Au risque de se perdre : la critique du film (1960)

Drame | 2h29min
Note de la rédaction :
8/10
8
Au risque de se perdre, l'affiche

  • Réalisateur : Fred Zinnemann
  • Acteurs : Audrey Hepburn, Lionel Jeffries, Peter Finch, Dean Jagger, Edith Evans, Peggy Ashcroft, Giovanna Galletti, Errol John
  • Date de sortie: 03 Fév 1960
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : The Nun's Story
  • Titres alternatifs : Geschichte einer Nonne (Allemagne) / Historia de una monja (Espagne) / A História de Uma Freira (Portugal) / La storia di una monaca (Italie) / Uma Cruz à Beira do Abismo (Brésil)
  • Année de production : 1960
  • Scénariste(s) : Robert Anderson, d'après le roman de Kathryn Hulme
  • Directeur de la photographie : Franz Planer
  • Compositeur : Franz Waxman
  • Société(s) de production : Warner Bros.
  • Distributeur (1ère sortie) : Warner Bros.
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Warner Bros (DVD)
  • Date de sortie vidéo : -
  • Box-office France / Paris-périphérie : 4 467 614 entrées / 677 975 entrées
  • Box-office nord-américain : 12,8 M$
  • Budget : 3,5 M$
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.78 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Oscars 1960 : huit nominations / Golden Globes 1960 : 5 nominations / BAFTA 1960 : 5 nomination et une récompense pour Audrey Hepburn, meilleure actrice / 1 David di Donatello 1960 : Meilleure actrice étrangère pour Audrey Hepburn.
  • Illustrateur / Création graphique : Jean Mascii
  • Crédits : Warner Bros.
Note des spectateurs :

Porté par un regard documentaire dépouillé, Au risque de se perdre est un grand film, sublimé par l’interprétation d’Audrey Hepburn. Un classique à redécouvrir.

Synopsis : Gabriele Van Der Mal, 21 ans, entre au couvent de Bruges pour suivre des cours de médecine. Ses études finies, elle part au Congo et aide le chirurgien Fortunati…

Un sujet difficile à imposer aux grands studios hollywoodiens

Critique : Lorsque le réalisateur Fred Zinnemann envisage de porter à l’écran le roman de Kathryn C. Hulme Au risque de se perdre, il est encore auréolé des succès rencontrés par Le train sifflera trois fois (1952) et Tant qu’il y aura des hommes (1953). Toutefois, son étoile semble pâlir depuis quelques années puisqu’il a essuyé un lourd échec financier avec la comédie musicale Oklahoma ! (1955), tandis qu’il a été évincé du tournage du Vieil homme et la mer (1958) au profit de John Sturges qui a signé le film.

Quand il propose aux grands studios d’adapter le roman traitant de l’histoire vraie vécue par Marie-Louise Habets, une sœur qui a fini par renier ses vœux, aucun ne s’enthousiasme pour un projet qui nécessite des moyens considérables pour un impact incertain auprès du public. La plupart des exécutifs rétorquent à Zinnemann que le livre ne contient aucune scène d’action ou franchement romanesque et que le risque est donc trop important. Malgré ces réticences, le cinéaste persévère et parvient à obtenir l’accord de la jeune star Audrey Hepburn pour interpréter le rôle principal.

Un tournage à l’étranger qui appuie l’approche documentaire de Zinnemann

Dès le moment où Hepburn s’engage, la star de Vacances romaines (Wyler, 1953), Sabrina (Wilder, 1954), Guerre et paix (Vidor, 1956) et de Drôle de frimousse (Donen, 1957) rassure les financiers et finalement le studio Warner est le premier à décrocher un contrat de production avec Fred Zinnemann. Conscients des coûts de production importants, les producteurs insistent pour que tous les intérieurs soient tournés en Italie, tandis que les extérieurs sont filmés en Belgique et au Congo, sur les lieux mêmes de l’intrigue. Ce fut l’occasion pour Zinnemann de tourner à l’étranger, chose qu’il refera de nombreuses fois par la suite puisque cela lui assure une forme d’indépendance par rapport aux studios américains, aux méthodes souvent intrusives.

On ne peut comprendre le goût du réalisateur pour la lente description de la vie intérieure d’un couvent si l’on oublie que Zinnemann a débuté dans le documentaire, et ceci durant plusieurs années. Ainsi, toute la première partie du film, soit près d’une heure, se concentre sur l’explication de la règle imposée aux sœurs d’un couvent. Le spectateur suit donc le parcours d’une jeune femme qui veut devenir missionnaire en Afrique et qui, pour cela, passe par le noviciat, avant de prononcer ses vœux.

