Une minute pour prier, une seconde pour mourir fait partie des rares westerns spaghetti tentant de jouer la carte de l’originalité, tant sur le plan scénaristique que musical. S’il ne s’agit pas d’un grand film, il demeure une curiosité qui mérite le coup d’œil.
Synopsis : Rongé par des crises d’épilepsie qui le mettent à la merci du premier pistolero venu et menacé par des chasseurs de primes, le bandit Clay Mac Cord décide de se rendre au village de Tuscosa, afin de recevoir l’amnistie du gouverneur. Malheureusement, sa réputation le précèdera…
Critique : Avec Une minute pour prier, une seconde pour mourir Franco Giraldi réalise un virage à 180 degrés pour son ultime western. Exit la légèreté de Sugar Colt et des sept Ecossais, place à un univers absolument désespéré. Rien d’étonnant à cela puisque le script est l’œuvre de l’équipe qui avait travaillé la même année sur l’excellent Les Cruels de Corbucci. De fait, le film se caractérise par un pessimisme constant du début à la fin. A noter cependant que la version américaine a écopé d’un happy end du plus mauvais effet qui peut, en sus d’un doublage raté, expliquer l’accueil plus que réservé qu’a reçu le film outre-Atlantique.
Une minute pour prier, une seconde pour mourir est fort d’un scénario qui tente de sortir des sentiers battus
Exit les histoires de vengeance ou de chasse au trésor, le western qui nous intéresse ici se focalise sur la tentative de réinsertion dans la société d’un bandit sur le retour. En dépit de ce point de départ intéressant, le scénario peine à maintenir l’intérêt du spectateur. Cela est principalement dû à la longueur du métrage, qui s’étend sur presque deux heures. Le film s’attarde un peu trop sur les déambulations de Mac Cord, le personnage principal, qui manquent parfois de fil conducteur.
Comme d’autres héros du genre, ce dernier est entravé physiquement, car sujet à des crises d’épilepsie imprévisibles. Si de façon générale, les personnages du film sont bien écrits, de légères incohérences subsistent. Ainsi, Mac Cord semble parfois un peu trop sûr de lui alors qu’il peut avoir une attaque à n’importe quel moment, et le gouverneur campé par Robert Ryan se révèle peut-être un peu trop à l’aise à l’heure de manier les colts.
Une minute pour prier, une seconde pour mourir demeure un western marquant…
Il ne faut pas toutefois s’y méprendre, puisque l’écriture des personnages demeure l’un des atouts majeurs du film. Ces derniers sont de plus magistralement incarnés par un casting américano-européen de qualité. Du côté des têtes d’affiche américaines, Alex Cord se révèle convaincant en tant que protagoniste pour cette unique incursion dans le genre, même si Robert Ryan lui vole la vedette en gouverneur extrêmement charismatique. Enfin, Arthur Kennedy incarne avec talent un shérif pugnace. Quant aux Italiens, les inconditionnels du genre retrouveront avec bonheur Mario Brega et Nicoletta Machiavelli, tous deux impeccables dans leurs rôles de résidents de l’étrange village d’Escondido. Enfin, on retrouve des seconds couteaux espagnols bien-aimés des fans, tels Aldo Sambrell, José Manuel Martín ou Antonio Molino Rojo.
Grâce à un budget qui semble correct, Une minute pour prier, une seconde pour mourir bénéficie de lieux marquants, à l’image du dit village niché sur un massif rocheux à l’architecture délabrée, qui renforce l’atmosphère sombre du film. Comme la plupart des grands westerns spaghetti, le film prend pour cadre le mythique désert de Tabernas, en Espagne. Aiace Parolin met le tout en images avec talent. En effet, sa photographie se caractérise par un excellent travail sur les couleurs, à la faveur de beaux éclairages, même de nuit.
… qui aurait pu être un petit classique du genre
Enfin, si Giraldi fait preuve d’une certaine élégance dans ses choix de mise en scène, avec notamment de beaux cadrages et un usage du zoom maîtrisé, on peut déplorer un certain manque d’audace. De fait, à l’exception de l’excellente scène finale, le film manque cruellement des moments lyriques qui font le sel du genre. A titre d’exemple, le flashback qui met en scène la vengeance du jeune Clay se voit coupé alors qu’il est sur le point d’exterminer ses ennemis. Cela est d’autant plus dommage que la musique de Carlo Rustichelli, aux accents opératiques prononcés, se serait prêtée à merveille à une mise en scène plus excessive.
En définitive, Une minute pour prier, une seconde pour mourir est un western singulier et original, qui aurait pu devenir un petit classique. Las, il demeure un film un peu trop sage, au visionnage assez laborieux, mais suffisamment original pour se démarquer de ses concurrents à une époque où le genre connaissait son âge d’or, ce qui est déjà un petit tour de force en soi.
Critique : Kevin Martinez