Très proche des superproductions de Christopher Nolan, Dune par Denis Villeneuve est cohérent, esthétiquement soigné, mais sans âme.
Synopsis : L’histoire de Paul Atreides, jeune homme aussi doué que brillant, voué à connaître un destin hors du commun qui le dépasse totalement. Car s’il veut préserver l’avenir de sa famille et de son peuple, il devra se rendre sur la planète la plus dangereuse de l’univers – la seule à même de fournir la ressource la plus précieuse au monde, capable de décupler la puissance de l’humanité. Tandis que des forces maléfiques se disputent le contrôle de cette planète, seuls ceux qui parviennent à dominer leur peur pourront survivre…
Steelbook collector de Dune (2022). TM & © 2022 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.
Dune de Denis Villeneuve est une œuvre de cinéma total
Critique : Très attendue après une sortie remise à plat en 2020 par la crise de la Covid, la nouvelle adaptation de Dune, roman de Frank Herbert, culte par la complexité de ses récits, mais pas pour son style sans grand intérêt littéraire, a eu chaud. Pris au piège aux USA par la politique de diffusion hybride de Warner en 2021, qui sort toutes ses nouveautés simultanément au cinéma et en streaming sur la plateforme HBOMax+, Dune est au moins sauvé en Europe. Après un passage triomphal par Venise, la superproduction de 165 000 000 $ a la chance de connaître une sortie sur les grands écrans européens, dégagée du piratage que la mise à disposition en streaming provoque. Et pour cause, la France découvre le blockbuster un mois avant les États-Unis. Une belle décision de la part de Warner car, s’il faut voir cette œuvre, c’est bien sur un écran de cinéma, le plus large possible : que l’on aime ou non le Dune de Denis Villeneuve, tout le monde s’accordera à dire qu’il appartient aux longs métrages démesurés, extrêmement beaux et soignés, qui ne peuvent être envisagés sur des écrans de téléphone ou d’ordinateur, lors d’une session de streaming.
Dune aurait pu être réalisé par Nolan
Dune est évidemment une belle réussite formelle, en tant que production d’envergure. Contrairement aux nombreuses superproductions Disney, il s’agit bel et bien de la vision travaillée d’un auteur qui impose son rythme, ses plans, un style ambitieux, au détriment du divertissement clés-en-main. L’originalité n’est toutefois pas de mise, on retrouve le même souci du détail et le pointillisme du cinéma de Christopher Nolan qui, comme Villeneuve, provient d’un cinéma plus art et essai, et a su évoluer parmi les happy few d’un cinéma alambiqué, sophistiqué, enflant dans la démesure jusqu’à devenir immanquable à la sortie de chacun de ses films. Nolan et Villeneuve se partagent désormais le même compositeur, Hans Zimmer, parangon de la sophistication orchestrale qui asphyxie les émotions. Tout est dit.
Quand est sortie en 1984 la première adaptation du pavé dystopique de Frank Herbert par David Lynch, autre auteur de l’intime promu cinéaste de blockbuster, heureusement le temps d’un essai, la critique assassine avait à juste titre égratigné un montage fastidieux, qui annihilait toute psychologie et bon sens dans la narration. Le film de Villeneuve, de son côté, ne souffre pas dans son écriture, fidèle au roman. Pour arriver à combler les fans du livre en 2h35 – ce qui est très court, au vu de l’ouvrage-, Villeneuve scénariste a fait preuve d’une rigueur à double tranchant. Ainsi, on pourra trouver la fin peu satisfaisante, puisque Dune première partie relève du feuilletonnage à la mode depuis l’an 2001 et les triomphes en séries d’Harry Potter et du Seigneur des anneaux, où l’on ne conclut pas vraiment l’histoire, laissée tristement ouverte, le spectateur étant abandonné avec la perspective d’une suite pour l’année à venir.
Une magnifique édition collector de Dune, éditée en septembre 2022. TM & © 2022 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.
Quand le numérique pose des limites à l’imagination
Au moins Dune, dans sa version 2021, est d’une écriture remarquable et élabore un récit qui ne perd pas le spectateur. Toutefois, on pourra convenir que le film de Lynch restera plus marquant par l’immensité de ses décors, le travail époustouflant des effets spéciaux, quand en 2021, la production numérique projette sa grandeur dans des images de synthèse froides. La création en devient moins hors du commun. L’exemple des vers du désert en est parfaitement révélateur. Dans l’opus décrié de 1984, ils arborent un gigantisme par le jeu des proportions qui devient illustratif dans l’adaptation de 2021. D’ailleurs le nouveau film fait davantage ressentir leur présence sans trop les dévoiler. Et, quand survient le tête-à-tête, très tard dans le film, entre le jeune messie en devenir et l’une de ces créatures dantesques, on ne ressent pas l’intensité du vécu sensoriel du film de Lynch qui, au métaphysique, associait la réalité physique des créatures.
Steelbook (2022), édition Fnac. TM & © 2022 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.
Un casting pas toujours convaincant
Moins violent, trop légèrement subversif, le Dune au budget dispendieux trouve au moins un atout dans le portait de la relation ambiguë entre le personnage de Timothée Chalamet et celui de sa mère incarnée par Rebecca Ferguson. Les deux acteurs sont d’ailleurs très bons, et la frêle présence physique de Chalamet est finalement compensée par la densité de ses regards et sa capacité d’introspection. On ne sera pas aussi élogieux sur certaines erreurs de casting. Le bovin Jason Momoa ou l’insipide Zendaya sont plus contestables et semblent être des noms jetés au casting pour des raisons commerciales afin d’élargir le public cible, sans qu’il ne semble refléter le goût de Villeneuve pour des castings ciselés.
Beaucoup de sable pour pas grand-chose ?
Grand film de son époque pour les amateurs de poses pontifiantes (était-ce nécessaire de replonger Oscar Isaac dans ce type de production après trois Star Wars ?), Dune sera, pour ceux qui n’ont pas vraiment le goût pour ces épopées maintes fois rabattues à l’écran, juste un bel écrin, chiche en empathie, froid dans ses démonstrations esthétiques. Bref, une œuvre finalement dispensable. Les fans de Christopher Nolan et de Ridley Scott, eux, adoreront, tellement leur type de cinéma est devenu interchangeable (Nolan n’aurait-il pas pu réaliser le Blade Runner 2049 de Villeneuve, suite tardive du film de Ridley Scott qui lui-même aurait pu tourner Dune en 1983 à la place de David Lynch ?). Malgré sa quête absolue du prestige, Dune est finalement un projet surtout propret de blockbuster pensé pour un public un peu plus mâture et exigeant que celui qui consomme du DTV Netflix. On reconnaîtra dans tous les cas qu’en tant que projet filmique, c’est incontestablement l’un des accomplissements hollywoodiens les plus valeureux de ces dernières années, même s’il échoue à étancher notre soif de surprise.
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Denis Villeneuve, Josh Brolin, Dave Bautista (Batista), Jason Momoa, Rebecca Ferguson, Javier Bardem, Charlotte Rampling, Oscar Isaac, Zendaya, Stellan Skarsgård, Timothée Chalamet, Stephen McKinley Henderson, Sharon Duncan-Brewster, Chang Chen, David Dastmalchian