High Life est une œuvre déroutante dans sa volonté radicale d’imposer sa réflexion par son rythme, qui confirme la singularité du cinéma de Claire Denis. Intrigant, envoûtant, et surtout dérangeant.
Synopsis : Un groupe de condamnés à mort accepte de commuer leur peine et de devenir les cobayes d’une mission spatiale en dehors du système solaire. Une mission hors normes
Critique : Espéré pour Cannes 2018 et finalement dévoilé en avant-première à Toronto, High Life de Claire Denis était l’un des projets les plus intrigants de 2018. La plus intransigeante et underground des réalisatrices françaises mettant en scène une oeuvre de science-fiction en anglais avec un casting d’exception : Juliette Binoche et Robert Pattinson, en tête d’affiche, soit deux des acteurs les plus exigeants dans leurs choix personnels.
Le résultat fut de l’ordre du non-événement en France, avec des critiques partagées et surtout un bide existentiel, puisque ce projet forcément hors de l’ordinaire ne dépasserait même pas les 40 000 spectateurs sur l’ensemble du territoire.
Photo : Martin Valentin Menke
Pourtant, il fallait bien compter sur le public américain pour entériner ce projet porté par Claire Denis depuis de longues années. Celle qui avait déjà versé dans l’horreur (Trouble Every Day, avec Béatrice Dalle), était prête à porter sa réflexion sur les tourments de l’âme humaine au-delà des étoiles, avec dans le rôle central la volonté d’engager Philip Seymour Hoffman, décédé prématurément en 2014, puis Vincent Gallo.
In fine le choix de Pattinson a peut-être permis à High Life de se bâtir une belle réputation aux USA où le distributeur indépendant A24 (Hérédité) est parvenu à susciter la curiosité des spectateurs urbains, et c’est pas moins 1 million de dollars que le faux film de grand spectacle et l’authentique production de science-fiction arty est parvenu à engranger en tenant un discours artistique aux antipodes des produits américains.
Très proche du Cosmopolis de Cronenberg, dans son ambiance feutré, isolé du capharnaüm de la société, le film de Claire Denis s’embarque dans la désocialisation de l’humain, en envoyant des détenus condamnés à mort sonder un trou noir à l’autre bout du système planétaire. Les rapports sexuels entre membre de l’équipage sont totalement interdits, un box masturbatoire est proposé pour répondre aux frustrations. Il en ressort une tension sexuelle permanente qui se complexifie avec l’instinct de reproduction, cette obsession de la fertilité, jusque dans le jardin attenant à bord du vaisseau, lieu de respiration, où la semence a réussi à donner vie à une végétation luxuriante.
Producteurs : Pandora Film Production, Alcatraz Films, The Apocalypse Films, Andrew Lauren Productions, Madants SP Photo: Martin Valentin Menke
Au cœur d’un procédé narratif à la fois simple et complexe (jeu sur les couches temporelles, via des flash-back…), le film investit peu à peu les tréfonds de l’âme humaine, l’ultime retranchement du Moi, jusqu’à différents incidents tragiques qui ne sont pas mis en scène de façon spectaculaire, mais interviennent inéluctablement dans un climat de tension palpable.
Claire Denis nous baigne dans son univers visuel et sonore, dans sa retenue vénéneuse et son goût mesuré pour les explosions de violence ; la science est omniprésente, l’épicentre même d’une fiction de l’humain.
Beau film de science-fiction dans l’épure, High Life est l’étrangeté faite cinéma, le refus catégorique de se plier au diktat du système pour explorer une thématique qui fait de l’oeuvre de Claire Denis l’une des plus cohérentes et des plus remarquables. Bref, le résultat laissera insensible la majorité des spectateurs, mais ceux qui savoureront le trip connaîtront un certain goût de l’extase.
LE DVD
Producteurs : Pandora Film Production, Alcatraz Films, The Apocalypse Films, Andrew Lauren Productions, Madants SP Photo: Martin Valentin Menke
Complément : 1.5 /5
Triste présentation de 20′ par trois éléments du cast. Mia Goth et Robert Pattinson assurent la partie artistique, un astrophysicien, Aurélien Barreau, consultant sur le film, valide les choix scientifiques perçus comme curieux par les spectateurs et pourtant considérés comme pertinents par cet expert.
On est très déçu de n’avoir aucune intervention de la part de Claire Denis. Ce projet de longue halène qui lui tenait à cœur ne trouve ici aucune authentique personnalisation.
Image : 4/5
La copie DVD sait reproduire la finesse des éclairages, leur esthétisation de l’image et la beauté intrinsèque de cette étrangeté.
Son : 3.5/5
Film du silence où la musique est utilisée avec parcimonie ; c’est déroutant, mais l’apport du DTS permet une appropriation plus subjective des crescendos musicaux, et laisse planer une ambiance assez pesante sur la projection. Les arrières sont surtout réquisitionnés pour participer à l’atmosphère du récit. Il ne s’agit pas de jouer sur des effets pompiers. La bande son en est plutôt avare.
Critique et test du DVD : Frédéric Mignard