Vigilante movie au discours volontiers réactionnaire, Un citoyen se rebelle est surtout un impeccable film d’action filmé pied au plancher par un Enzo G. Castellari très inspiré. De quoi en faire l’un de ses meilleurs films.
Synopsis : L’ingénieur Carlo Antonelli se fait passer à tabac par des voyous en tentant d’intervenir lors d’un braquage. Voyant que sa plainte a peu de chances d’aboutir, et que la Justice ne fait rien pour l’aider, il décide de retrouver lui-même ses agresseurs. Il infiltre alors le milieu et parvient à se faire aider par Tommy, une petite frappe.
Castellari passe au vigilante movie
Critique : Marqués par le très gros succès remporté en Italie par leur premier polar en commun intitulé Le témoin à abattre (1973), le réalisateur Enzo G. Castellari et l’acteur Franco Nero n’ont qu’une hâte : remettre le couvert avec un nouveau thriller d’action. Si les Amati père et fils ont produit le long-métrage mettant en scène les aventures du commissaire Belli interprété par Franco Nero pour le compte de leur compagnie la Fida, ils s’avèrent pingres pour fidéliser le duo choc formé par Castellari et Nero. Les deux compères décident donc de refuser la proposition des Amati et de ne pas signer la suite des pérégrinations de Belli. Ils préfèrent accepter l’offre plus rémunératrice du producteur Mario Cecchi Gori et créent ainsi un tout nouveau film.
D’ailleurs, les deux complices s’éloignent ici du traditionnel poliziottesco pour lui préférer le sous-genre du vigilante movie qui commence à envahir les écrans internationaux. En 1974 sort notamment sur les écrans un mètre-étalon du genre avec Un justicier dans la ville (Winner, 1974), mené par Charles Bronson. Si le début du film fait d’ailleurs craindre une version italienne ancrée dans un discours réactionnaire, la suite viendra nuancer quelque peu le propos, sans pour autant faire d’Un citoyen se rebelle une œuvre progressiste.
Enzo G. Castellari est profondément marqué au milieu des années 70 par le déferlement de violence qui s’abat sur l’Italie lors de ce que l’on a appelé « les années de plomb ». L’homme, plutôt situé à droite de l’échiquier politique, témoigne à sa façon de ce sentiment d’insécurité lors d’un premier quart d’heure totalement hallucinant par sa violence et son jusqu’au-boutisme. Il décrit en quelques scènes une Italie gangrenée par le crime, le tout avec un sens de l’efficacité qui nous scotche encore sur notre siège de nos jours.
Un argumentaire réactionnaire, nuancé par quelques petites touches bienvenues
Ainsi, le casse initial est d’une rare violence envers les pauvres citoyens présents dans la banque – dont Franco Nero qui tente de s’interposer pour son plus grand malheur – puis la séquence de poursuite en voiture dans la ville de Gênes est incroyable de puissance. Les cascades et évolutions ont d’ailleurs été réglées par le maître en la matière, le Français Rémy Julienne, qui se fend également d’une apparition en tant qu’acteur. Filmée pied au plancher, cette longue séquence d’action introductive laisse pantois et initie une œuvre qui va être un modèle de film d’action.
Si la suite se calme un peu, on sent Castellari toujours prompt à dégainer des scènes choc afin de marteler son message. Il reprend notamment tout un argumentaire réactionnaire en dénonçant l’inefficacité des forces de l’ordre face à des criminels sans foi ni loi. Pour parvenir à faire cesser le chaos, il faut donc que le citoyen se rebelle, comme l’annonce si bien le titre.
Toutefois, là où le film pouvait déboucher sur un simple vigilante movie à forte tendance fasciste, Un citoyen se rebelle (1974) a tout de même le mérite de nuancer quelque peu son propos. Ainsi, le citoyen incarné avec hargne par Franco Nero n’est pas un simple individu lambda puisqu’il est déjà favorable à l’autodéfense avant même d’être confronté aux malfrats qui le prennent en otage lors du casse. Idéologiquement marqué à droite, le personnage conteste immédiatement l’intervention de la police et met donc seulement en application des principes déjà ancrés en lui.
Un citoyen se rebelle est aussi une belle histoire d’amitié virile
D’ailleurs, si celui-ci permet effectivement à la police d’être plus efficace, son intervention déclenche surtout une vague de violence encore pire et il est donc aussi le véhicule de cette insécurité qu’il dénonce. Enfin, les scénaristes ont eu l’intelligence d’ajouter à ce tableau le personnage de petite frappe interprétée par Giancarlo Prete. Présenté initialement comme un malfrat dangereux à éliminer, les auteurs en font finalement l’allié du citoyen modèle, démontrant ainsi que certains petits truands sont capables de s’amender. L’histoire d’amitié virile entre ces deux hommes est d’ailleurs un autre point fort du film, permettant une identification plus aisée avec les héros.
Le thriller d’action se termine par un dernier quart d’heure démentiel situé dans un grand entrepôt esthétiquement superbe où les fusillades s’enchaînent à un rythme effréné, rappelant à quel point Castellari est décidément un maître de l’action, largement inspiré dans sa réalisation par son modèle Sam Peckinpah. Un citoyen se rebelle est donc un excellent vigilante movie – peut-être même un des meilleurs – qui bénéficie en outre d’une formidable bande sonore des frères De Angelis.
Il s’agit assurément d’un des meilleurs films de son réalisateur et malgré son succès en Italie, le long-métrage est resté curieusement inédit dans les salles françaises. Il a fallu patienter jusqu’en 2022 pour que l’éditeur Artus nous livre une édition DVD / Blu-ray d’une grande qualité. Les amateurs d’action ne doivent pas la négliger.
Critique de Virgile Dumez
Acheter le combo DVD / Blu-ray sur le site de l’éditeur
Biographies +
Franco Nero, Enzo G. Castellari, Giancarlo Prete, Franco Borelli, Nazzareno Zamperla, Barbara Bach, Rémy Julienne, Renzo Palmer