tout fait écho en contrepoint à l’œuvre épique de 1979. La maturité, la contrition, la tenue sont de rigueur. Jardins de pierre apparaît être comme un complément d’un romanesque immobile de son chef-d’œuvre ultime.

L’article dossier sur APOCALYPSE NOW, c’est ici.

Jardins de pierre, en couverture du Pariscope en janvier 1988

Copyrights : Tous droits réservés

L’engagement de Coppola dans un récit équilibré et humain

L’engagement d’un soldat, le patriotisme, l’amour de l’armée, un mariage à peine consommé… tout vire au drame américain dès les premières minutes qui ouvrent sur la cérémonie funéraire du héros du film. Son récit se fera après l’incipit, sur le sol américain, avec de nombreux personnages qui rééquilibrent son exaltation des combats ; lui qui pense qu’un seul homme au bon endroit peut faire basculer la guerre vers la victoire…

Coppola se tient à distance, ne juge pas et se soustrait au pacifisme béat ou au sens du sacrifice patriotique. Il met en marche la tragédie dès le début, démontrant l’inéluctabilité de la défaite américaine ; la guerre broie des avenirs non vécus pour du vent, l’absurdité d’un conflit qui n’était pas à faire.

James Caan, dans le rôle d’un sergent qui prend “le bleu” sous son aile à son arrivée dans le camp militaire de Virginie, démontre une humanité et un traumatisme refoulé, qui complexifie la figure du militaire bourru, loin des violences explicites de Kubrick (Full Metal Jacket) et Oliver Stone (Platoon) à cette même époque.

La sobriété peut être assommante pour peu que l’on soit allergique au cadre consensuel du film à Oscars, mais Coppola sait pervertir de l’intérieur le plus inoffensif des mélodrames que beaucoup auraient submergé de bons sentiments.

Un échec en 1987 qui n’ira ni à Cannes ni aux Oscars

Coppola espérait Cannes, mais le film sortira aux USA en mai 1987 sans la force d’une présentation sur la Croisette. En lieu et place de la grandeur de la Côte d’Azur, le cinéaste devra se contenter de Moscou, en URSS. Forcément, moins glamour pour une première. La France devra, de son côté, attendre longtemps, jusqu’en janvier 1988 pour faire de cette œuvre l’un des moins vues de tous le répertoire de Coppola, avec 245 000 spectateurs, soit son 15e score sur 22 films.

Pour les Oscars, une sortie en mai, soit dix mois avant la cérémonie, condamnait Jardins de pierre à l’oubli par le public et les professionnels américains qui l’avaient, de toute façon, occulté dès sa sortie, avec moins de 7 millions de recettes à l’écran.

Un collector pour redécouvrir le film

Carlotta redonnera une très belle chance au film, en 2021, avec une édition collector Prestige qui répond aux besoins de redécouvrir ce travail  trop méconnu. Force est d’admettre que Gardens of Stone a bien mieux vieilli dans ses propos que beaucoup de Vietnam flicks de son époque.

Frédéric Mignard

Sorties de la semaine du 6 janvier 1988

Jardins de pierre, affiche du film

© 1987 Tri Star Pictures INC. Tous droits réservés.

Le test blu-ray

Le site de l’éditeur

Deux options HD (désolé, on évite de parler DVD, car cela nous fâche qu’un tel support puisse encore exister), pour acquérir en format physique Jardins de pierre. Une édition simple, avec fourreau. Et pour les 1 000 premiers chanceux un coffret collector prestige où les suppléments ne sont pas audiovisuels, mais dans le packaging, dans une des plus belles collections proposées en Europe. Il s’agit du test de ce dernier, effectué à partir d’une copie définitive.

Compléments & packaging : 4.5/ 5

Le film n’est pas majeur dans la filmographie de Coppola et son studio d’origine, Columbia Tri Star (et donc Sony aujourd’hui), l’a toujours considéré comme tel dans ses éditions antérieures. Aussi, le doublet que réalise Carlotta, avec la sortie simultanée de deux films dans des coffrets collector distincts, relève de la plus belle des opportunités, et démontre plus que jamais l’importance du format physique.