De l’ascétisme et de la rigueur

Malgré l’extrême rigueur du sujet et la volonté de Zinnemann d’évacuer toute forme de sensationnalisme, cette première heure n’a absolument rien d’ennuyeuse. On apprécie notamment la grande précision documentaire dans la description des rites et autres cérémonies religieuses. Le cinéaste ne succombe pas non plus aux dérives putassières qui marqueront par la suite ce que l’on a appelé la nunsploitation. Certes, quelques vexations sont infligées à la sœur Luc (Hepburn, donc), mais on ne trouve jamais ici de cruauté ou de sadisme mal placé. Très respectueux des religieuses, l’auteur n’épargne pas un système qui a pour vocation d’éprouver la foi des novices, au risque de les perdre, comme le titre français le souligne très bien.

On a d’ailleurs beaucoup reproché à Fred Zinnemann cette distanciation qui passe pour de la froideur ou de l’indifférence. Bien au contraire, le cinéaste ose introduire une forme ascétique au cœur d’un grand film de studio hollywoodien et réussit donc à décrire un milieu très fermé avec pudeur et respect. Bien entendu, cette première partie ne serait pas aussi réussie sans l’interprétation magnifique de la sublime Audrey Hepburn. Elle qui était connue pour ses tenues à la mode revêt l’habit monacal avec une prestance incroyable. La totalité de son jeu nuancé passe par son regard qui en dit bien plus long que des lignes de dialogues explicatifs.

Une vision du Congo plutôt folklorique

La deuxième heure du film se déroule au Congo où l’on retrouve le goût de Zinnemann pour la description d’un milieu particulier. Certains trouveront sa vision de l’Afrique un peu trop stéréotypée, mais elle correspond globalement à ce que pouvait être le Congo dans les années 30, époque où se déroule l’intrigue du long-métrage. Là encore, Zinnemann ne fait aucun commentaire sur la colonisation et ne prend aucunement parti, ni pour, ni contre. Il montre seulement l’action des missionnaires en matière de santé, tout en signifiant tout de même que leur but ultime est bien d’évangéliser les populations locales.

Durant cette deuxième partie, Le plus intéressant vient de la relation de plus en plus étroite entre la sœur infirmière et le chirurgien qu’elle assiste, magnifiquement incarné par Peter Finch (en remplacement d’Yves Montand initialement prévu). Si l’on ressent bien une attirance sexuelle entre ces deux êtres, le cinéaste insiste surtout sur l’opposition des caractères et des opinions. La jeune femme est effectivement une religieuse inquiète de bien servir sa foi, tandis que le médecin est un athée assez cynique. L’affrontement des points de vue est en tout point passionnant.

Un dernier quart d’heure admirable de retenue

Mais c’est finalement la dernière partie du long-métrage qui finit par emporter totalement l’adhésion. Effectivement, là où Zinnemann pouvait faire le choix du mélodrame traditionnel avec amour contrarié et violons sirupeux, il opte plutôt pour un retour de la sœur dans un couvent belge où elle finit par perdre la vocation, bousculée qu’elle est par une règle qui l’empêche de prendre position dans la guerre imminente (à savoir la Seconde Guerre mondiale). Persuadée de devoir agir dans le monde, et non par la prière en recluse, la jeune femme doit faire le choix le plus douloureux de sa vie.

Tourné sans musique et à coups de plans-séquences volontairement ascétiques, le dernier quart d’heure est un modèle d’économie de moyens, ce qui n’empêche nullement le film d’être bouleversant. Le tout dernier plan, d’une grande simplicité apparente, s’avère tout bonnement sublime, par son économie même. Zinnemann a d’ailleurs lutté contre le producteur pour que le plan reste muet et il a obtenu gain de cause, pour le plus grand bien du film.

Au risque de se perdre, grand gagnant du box-office mondial

Malgré son sujet et son aspect austère, Au risque de se perdre a été un pari gagnant pour Zinnemann et Hepburn puisque le film a été un très gros succès partout où il a été diffusé. Si les Etats-Unis lui ont réservé un accueil enthousiaste, salué par huit nominations aux Oscars (mais aucune statuette récoltée), la France n’a pas été en reste avec plus de 4 millions de spectateurs répartis entre fin 1959 où le long-métrage a été distribué en province et le mois de février 1960 où Au risque de se perdre a été exploité à Paris. Le film a donc été le 6ème plus gros succès de l’année 1960 en France, confirmant le statut de star mondiale de la superbe Audrey Hepburn.

Désormais quelque peu oublié des éditeurs, Au risque de se perdre mériterait de sortir en blu-ray, et si possible dans une version collector qui lui ferait honneur. Il est assurément un des grands films de Fred Zinnemann et Audrey Hepburn y a sans doute trouvé l’un de ses meilleurs rôles.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 3 février 1960

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© 1959 Renouvelé © 1986 Warner Bros. Entertainment. / Affiche : Jean Mascii. Tous droits réservés.

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