Polar efficace, Dead Bang avait pour mission d’imposer Don Johnson en star de film d’action. Son échec injuste a contrarié quelque peu les plans de l’acteur, pourtant à l’aise dans le genre.
Synopsis : Jerry Beck, inspecteur à Los Angeles, est dans une mauvaise passe. Il supporte mal son divorce et sa séparation d’avec ses enfants, il essaie d’oublier ses déboires privés dans l’alcool. Chargé d’enquêter sur l’assassinat d’un policier, il soupçonne Bobby Burns, un tueur qui vient de sortir de prison, en liberté surveillée. Mais lors de la perquisition, Burns parvient à s’échapper…
Retour au polar musclé pour Frankenheimer
Critique : Lorsqu’il accepte de réaliser Dead Bang (1989), le réalisateur John Frankenheimer n’est plus vraiment en odeur de sainteté à Hollywood puisque la plupart de ses polars des années 80 ont été des échecs commerciaux, et ceci même lorsqu’ils étaient réussis. Pour son retour derrière la caméra après trois ans d’absence, Frankenheimer s’empare d’un script de Robert Forster très largement inspiré par l’histoire vraie du policier de Los Angeles Jerry Beck (ce dernier est d’ailleurs visible dans le film lors d’une apparition clin d’œil). Sa lutte contre le crime organisé, et notamment contre des groupes suprémacistes blancs, ne pouvait que plaire à Frankenheimer, connu à Hollywood pour son positionnement à gauche de l’échiquier politique.
Pour tenir le rôle principal, le cinéaste réussit à mettre la main sur la star de la télévision Don Johnson. Ce dernier était encore sous contrat pour sa série culte Deux flics à Miami – qui lui a fait rater de belles opportunités comme Les Incorruptibles de De Palma ou encore Piège de cristal de McTiernan – mais la grève des scénaristes de 1988 bloque tous les tournages de séries et Don Johnson peut ainsi tourner Dead Bang dans l’intervalle. Le but du comédien et de la société de production Lorimar était d’imposer la star du petit écran comme un actioner crédible, à l’instar d’un Bruce Willis ou d’un Mel Gibson. Malheureusement, l’échec commercial injuste de Dead Bang en décidera autrement.
Une charge contre le retour du suprémacisme blanc aux Etats-Unis
Il faut dire que Dead Bang démarre de manière un peu trop classique pour se démarquer du tout-venant. On suit effectivement une fois de plus les déboires d’un flic atypique et alcoolique avec sa hiérarchie, tout en découvrant les ruines de sa vie de famille. Rien de bien enthousiasmant, si ce n’est l’excellence de la réalisation de Frankenheimer qui en avait encore sous le pied en multipliant les plans de grue arpentant les façades des immeubles pour mieux se jeter dans la rue afin de suivre les évolutions des personnages. Lorsque l’action intervient, le cinéaste prouve une fois de plus sa parfaite maîtrise du découpage, du placement des acteurs et de l’espace. Les fusillades sont d’autant plus impressionnantes que le cinéaste a fait dans la surenchère en dotant les membres du commando fasciste d’armes de guerre qui explosent tout sur leur passage.
Mais surtout, Dead Bang a le grand mérite d’alerter le public américain sur la résurgence à la fin des années 80 de groupuscules néo-nazis qui reprennent notamment l’héritage du Ku Klux Klan. Certes, l’ensemble manque clairement de nuances puisqu’on est ici dans un pur film de genre, mais la description de ce suprémacisme blanc fait tout de même froid dans le dos, d’autant qu’il est encore plus d’actualité de nos jours dans l’Amérique post-Donald Trump. Finalement, si l’on omet son style typique des années 80 (musique synthétique avec boites à rythmes syncopées), Dead Bang est une œuvre prophétique qui est sans doute plus intéressante et pertinente de nos jours que lors de sa sortie en salles en 1989.
Le cruel échec commercial américain d’un film pourtant solide
Dans le rôle principal, Don Johnson assure vraiment en jeune chien fou qui se contrefiche des règles à suivre. Il est avantageusement secondé par William Forsythe en agent du FBI guindé. Face à eux, Frank Military s’impose sans problème en suprémaciste implacable, même si sa carrière a tourné court depuis et qu’il est devenu le producteur à succès de la série NCIS : Los Angeles. Quant à Penelope Ann Miller, son rôle est curieusement très court, car les auteurs n’ont, semble-t-il, pas voulu s’embarrasser d’une intrigue amoureuse superflue. Bien leur en a pris !
Sorti au mois de mars 1989, Dead Bang n’a pas fait boum au box-office américain puisque le film n’a pas réussi à rembourser son budget sur le sol nord-américain. En France, Dead Bang déboule à la deuxième place du box-office parisien la semaine de son investiture avec 38 036 spectateurs. La semaine suivante voit le film céder du terrain avec 20 253 curieux de plus. Puis, la troisième septaine voit le film dégringoler avec 12 237 tickets déchirés. Dead Bang terminera sa course folle avec 88 680 Parisiens dans sa besace.
Dead Bang, polar depuis longtemps oublié
Sur la France, Dead Bang débarque également en deuxième position derrière la belle continuation de Trop belle pour toi de Bertrand Blier, scotché à la première place. Ils sont 83 575 amateurs de Deux flics à Miami à faire le déplacement. La semaine suivante, Dead Bang rétrocède à la 5ème place avec 50 414 clients de plus. Début juillet, le polar dépasse le seuil des 200 000 tickets vendus. Le film a continué sa petite carrière au cours du mois de juillet dans les stations balnéaires et a fini sa carrière avec 373 212 entrées.
Si l’on excepte une VHS sortie peu de temps après, la France a depuis longtemps oublié ce polar pourtant efficace et Dead Bang demeure à ce jour inédit sur support physique dans nos contrées jusqu’à sa réapparition sur les plateformes VOD.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 7 juin 1989
Voir le film en VOD
© 1989 Lorimar Film Entertainment / Affiche : Christophe Drochon (affichiste) – Tactics (agence). Tous droits réservés.
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John Frankenheimer, Don Johnson, Ron Jeremy, Penelope Ann Miller, Bob Balaban, William Forsythe, Frank Military