GoldenEye, premier James Bond avec Pierce Brosnan, opère une modernisation du mythe ambitieuse, mais qui hésite à choisir entre réflexion sérieuse et déluge d’action sur fond d’humour potache.
Synopsis : Capable de réduire à néant toute activité électronique dans une zone donnée, Goldeneye est l’arme la plus redoutable jamais conçue. James Bond, aidé par la superbe Natalya Simonova, découvre avec stupeur que l’engin est aux mains d’une vieille connaissance…
Comment rebondir après la période Timothy Dalton ?
Critique : Après la déception engendrée par les résultats au box-office de Permis de tuer (1989), pourtant excellent, la saga James Bond a connu une série de déconvenues qui ont retardé la mise en chantier d’un nouvel épisode, pourtant programmé initialement pour 1991. Tout d’abord, les recettes décevantes du précédent volet inquiètent fortement les investisseurs, tandis que des problèmes de droits se posent pour le projet envisagé de prime abord (intitulé The Property of a Lady). La mort du scénariste Richard Maibaum et le désistement de Timothy Dalton qui ne voit aucun scénario se profiler à l’horizon finissent par avoir raison de ce tout premier projet.
Il faut donc attendre le milieu des années 90 pour que GoldenEye entre enfin en production, avec pour mission de redonner un nouveau souffle à la saga, aussi bien sur le plan stylistique que sur celui des rentrées financières. James Bond fait alors son entrée dans l’ère des blockbusters modernes avec un budget en nette inflation (on parle alors de 60 millions de dollars, partagés entre l’Angleterre et les États-Unis), un nouvel acteur pour incarner le célèbre agent secret (Pierce Brosnan, déjà pressenti en 1987, mais retenu par un engagement sur la série Remington Steele) et un goût de plus en plus évident pour les cascades spectaculaires et absurdes.
Une équipe artistique totalement renouvelée
Cette volonté de rénovation se voit également par le choix du réalisateur Martin Campbell, à la fois yes man compétent et cinéaste connu pour ses prouesses techniques. L’habillage du nouveau Bond se veut plus moderne, avec l’utilisation d’une musique plus électronique – inspiration inégale de la part du Français Eric Serra – et d’amples mouvements de caméra. Sur le plan thématique également, GoldenEye veut se démarquer de ses aînés en prenant acte de la fin de la guerre froide et de la mort des idéologies. Exit la figure dépassée que celle de l’espion macho, semblent clamer à chaque plan les auteurs du scénario.
Non seulement James Bond est commandé par une femme forte (excellente Judi Dench), mais il doit sans cesse faire jeu égal avec les deux James Bond girls qui ne sont plus réduites à de simples potiches. Même le méchant ne combat plus pour un idéal, mais bien pour le seul appât du gain, se jouant des grandes puissances encore désarçonnées par les guerres modernes à base de terrorisme international. En cela, l’une des plus belles séquences du long-métrage est aussi la plus symbolique : un duel entre Bond et son meilleur ami au milieu d’un cimetière de statues du défunt régime soviétique. On ne peut guère faire plus explicite.
Quelques stigmates des blockbusters des années 90
Malheureusement, GoldenEye porte aussi en lui les prémices du déclin artistique de la saga durant les années 90. Soucieux de retrouver un public plus jeune, les auteurs ont multiplié les fautes de goût en insérant des séquences humoristiques idiotes, comme à l’époque de Roger Moore, plongeant ainsi le résultat final dans un kitsch qui tranche fortement avec le sujet traité.
Autre dérive qui allait encore s’amplifier à l’avenir, les scènes d’action deviennent parfois totalement absurdes au point de faire de Bond un super-héros increvable. On pense évidemment à la séquence d’ouverture qui voit le héros intrépide sauter dans le vide avec une moto pour ensuite se retrouver aux commandes d’un avion en piqué. Risible. En essayant de faire le grand écart entre le sérieux des films tournés avec Timothy Dalton – on évoque plusieurs fois les rapports ambigus de Bond avec les autres et on esquisse à peine sa psychose intérieure – et la franche décontraction de la période Roger Moore, Martin Campbell n’a pas su donner un cap précis à la série.
GoldenEye ou le retour aux affaires d’une vieille franchise
Il sera plus inspiré lors du reboot opéré par son Casino Royale avec Daniel Craig, bien plus radical dans sa refonte du mythe. Sans être autre chose qu’un épisode sympathique, GoldenEye a eu toutefois le mérite d’imposer à nouveau l’espion au box-office mondial. Avec 352 millions de dollars de recettes dans le monde entier pour une mise de 60M$, le film fut un beau succès (632 M$ pour une mise de 107,7 M$, si l’on ajuste au cours du dollar de 2021). En France, il s’est hissé à la sixième marche du podium avec 3 493 610 entrées (là où le précédent échouait à 2 110 402 espions en 1989). Il détrona lors de sa sortie Les trois frères du sommet du box-office, avec une première semaine à 1 105 770 sur toute la France, aidé par les vacances de Noël. Il restera deux semaines au sommet du box-office français, avant d’en être chassé par… Les trois frères.
Signalons enfin le succès dans les charts de la chanson-titre interprétée par Tina Turner et écrite par Bono et The Edge du groupe U2. Si le titre s’avère efficace, il a été matraqué au point de susciter parfois le rejet par son omniprésence en radio. Tina Turner atteindra la 3e place en France et dans le classement européen. Les Britanniques la classeront en 9e place.
Critique de Virgile Dumez