Dans la continuité de Thalasso, Dans la peau de Blanche Houellebecq amuse par sa volonté de pratiquer un humour ironique, voire sardonique. Michel Houellebecq y apparaît plus décalé que jamais et provoque ainsi le rire dans un ensemble sans filtre.
Synopsis : En Guadeloupe, Blanche Gardin préside un concours de sosie consacré à Michel Houellebecq. Michel s’y rend, mais des événements imprévus vont plonger notre duo au cœur d’une intrigue rocambolesque…
Nicloux / Houellebecq, jamais deux sans trois!
Critique : Depuis L’enlèvement de Michel Houellebecq (2014) et Thalasso (2019), le cinéaste Guillaume Nicloux a pris l’habitude de retrouver l’écrivain Michel Houellebecq pour le placer au centre d’une comédie où l’auteur polémique s’amuse de son image. Dans la peau de Blanche Houellebecq (2024) constitue donc le troisième volet d’une trilogie fort drôle où le cinéaste brouille volontairement la frontière fine entre fiction et réalité documentaire.
A chaque fois, il part de l’image renvoyée par ceux qu’il filme auprès du grand public pour les détourner et en faire autre chose. Après avoir notamment confronté Houellebecq à Gérard Depardieu (pas encore empêtré dans ses affaires judiciaires), voici qu’il l’oppose à Blanche Gardin, figure comique transgressive, mais plutôt à l’autre bout du spectre politique par rapport à l’écrivain.
Nicloux s’en prend au politiquement correct
Grâce à la confiance totale de Michel Houellebecq envers son metteur en scène fétiche, l’écrivain apparaît dans toute sa complexité, avec ses contradictions, ses addictions et le mal-être consubstantiel à sa personnalité. Face à lui, Blanche Gardin est une habituée de l’autofiction puisqu’elle a déjà abolie cette frontière dans sa mini-série nombriliste La meilleure version de moi-même (2021). Elle s’amuse donc ici de son image et offre des répliques savoureuses à un Michel Houellebecq toujours aussi décalé.
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Toutefois, Dans la peau de Blanche Houellebecq est surtout amusant par son aspect volontairement offensif sur le plan idéologique. Visiblement irrité par le politiquement correct, Guillaume Nicloux s’en prend de manière générale aux tabous actuels en matière d’humour. En parachutant son duo dans une Guadeloupe où règne une fièvre indépendantiste, il évoque des thématiques fortes comme l’esclavage, le racisme, l’homosexualité et le féminisme sous un angle volontairement ironique, et parfois même sardonique. Il se moque également de la notion d’appropriation culturelle et prend donc le risque de s’aliéner une partie du public.
Une comédie portée par un duo de choc, totalement décalé
Mais il gagne des points en ne donnant jamais vraiment son avis sur ces questions. On le sent énervé par l’autocensure qui règne actuellement dans le domaine de l’humour, mais il ne verse tout de même jamais dans une contestation qui serait récupérable par l’extrême droite. En fait, Guillaume Nicloux s’attaque surtout aux gens sans nuances et qui mettent l’idéologie au-dessus de toute considération humaine.
Au-delà de ces considérations, Dans la peau de Blanche Gardin est également une comédie très drôle portée par un Michel Houellebecq toujours impeccable dans son aspect clownesque et décalé. On apprécie également les interventions de comédiens chevronnés qui jouent leurs propres rôles (Françoise Lebrun, Jean-Pascal Zadi), mais aussi la courte scène avec le réalisateur Gaspar Noé. Et que dire de la scène où le chanteur Franky Vincent livre une version originale de La Marseillaise ? Enfin, le concours de sosie qui constitue le MacGuffin du film donne lieu à des moments de pure comédie tant les différents concurrents ne ressemblent en rien à Houellebecq.
Véritable pochade réalisée entre potes, avec une réelle capacité à improviser et à faire évoluer le film en fonction des aléas de la production, Dans la peau de Blanche Houellebecq est une réussite certaine, toutefois minorée par une fin un peu abrupte. Après le ratage de La tour (2022) et son passage par le film plus consensuel La petite (2023), la comédie rassure sur la capacité de Guillaume Nicloux à rebondir rapidement.
Dans la peau de Blanche Houellebecq, un échec cinglant en salle
Alors que Thalasso a réuni 91 491 spectateurs en 2019 sur le seul nom de Gérard Depardieu, Dans la peau de Blanche Houellebecq n’a pas eu droit à la même sollicitude de la part du grand public. Le contexte n’est certes plus le même et la fréquentation des salles est moindre depuis la crise de la Covid. Toutefois, la comédie insolente a réussi l’exploit de réaliser moins d’entrées que La tour – déjà un bide phénoménal (et mérité, pour le coup).
Pour sa semaine de lancement le 13 mars 2024, la comédie ne génère que 12 482 entrées sur l’ensemble du territoire français. Pourtant, le film était positionné lors d’une semaine assez creuse marquée par l’absence de film porteur (les gros titres étaient les comédies Heureux gagnants avec Audrey Lamy et Fabrice Eboué, Les rois de la piste avec Fanny Ardant et le succès italien Il reste encore demain). Le film a ensuite perdu environ 50 % de ses entrées à chaque semaine, finissant avec seulement 24 774 tickets vendus, dont près de la moitié dans la capitale.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 13 mars 2024
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© 2024 Les Films du Worso / Affiche : Benjamin Seznec pour Troïka / Photo : Jean-Claude Lother. Tous droits réservés.
Biographies +
Guillaume Nicloux, Michel Houellebecq, Luc Schwarz, Gaspar Noé, Jean-Pascal Zadi, Blanche Gardin, Françoise Lebrun
Mots clés
Comédie décalée, Comédie de duo, Documenteur, La drogue au cinéma, Le colonialisme au cinéma