Réalisateur, scénariste, dramaturge et producteur américain, Robert Rossen est né en 1908 à New York au sein d’une famille d’immigrés juifs venus de Russie. Le jeune homme étudie à la New York University vers la fin des années 20. Là, il y découvre deux univers totalement différents : d’une part le monde du théâtre et d’autre part celui de la boxe, avec ses paris truqués.
Robert Rossen, un talentueux dramaturge et scénariste
Finalement, il opte pour le théâtre et commence à monter dans les années 30 des pièces jouées Off-Broadway. Il est alors aussi bien dramaturge que metteur en scène et il s’engage à travers des pièces de gauche, luttant notamment contre le nazisme.
En 1935, le dramaturge rencontre un phénoménal succès à Broadway avec sa pièce Burlesque et obtient ainsi un contrat en tant que scénariste avec la firme Warner. Son style très percutant va ainsi définir le style de la maison Warner à travers des scripts comme celui de Femmes marquées (Michael Curtiz, 1937) ou encore La ville gronde (Mervyn LeRoy, 1937). Le scénariste est encore sollicité pour Menaces sur la ville (Lloyd Bacon, 1938) et des succès comme Jeunesse triomphante (Lewis Seiler, 1939) avec John Garfield et le polar Les fantastiques années 20 (Raoul Walsh, 1939) avec James Cagney et Humphrey Bogart.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Robert Rossen continue à écrire des œuvres importantes comme Le vaisseau fantôme (Michael Curtiz, 1941) et L’ange des ténèbres (Lewis Milestone, 1943). A la suite d’un désaccord syndical avec Warner, Robert Rossen choisit de quitter le studio et commence une carrière d’artiste indépendant. Comme il est extrêmement talentueux, il parvient à signer des scripts qui sont réellement produits comme Commando de la mort (Lewis Milestone, 1945) ou encore L’Emprise du crime (Lewis Milestone, 1946).
Un maître du film noir à tendance sociale
Comme il peut être considéré comme un maître du film noir et que le genre est à la mode, il en profite pour passer à la réalisation avec L’Heure du crime (1946). Le long-métrage est distribué par la Columbia. Dans la foulée, le réalisateur s’empare d’un script d’Abraham Polonsky et signe l’excellent Sang et or (1947) avec John Garfield qui rejoint une de ses préoccupations de jeunesse, à savoir le monde de la boxe. On notera que le long-métrage est sans doute le premier à offrir un combat de boxe réellement crédible à l’écran et que cela a valu à son monteur Robert Parrish l’Oscar du meilleur montage.
Copyright Twentieth Century-Fox Productions
En 1949, Robert Rossen tourne Les fous du roi (1949) qui s’attaque directement à la corruption du milieu politique. Le film est un très joli succès et remporte même trois Oscars : meilleur acteur pour Broderick Crawford, meilleure actrice dans un second rôle pour Mercedes McCambridge et surtout la précieuse statuette du meilleur film.
Le harcèlement de la commission des affaires anti-américaines et ses conséquences
Malheureusement, cette gloire acquise est bien éphémère puisque le Maccarthysme touche Hollywood au début des années 50 et l’étau se resserre autour de Robert Rossen, connu pour ses sympathies de gauche. Il est entendu plusieurs fois par la Commission qui traque les communistes, mais parvient encore à tourner au Mexique le western La corrida de la peur (1951) qu’il signe surtout pour échapper à l’ambiance délétère d’Hollywood. A son retour du Mexique, il est encore entendu par la Commission et il décide de quitter les Etats-Unis après avoir, tout comme son confrère Elia Kazan, dénoncé une cinquantaine de personnes auprès de la Commission qui souhaitait à nouveau l’empêcher de travailler. Cette marque d’infamie l’a poursuivi jusqu’au restant de ses jours.
Le départ pour l’Europe
C’est tout d’abord l’Italie qui constitue sa terre d’accueil où il réalise le drame Mambo (1954), entièrement construit autour de la personnalité de la diva Silvana Mangano. Le film dépasse 800 000 entrées en France. Par la suite, il parvient à réunir un énorme budget en signant toujours en Italie le péplum historique Alexandre le Grand (1956) avec Richard Burton et Claire Bloom. En France, il s’agit à cette heure de son plus gros succès avec plus de 2,2 millions de spectateurs séduits par une production ample où son talent se dilue pourtant. Toutefois, le succès n’est pas au rendez-vous aux States.
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L’année suivante, il réalise un nouveau film politique qui correspond davantage à ses opinions personnelles : Une île au soleil (1957) est une production britannique qui fait parler d’elle et remporte un joli succès, notamment en France où elle dépasse le million d’entrées.
Retour réussi aux Etats-Unis, mais en indépendant
Finalement revenu aux Etats-Unis, Robert Rossen livre le film d’aventures Ceux de Cordura (1959) où il s’en prend à l’armée. Cela amène une nouvelle polémique, notamment avec l’acteur John Wayne, scandalisé par l’image donnée de l’institution par le film.
Pourtant, le long-métrage, charcuté de plus d’une demi-heure par le studio Columbia, connaît un certain succès en salles. En France, ils ont été 1,3 millions à faire le déplacement, attirés par le charisme de Gary Cooper en tête d’affiche. Toutefois, c’est véritablement avec L’arnaqueur (1961) que Robert Rossen établit son plus beau succès personnel. Son film sur le billard est considéré par beaucoup comme son chef d’œuvre et confirme l’énorme popularité de Paul Newman. Le film cartonne aux States – bien moins en France où il stagne autour des 500 000 tickets vendus – et obtient neuf nominations aux Oscars. Il décroche finalement deux statuettes pour sa photographie en noir et blanc et ses décors. On notera que le film a connu une suite tardive réalisée par Martin Scorsese en 1986 : La couleur de l’argent.
Un décès prématuré
En 1964, il réalise encore Lilith dont le tournage est émaillé de conflits avec sa star Warren Beatty. Le long-métrage est très mal reçu aux States où il connaît un échec cinglant. Même cas de figure en France avec seulement 53 241 égarés dans les salles.
Dégoûté par sa situation financière précaire et déjà malade du cœur, Robert Rossen décide d’abandonner le cinéma. Il est rapidement rattrapé par sa maladie coronarienne qui l’emporte définitivement en 1966 alors qu’il n’a que 57 ans. Robert Rossen peut donc être considéré comme une victime de plus du Maccarthysme et de cette terrible chasse aux sorcières qui a touché Hollywood dans les années 50.