Marquée par une ambiance malaisante et un positionnement très réactionnaire, Deux flics à abattre est une curiosité bis signée Ruggero Deodato. A ne pas mettre devant tous les yeux !

Synopsis : Alfredo et Antonio luttent contre le crime au sein d’une unité spéciale très particulière, au-dessus de toutes institutions et lois. Ils opèrent dans l’arrogance la plus totale, mais quand ils doivent traquer Roberto Pasquini, un membre éminent du milieu, les choses se compliquent sérieusement…

Fernando Di Leo à la plume et Ruggero Deodato au charbon

Critique : Au milieu des années 70, le scénariste et réalisateur Fernando Di Leo connaît un beau succès commercial dans le genre en vogue du poliziottesco. A cette époque, il enchaîne les tournages à une vitesse effrénée à tel point qu’il n’a pas toujours le temps de réaliser lui-même ses scripts. Ainsi, par amitié pour le producteur Vincenzo Salviani, il lui fournit gracieusement le script qui donnera par la suite Deux flics à abattre (1976), à charge pour lui de trouver un réalisateur intéressé par cette histoire.

Vincenzo Salviani prend dès lors contact avec le cinéaste Ruggero Deodato qui vient tout juste de connaître un tout premier succès commercial avec son giallo Ondata di piacere (1975) interprété par Al Cliver. Après avoir lu le scénario original, Deodato en a modifié quelques points en ajoutant de l’humour dans les situations et en transformant les deux héros, originellement homosexuels, en deux tombeurs de ces dames. Une fois ces modifications effectuées, il a tenté de convaincre Al Cliver de le rejoindre sur cette nouvelle aventure, mais l’acteur a refusé, trouvant le scénario trop violent. Finalement, le projet a échoué dans les mains de Ray Lovelock, accompagné de Marc Porel.

Deux flics à abattre hésite entre comédie et polar hard-boiled

Construit sur le modèle simpliste initié à la télévision américaine par la série à succès Starsky et Hutch (1975), le duo de flics formé par un blond et un brun à l’attitude légèrement puérile ne fonctionne que partiellement dans Deux flics à abattre. Cela vient sans nul doute de l’écriture du scénario qui est plutôt lâche et qui n’insiste pas suffisamment sur le background de ces deux policiers dont le statut spécial les autorise à enfreindre les lois. Alors que le poliziottesco se présente comme un pur divertissement du samedi soir, le ton hésitant du film le rend difficilement cernable, au point de susciter à plusieurs reprises le malaise.

Si la légèreté de ton est de mise quant à la présentation des deux protagonistes principaux, l’ambiance d’extrême violence développée par Ruggero Deodato vient sans cesse jeter le trouble sur le produit fini. Est-ce que le cinéaste entend critiquer le comportement à la lisière du fascisme de ses deux héros ou est-il au contraire admiratif de leurs agissements ? Et que dire du traitement réservé à la gent féminine, systématiquement rabaissée et violentée dans des scènes globalement embarrassantes et ceci malgré notre goût pour le cinéma bis transgressif de l’époque.

En fait, en hésitant sans cesse sur le ton à adopter, Ruggero Deodato semble ne pas trop savoir où mener son intrigue, qui, par ailleurs, est construite comme un enchaînement de sketchs mal reliés entre eux. Certes, le but des flics est bien d’arrêter le magnat du jeu incarné avec autorité par le grand Renato Salvatori, mais les circonvolutions du script pour y parvenir sont loin d’être convaincantes.

Des flics flingueurs et tringleurs!

Cela démarre pourtant sur les chapeaux de roues avec une (trop) longue course poursuite à moto d’une dizaine de minutes. Si la réalisation n’est pas exceptionnelle, les conditions de tournage sans autorisation peuvent expliquer le manque de rigueur de certains plans. Par la suite, la présentation des différents personnages est un peu trop sommaire, pleine de clichés machistes, tout en laissant le doute sur une possible homosexualité du duo. En réalité, Deodato a fait de ses deux héros des sales gosses totalement irresponsables qui dégainent plus vite qu’ils ne réfléchissent. Même constat d’ailleurs en ce qui concerne leur braguette, puisqu’ils sont toujours prêts à partager des petites pépées.

Cet aspect purement machiste, parfois franchement douteux, rend la projection malaisante, d’autant que la violence graphique est également outrée. Visiblement mûr pour s’attaquer aux films de cannibales qui feront sa gloire, Ruggero Deodato étale le faux sang avec délectation et signe plusieurs moments d’ultra-violence qui ne passent pas inaperçus. De grosses baffes en tortures savamment détaillées jusqu’à une énucléation suggérée, mais puissamment évoquée, Deux flics à abattre s’inscrit bien dans un cinéma d’exploitation putassier, tout en profitant de la moindre occasion pour dénuder son casting féminin (souvent de manière totalement gratuite). L’essence du cinéma bis, certes, mais sans le recul et l’humour nécessaires pour que cela soit festif ou récréatif.

Un gros succès italien resté inédit en France

Interprété de manière correcte et réalisé avec énergie par un Ruggero Deodato encore à la recherche d’un style plus affirmé, Deux flics à abattre a connu un important succès à sa sortie en Italie. Pourtant, de manière très étrange, il n’a pas eu le droit à une sortie sur nos écrans et il a fallu attendre 2023 pour que l’éditeur Elephant Films nous le propose dans sa récente collection consacrée au poliziottesco. S’il n’est aucunement un titre majeur, Deux flics à abattre mérite d’être découvert par les cinéphiles amateurs de bisserie transalpine. Ils sont dès à présent prévenus quant au contenu particulièrement réactionnaire du long-métrage.

Critique de Virgile Dumez

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© 1976 Minerva Pictures / Elephant Films. Tous droits réservés.

Biographies +

Ruggero Deodato, Renato Salvatori, Adolfo Celi, Marc Porel, Benito Pacifico, Silvia Dionisio, Alvaro Vitali, Ray Lovelock, Marino Masé, Claudio Nicastro, Franco Citti

Mots clés

Poliziottesco, Duo de flics, Buddy movie, Les prises d’otage au cinéma