Comédie vacharde qui se moque du chauvinisme français, Cocorico amuse dans la première partie grâce à deux ténors de la comédie. La suite s’enlise un peu plus dans un excès de caricature, mais demeure un divertissement drôle.
Synopsis : Sur le point de se marier, Alice et François décident de réunir leurs deux familles. Pour l’occasion, ils réservent à leurs parents un cadeau original : des tests ADN pour que chacun puisse découvrir les origines de ses ancêtres. Mais la surprise va virer au fiasco quand les Bouvier-Sauvage, grande famille aristocrate, et les Martin, beaucoup plus modestes, découvrent les résultats, pour le moins… inattendus !
Cocorico, une comédie de pré-mariage
Critique : Surtout connu pour avoir écrit les textes des Guignols de l’info durant une quinzaine d’années, puis trois numéros des Tuche, Julien Hervé est également passé à la réalisation avec la médiocre comédie Le doudou (coréalisé avec Philippe Mechelen en 2018) menée par Kad Merad. Un cursus très inégal si l’on y ajoute une contribution au naufrage Astérix & Obélix : L’Empire du Milieu (Guillaume Canet, 2023).
Désormais seul au scénario et à la réalisation, Julien Hervé semble avoir été plutôt bien inspiré par cette idée de confronter des personnages fiers de leurs origines à un test ADN qui va révéler une histoire familiale bien différente de ce qu’ils attendaient. Tout d’abord, le pitch est plutôt ingénieux et permet de renouveler la traditionnelle comédie de mariage. Effectivement, le point de départ ressemble fort à celui de la comédie événement Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? (Philippe de Chauveron, 2014) et de ses deux suites. Mais là où le film triomphal opposait des familles de différentes couleurs, Cocorico préfère axer sa thématique sur le nationalisme et le chauvinisme, tout en accentuant encore un peu plus l’écart social entre les deux familles réunies par l’amour de leur progéniture.
Comment ridiculiser le nationalisme et le chauvinisme
Dans Cocorico, les parents du futur marié sont des Français typiques de la classe moyenne, tandis que les géniteurs de la demoiselle sont des héritiers de l’une des plus grandes familles d’Aquitaine. Généticienne, la jeune fille prend l’initiative d’offrir un test ADN aux quatre parents. Mais le cadeau va se révéler empoisonné lorsque les résultats ne correspondent aucunement aux attentes. La grande qualité du film réside dans le fait que la situation est posée assez rapidement, avec une présentation réussie des différents protagonistes. Le spectateur comprend rapidement que Didier Bourdon est un adepte du produit labellisé français et que son patriotisme économique confine au chauvinisme pur et dur. De son côté, Christian Clavier incarne à nouveau un personnage imbu de sa position sociale et qui rappelle aux autres sa supériorité en toute occasion.
Lors de la première partie du film, qui se love agréablement dans le style du théâtre de boulevard, la situation se dégrade progressivement entre les deux familles. Les répliques vachardes fusent avec rapidité et le cinéaste peut compter sur la maestria de ses comédiens pour assurer le show. Notons d’ailleurs que cette première rencontre sur grand écran de Christian Clavier et de Didier Bourdon (ils ont joué ensemble au théâtre dans La cage aux folles) ne déçoit aucunement tant les deux comiques parviennent à additionner leurs talents et à ne jamais faire d’ombre à l’autre.
Attention toutefois à l’excès de caricature
Mais il faut signaler également la contribution des compagnes des deux xénophobes. Ainsi, Sylvie Testud compose le rôle d’une gentille idiote avec talent et Marianne Denicourt parvient à lâcher prise, tenant la dragée haute à son Clavier de mari. On peut toutefois se désoler de la fadeur du jeune casting, moins à son avantage.
Après cette très efficace entrée en matière, le film explore les conséquences des révélations sur leur quotidien. Le métrage s’enlise alors dans des séquences un peu moins heureuses, même si le rire est encore fréquemment convoqué. Toutefois, on a du mal à trouver crédible un tel déferlement de bêtise chez des êtres humains normalement constitués, à cause d’un excès de caricature dans l’écriture.
Un déferlement de clichés pour dénoncer la bêtise humaine
D’ailleurs, il est important de préciser que le ressort comique principal de Cocorico tient en un étalage de tous les clichés ressassés par les Français à propos de leurs voisins européens. Ceux qui n’apprécient donc pas les blagues xénophobes (au second degré, cela va de soi) peuvent clairement passer leur chemin. Ici, les Portugais, les Anglais et les Allemands en prennent pour leur grade, dans un déferlement de clichés parfois trop insistants. Bien entendu, Julien Hervé se sert de ce type d’humour pour se moquer de l’esprit cocardier français et met donc avant tout en boite nos concitoyens, actuellement tentés par un retour aux vieilles valeurs patriotiques d’un autre siècle.
Le but de Cocorico est donc bien de démontrer l’absurdité de toute forme de nationalisme et de chauvinisme. Il le fait avec un certain sens du tempo comique et un nombre important de gags et de répliques savoureuses. Malheureusement, le cinéaste n’évite pas non plus les lourdeurs, tandis que sa réalisation passe-partout ne se distingue pas du tout-venant de la comédie française actuelle. En tout état de cause, Cocorico n’est aucunement un mauvais bougre et le grand public peut s’y rendre en masse. Malgré les défauts soulignés ci-dessus, Cocorico constitue un divertissement de bonne tenue qui déclenche sans trop de mal des salves de rires. La mission est donc plutôt accomplie.
Critique de Virgile Dumez
Box-office France :
Véritable succès français, lors d’un premier trimestre 2024 calamiteux, Cocorico a démarré à 584 706 entrées dans 608 salles. Il bénéficiait d’un positionnement dans les salles très positif, avec une date au 7 février 2024, parmi les plus porteuses de l’année, car articulée sur les vacances d’hiver. La comédie saura rester 5 semaines au-dessus des 100 000 spectateurs, profitant d’un bouche-à-oreille enthousiaste. En deuxième semaine le divertissement portant sur l’ethnicité burlesque perd 34% de ses entrées (383 000), puis 5% en 3e semaine (363 000), 25% en 4e semaine… Cocorico devient tout bonnement le plus gros succès français des trois premiers mois de l’année 2024. Il faudra le phénomène d’Artus, Un P’tit truc en plus, pour avoir son premier vrai concurrent du semestre.
On notera que Christian Clavier, très populaire en Europe, permettra à ce long métrage de se distinguer en Allemagne et en Autriche. Dans ce dernier marché, la comédie a même campé cinq semaines dans le top 10.
Fort de l’enthousiaste autour de Cocorico, M6 Vidéo propose le film en DVD et Blu-ray le 6 juin 2024.
Les sorties de la semaine du 7 février 2024
Biographies +
Julien Hervé, Christian Clavier, Didier Bourdon, Marianne Denicourt, Sylvie Testud
Mots clés
Comédies de mariage, La famille au cinéma, Comédies françaises