Un ange pour Satan est une œuvre gothique originale qui renouvèle le genre à une époque où il tombe en désuétude. Barbara Steele y est totalement envoûtante dans un double rôle dont elle a le secret.
Synopsis : Venue passer des vacances dans un village isolé, la jeune Harriet se retrouve possédée par l’esprit d’une statue datant de plus de deux siècles dont le modèle lui ressemble étrangement. Harriet, habituellement si douce et bonne, va devenir une femme cruelle et dépravée. Bientôt l’horreur s’abat sur le village, frappé par une série de tragédies et de morts atroces…
Une ultime incursion dans le gothique pour Mastrocinque
Critique : Alors que le cinéma gothique italien est à la mode depuis le triomphe du Masque du démon (Mario Bava, 1960) avec Barbara Steele, le genre commence à décliner au box-office local vers le milieu de la décennie, de plus en plus concurrencé par le thriller à machination qui débouchera à son tour sur le giallo. C’est pourtant durant cette phase de déclin que la petite firme Discobolo Film décide de produire Un ange pour Satan (1966).
Pour mettre en scène ce film gothique, la firme fait appel au cinéaste Camillo Mastrocinque, surtout connu comme spécialiste de la comédie à l’italienne, notamment pour le compte du comédien Totò. En matière de film horrifique, Mastrocinque n’est connu que pour La crypte du vampire (1964), film assez banal qui reprenait tous les clichés du genre sans rien lui apporter de neuf. Pourtant, deux ans plus tard, Un ange pour Satan (1966) étonne par sa capacité à s’affranchir des poncifs habituels sur de nombreux points.
Barbara Steele au sommet de son talent
Tout d’abord, le long métrage est situé dans une demeure italienne de style palazzo et non dans un château à l’allure gothique. Ensuite, l’intrigue joue sans cesse sur l’ambiguïté entre fantastique ou explication rationnelle, le tout filmé de manière assez naturaliste et épurée. Camillo Mastrocinque crée dès les premières minutes une ambiance particulière fondée sur une certaine lenteur, un noir et blanc volontairement vaporeux et une musique plutôt lyrique de Francesco De Masi qui tranche avec les compositions habituelles du genre.
© 1966 Discobolo / © 2007 Cinématographique Lyre, Damia Films / Jaquette : Benjamin Mazure. Tous droits réservés.
En revanche, le cinéaste ne déroge pas à la règle d’or en ce qui concerne l’actrice Barbara Steele, puisque celle-ci interprète deux rôles fort opposés. Certes, elle n’incarne à proprement parler qu’un seul personnage, mais qui est possédé par l’âme d’une ancêtre au caractère diamétralement différent. Mastrocinque n’a même pas besoin d’avoir recours à des effets spéciaux puisque la comédienne parvient à interpréter le changement de caractère en un seul regard. Cette prouesse est pour beaucoup dans la réussite d’Un ange pour Satan. D’abord gentille et innocente, la jeune donzelle peut tout à coup se transformer en une perverse sadique qui rappelle forcément les maîtresses SM.
Un film sur la corruption des âmes aux multiples sources littéraires
Tout l’intérêt du film vient de cette idée centrale de la corruption des hommes du village par cette femme tentatrice qui entend se venger de la gent masculine. Grâce à des mensonges et des stratagèmes, elle possède l’âme de ces hommes pour les amener à commettre des horreurs ou encore à s’entretuer. Le tout part de la découverte d’une statue qui serait maudite. Autant dire que les auteurs ont ici copié l’intrigue de La Vénus d’Ille (1837) de Prosper Mérimée en la mélangeant au Rebecca (1938) de Daphné du Maurier, ajoutant une bonne dose de sadisme comme dans le remarquable Le corps et le fouet (Mario Bava, 1963).
Le résultat donne une œuvre protéiforme qui a le grand mérite de mettre en avant davantage ses références littéraires que cinématographiques. Si le film contient bien des meurtres, des couloirs secrets et une ambiance mystérieuse, le cinéaste ne cherche jamais à faire peur et préfère approfondir la thématique de l’atavisme générationnel, tout en insistant aussi sur la sensualité débordante qui étouffe la plupart des protagonistes, tous plus ou moins frustrés sexuellement.
Un ange pour Satan, un film d’atmosphère
Grâce à un noir et blanc superbe, des décors très travaillés et une musique sensuelle, Camillo Mastrocinque signe donc un film davantage intéressé par un fantastique gothique et poétique que par l’horreur pure. Ceux qui s’attendent donc à une œuvre choc peuvent passer leur chemin puisque Camillo Mastrocinque fait preuve ici de davantage de finesse en cherchant à renouveler de l’intérieur un genre alors surexploité. Il peut s’appuyer pour cela sur des interprètes de choix comme l’excellente Barbara Steele, mais aussi sur Claudio Gora, absolument parfait en noble aux desseins plus complexes que prévu. Quant à Anthony Steffen, si son jeu est toujours faiblard, il demeure suffisant pour interpréter le rôle basique du héros dépassé par les événements.
Film intéressant qui arrive en fin de cycle, Un ange pour Satan n’a pas connu le succès en Italie et demeure d’ailleurs la dernière incursion de Barbara Steele dans le genre du cinéma gothique. En ce qui concerne la France, le long métrage serait sorti uniquement dans le sud du pays en 1967 selon le site Encyclociné, sans que l’on puisse vraiment confirmer l’information, d’autant que sa date de sortie n’est pas prouvée. On peut donc légitimement estimer que l’édition DVD / Blu-ray proposée par Artus Films en 2025 est la première occasion pour les cinéphiles français de découvrir cet ultime jalon du genre dans une copie très satisfaisante.
Critique de Virgile Dumez
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© 1966 Discobolo / © 2007 Cinématographique Lyre, Damia Films / Jaquette : Benjamin Mazure. Tous droits réservés.
Biographies +
Camillo Mastrocinque, Aldo Berti, Halina Zalewska, Mario Brega, Barbara Steele, Anthony Steffen, Vassili Karis, Marina Berti, Claudio Gora, Roberto Messina
Mots clés
Cinéma bis italien, Cinéma gothique, La manipulation au cinéma, Les doubles maléfiques au cinéma, Artus Films