Cinéaste de l’étrange, de l’esthétique choc et radicale, Gaspar Noé s’est fait le chantre du cinéma underground et alternatif en France.

Vivant en France depuis l’âge de 12 ans, l’auteur argentin est né en 1963. Gaspar Noé secoue les années 90 après avoir assisté Fernando Ezequiel Solanas sur les réalisations de Tangos l’exil de Gardel (1985) et Le Sud (1987). Il monte sa société de production, Les Films de la Zone, avec la réalisatrice Lucile Hadzihalilovic.

Des courts et moyens métrages le mettent sur orbite, notamment Carne, histoire d’inceste choc, image d’une décennie grise et désenchantée, avec son futur acteur fétiche, Philippe Nahon. L’excellente réputation du film de 40 minutes lui permet de trouver exceptionnellement sa place en salle. Mais l’auteur devra attendre 1999 pour vraiment éclater avec Seul contre tous, long métrage malaisant avec Nahon qui reprend le rôle du boucher de Carne. Le film frappe le festival de Cannes de sa présence, en 1998, puisqu’il obtient le prix de la Semaine de la Critique et le prix Très Spécial. Cette œuvre nihiliste sur les racines sociales du racisme reste cantonnée aux cinémas d’art et d’essai et parvient à flirter avec les 40 000 curieux au box-office.

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Gaspar Noé, réalisateur interdit aux moins de 16 ans, voire 18

Trois ans plus tard, l’auteur va encore plus loin dans la controverse avec Irréversible, son seul réel succès en salle, avec 600 000 spectateurs, et une ressortie avec une chronologie remise dans sa forme canonique en 2020. Le film avec Dupontel et le couple glamour Vincent Cassel et Monica Bellucci, déchaîne les passions. A la virtuosité, Gaspar y accole la violence crue, malade, et la mise en scène d’un viol en temps réel. Le film entre en compétition officielle à Cannes, et semble être né pour faire le buzz. Le succès est mondial.

Toujours prêt à se livrer à des projets parallèles indépendants et radicaux tout au long de la décennie, notamment sur la place du sexe et de la drogue dans la vie, Gaspar Noé revient à la forme du long XXL avec l’extatique Enter the Void. Film en mode de bad trip présenté dans un festival de Cannes hermétique à ses hallucinations sous influence, Soudain le vide mettra près d’un an pour sortir sur nos écrans et connaîtra un échec dans les salles à la hauteur de son important budget. Il faut dire que pour mettre en œuvre son génie visuel, le cinéaste visionnaire bénéficiait de 10 millions d’euros.

Un auteur qui ne transige pas avec le style, la forme et le contenu.

Quand d’autres auteurs audacieux, dont il se sent proche, comme Jan Kounen ou de façon plus consensuelle, Christopher Gans, semblent avoir du mal à monter des projets dans les années 2010, Gaspar Noé réalise trois films dans la décennie. Love se veut une provocation entre romance et pornographie 3D. La typographie dégoulinante de sperme sur l’affiche et son bain de langues suscitent des remous. Le film sera interdit aux moins de 18 ans, victime d’une décision de la commission de classification sous pression. Malgré la 3D et le buzz, cette déambulation dans une sexualité plurielle ne passionne pas (65 000 entrées), mais au moins suscite plus d’enthousiasme que le trip défoncé d’Enter the Void.

Avec Climax, Noé tourne un Sexy Dance trash, décadent et hypnotique, filmant dans un club des danseurs sous l’effet d’une drogue qui ravage les esprits. Cela sera son quatrième long métrage (hors anthologie), à être interdit aux moins de 16 ans. A raison. Climax explore l’esprit dark et virtuose d’un auteur qui ne transige pas avec le style, la forme et le contenu.

Outre la ressortie d’Irréversible en version intégrale en 2020, Gaspar Noé se voit gratifier d’une nouvelle sortie salle pour l’un de ses moyens métrages. Lux Æterna est un nouveau cauchemar sous transe de la part du réalisateur de Climax. Il y dirige des personnalités qui aiment les auteurs affranchis des codes de la bienséance, Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg. Le distributeur UFO présente l’OFNI en salle en septembre 2020, soit un an et quatre mois après sa présentation cannoise.

Frédéric Mignard

Filmographie (Réalisateur longs et moyens métrage)

• 1991 : Carne
• 1998 : Seul contre tous
• 2002 : Irréversible
• 2010 : Enter the Void
• 2015 : Love
• 2018 : Climax
• 2019 : Lux Æterna
• 2020 : Irréversible version intégrale
• 2021 : Vortex