Révélation cannoise en 2012, Camille redouble de Noémie Lvovsky est moins une comédie fantastique qu’une belle lettre d’amour à l’adolescence, habitée par le souvenir des parents qui ne sont plus…
Synopsis : Camille a seize ans lorsqu’elle rencontre Eric. Ils s’aiment passionnément et Camille donne naissance à une fille…
25 ans plus tard : Eric quitte Camille pour une femme plus jeune.
Le soir du 31 décembre, Camille se trouve soudain renvoyée dans son passé.
Elle a de nouveau seize ans. Elle retrouve ses parents, ses amies, son adolescence… et Eric.
Va-t-elle fuir et tenter de changer leur vie à tous deux ? Va-t-elle l’aimer à nouveau alors qu’elle connaît la fin de leur histoire ?
Un remake français de Peggy Sue s’est mariée?
Critique : Les Américains raffolent des divertissements adolescents où un père, une mère se retrouvent propulsés dans le passé de leurs années lycée et retrouvent le corps de leurs 16 ans. Freaky Fridays avec Lindsay Lohan, 17 encore avec Zac Efron… autant de produits pour teenagers bien de leur temps qui parlent difficilement à l’adulte. Mais les plus anciens se souviendront aussi d’un certain Francis Ford Coppola, Peggy Sue s’est mariée, sorti en 1986, dans lequel il était question d’une quadragénaire jouée par Kathleen Turner, qui retrouvait sa vie de lycéenne et revisitait ses romances d’hier pour mieux comprendre sa situation maritale adulte.
Il est évident que la comédienne et réalisatrice Noémie Lvovsky a pris pour modèle le cousin américain de Francis Ford Coppola quand elle s’est lancée dans l’aventure Camille redouble. La comédie française, en 2012, était atypique pour le cinéma français, mais son sujet évoquait beaucoup la philosophie de Peggy Sue. Il y est effectivement question d’une jeune quadragénaire au bout du rouleau, que Noémie Lvovsky interprète elle-même. Elle aussi connaît un divorce difficile avec l’homme de sa vie, alcoolisme ravageur. Puis, elle se retrouve le soir du réveillon du nouvel an, célébré avec des anciens du lycée, dans les années 80 qui ont bercé son enfance. Chez Coppola, c’était un retour en 1960. La suite relève du procédé de reconstitution, de mélancholie mélangée à la drôlerie des situations.
Retour vers le passé
Tous les détails eighties habillent la chambre de Camille. Des posters aux walkman. Souvenirs, souvenirs. Evidemment, ce sont les années bahut, une époque de complicité extraordinaire, d’expériences marrantes, d’extravagances où les vieux sont les profs, les parents et tous ceux qui dépassent les 25 balais.
Lvovsky, auteure à part entière, joue moins sur les situations cocasses et les quiproquos faciles qu’un retour vers le passé, avec un corps, une conscience et une expérience adulte inchangés, pourrait le permettre. C’est ce qui fait le succès du film. La réussite de Camille redouble repose sur l’émotion embuée de l’adulte de 40 ans qui se retrouve face à ses parents morts, notamment sa mère décédée trop tôt, à la fin de son adolescence… Celle-ci, jouée par Yolande Moreau, récompensé d’un Magritte en Belgique pour son interprétation, évoque immédiatement chez les spectateurs les instants refoulés de sa propre histoire ; Noémie Lvovsky, dans son personnage, comme la réalisatrice, contemple cette mère qui est le cadet des soucis de l’adolescent, mais qui, avec l’âge, devient tout le symbole d’une existence et d’une orientation à suivre. C’est beau, c’est fort et cela marche.
Une mélancolie émouvante et universelle
Les sentiments décrits ici sont poignants dans leur universalité. C’est indéniablement le point fort de cette entreprise, toutefois parfois en errance, avec des moments de magie pure, mais aussi des longueurs qui ne justifient jamais l’heure cinquante de métrage un peu excessive pour pareil discours, aussi joli soit-il.
Révélé à la Quinzaine cannoise, Camille redouble suscite immédiatement l’intérêt des critiques avant de trouver un succès réel en salle, puisque cette œuvre romanesque dans l’âme attire près du million d’entrées. La réalisatrice des Sentiments (1 235 000 entrées) et Faut que ça danse (302 000), convole pendant plus de quatre semaines au-dessus des 100 000 entrées. En semaines 2 et 3, la perte minime de 19% de sa fréquentation démontre l’amour du public pour cette jolie production qui passe également de 350 salles en première semaine à 512 en 4e.
13 nominations aux César, aucun prix, Camille redouble a honte
L’Académie des César, cinq mois plus tard, y voit une possibilité de féminiser ses nominations et de rafraîchir sa sempiternelle course à l’académisme. Ainsi en 2013, elle lui fait porter sur les épaules le poids énorme de 13 nominations. Une erreur impardonnable. Le film ne le mérite en rien, ni techniquement, ni dans le jeu global des comédiens. Camille redouble voit son buzz tourner aigre avec un verdict fatal le soir de la cérémonie : Noémie Lvovsky et son équipe ne recevront aucun prix transformant l’événement médiatique en un malaise que cette agréable comédie devra longtemps trainer. Une décennie après, les stigmates sont encore là. En 2017, Noémie Lvovsky tournera son sixième film, Demain et tous les autres jours, le plus gros échec de sa carrière à l’arrivée, avec 36 000 entrées, derrière un premier long méconnu en 1995, Oublie moi (54 000). Avec ce dernier, l’effet Camille redouble fut redoutable, laissant un arrière-goût amer d’un retour en arrière qui cette fois-ci ne relevait en rien de la fiction.
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Les sorties de la semaine du 12 septembre 2012
© F Comme Film, Ciné@, Gaumont, France 2 Cinéma. Tous droits réservés / All rights reserved – Affiche : © Le Cercle Noire pour The Alamo, d’après une photo d’Arnaud Borel. Tous droits réservés / All rights reserved
Biographies +
Noémie Lvovsky, Denis Podalydès, Mathieu Amalric, Judith Chemla, Jean-Pierre Léaud, Yolande Moreau, Samir Guesmi, Vincent Lacoste, Michel Vuillermoz, Esther Garrel, India Hair, Adeline D’Hermy, Julia Faure