Il s’agit bel et bien d’un très bel objet. Le coffret est luxueux, avec un visuel sobre retravaillé par Dark Star, l’Etoile Graphique. A l’intérieur, 5 reproductions de photos d’exploitation redonnent du sens au mot collection ; l’on trouve aussi le fac-similé d’un dossier de presse d’époque. L’idée est formidable pour les collectionneurs, puisque pendant longtemps, photos d’exploitation et dossiers de presse faisaient l’objet de convoitises de la part des cinéphiles. Une affichette est proposée en plus. Il ne s’agit pas de l’affiche originale, qui n’était pas exceptionnelle, mais de celle redéfinie par Dark Star, avec cette fois-ci les crédits, comme si il s’agissait d’une authentique affiche de cinéma. Pour les aficionados d’objets de pur cinéma, c’est jubilatoire.

Quant au boîtier pour accompagner la galette à l’intérieur, il s’agit d’un élégant digipack, contenant le combo DVD et Blu-ray.

Jardins de pierre, édition prestige limitée Carlotta (2021)

© 1987 Tri Star Pictures INC. Tous droits réservés

Tous ces compléments physiques méritent largement l’appréciation de 5 / 5. On sera moins élogieux concernant le supplément audiovisuel, mais pas pour autant négatif.

Une bande-annonce insiste sur la personnalisation du titre, mais il ne faudra pas compter sur une armada de bonus vidéo. Très coûteux, ce type de bonus n’est pas l’élément privilégié sur cette collection qui a son ADN propre et Carlotta traite ses titres en fonction de collections physiques distinctes qui ont le mérite d’exister.

Fantômes de guerre (20min) sera ainsi le seul document audiovisuel. L’incontournable Jean-Baptiste Thoret, grand fan de Francis Ford Coppola, et donc également présent sur Peggy Sue s’est mariée, présente l’œuvre et en particulier l’analyse. C’est sérieux, fin, clair, et toujours enrichissant.

Image : 4.5 / 5

Très belle copie d’une œuvre imposée initialement sur un format 1.85 par Coppola. Cela peut, de par son côté intimiste, paraître un peu trop adapté pour le petit écran, alors qu’un Scope aurait pu donner de l’envergure au film. Mais le choix du cinéaste, à l’époque, est désormais flagrant et nous parle bien mieux, grâce à l’accompagnement visuel numérique qui est resplendissant. La copie proposée par Carlotta, sans évoquer la puissance du travail des restaurations en 4K, appuie suffisamment le contraste pour harmoniser la colorimétrie et donner une empreinte à un film qu’il ne fallait vraiment pas voir il y a 30 ans en VHS ou à la télévision.

Son : 4 / 5

Tourné en Dolby Stéréo, dans la deuxième moitié des années 80, Jardins de pierre est uniquement à découvrir dans cette langue. Le doublage de la VF tend à écraser un peu l’ambiance sonore et l’on ne profite pas de l’incroyable voix de James Earl Jones, qui a incarné Dark Vador et certains jingles CNN. Or son travail vocal est ici particulièrement important.

Par ailleurs, la VF est ici exclusivement proposée en Mono. Selon nos sources d’époque, Jardins de pierre aurait pourtant bien été exploité en Dolby Stéréo en version française, en 1988.

Sans emphase, la piste originale, en DTS HD Master Audio, restitue un son propre, mais démontre la volonté d’apaisement de Coppola qui joue sur la sobriété sonore, jusque dans l’utilisation de la B.O., l’une des dernières signées par Carmine Coppola, le père de Francis Ford, moins de cinq ans avant sa mort. Au passage, nous retrouvons, en forme de clin d’œil à Apocalypse Now, un extrait de Break on Through des Doors. Le groupe de Jim Morrison allait connaître une résurrection formidable, trois ans après, avec le film biopic d’Oliver Stone. Mais ça, c’est une autre histoire.

Frédéric Mignard

Edition Prestige Limitée Carlotta

Nos chroniques des films Carlotta

Jardins de pierre, cover blu-ray Carlotta 2021

© 1987 Tri Star Pictures INC. Tous droits réservés.

Extrait de Jardins de pierre

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