Tout le monde il en a deux! (Bacchanales sexuelles) : la critique du film (1974)

Érotique | 1h46min
Note de la rédaction :
4/10
4

  • Réalisateur : Jean Rollin
  • Acteurs : Annie Belle, Joëlle Cœur, Brigitte Borghese, Marie-France Morel, Jean-Paul Hazy, Catherine Castel, Marie-Pierre Castel
  • Date de sortie: 14 Août 1974
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Tout le monde il en a deux
  • Titres alternatifs : Bacchanales sexuelles (titre cinéma) / Des putes oui... mais de Tanzanie (titre alternatif vidéo) / Les fantasmes de Malvina (titre TV) / Fly Me the French Way (titre international) / Schiave del piacere (Italie)
  • Année de production : 1974
  • Scénariste(s) : Jean Rollin, Natalie Perrey
  • Directeur de la photographie : Claude Becognée
  • Compositeur : Rex Hilton
  • Société(s) de production : Nordia Films, CTI
  • Distributeur (1ère sortie) : Avia Films, France Sud, Les Films de l'Etoile, France Nord
  • Distributeur (reprise) : Avia Films
  • Date de reprise : 2 octobre 1974 sous le titre Bacchanales sexuelles
  • Éditeur(s) vidéo : Jade Vidéo (VHS) / Vidéobox (VHS sous le titre Des putes oui mais de Tanzanie), Synapse (DVD, 2002) / Le Chat qui Fume (blu-ray et UHD 4K, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 15 juillet 2021 (blu-ray et UHD 4K)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 72 556 entrées (Paris-périphérie)
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Interdit aux moins de 16 ans
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Affiche 1974 signée : FY / Design Blu-ray : Frédéric Domont
  • Crédits : OB Films
Note des spectateurs :

Tout le monde il en a deux!, également titré Bacchanales sexuelles lors de sa première ressortie en salle, est un petit film érotique inégal dont les meilleurs moments sont constitués par les délires surréalistes obsessionnels de Jean Rollin. Pour fans hardcore du réalisateur.

Synopsis : À Paris, Valérie emménage dans l’appartement de son cousin, parti aux États-Unis pour six mois. Afin de tromper l’ennui, la jeune femme y convie son amie Sophie. Après quelques verres alcoolisés et des jeux saphiques, les deux copines s’endorment, l’esprit embrumé. Mais, dans la nuit, deux rats d’hôtel font irruption et kidnappent Sophie. L’un de ses camarades, Fred, débarque à son tour dans la demeure. Valérie et lui vont tout mettre en œuvre pour retrouver leur amie, retenue prisonnière dans le repaire de la cruelle Malvina, grande prêtresse des adorateurs de la chair fraîche !

Comment Jean Rollin est devenu Michel Gentil

Critique : Depuis la fin des années 60, le cinéaste Jean Rollin tourne des films fantastiques qui imposent un style étrange, parfois à la limite du surréalisme, et suivant les moyens engagés, de l’amateurisme. Après avoir tourné Le viol du vampire (1968) et La vampire nue (1969), il continue d’exploiter le filon vampirique mâtiné d’érotisme avec des œuvres comme Le frisson des vampires (1970) et Requiem pour un vampire (1971). Si certains de ces films connaissent un certain écho à l’étranger, ils sont de bien mauvaises affaires pour Jean Rollin qui n’arrange pas ses finances avec le très personnel La rose de fer (1973).

Bacchanales sexuelles, le chat qui fume

© 1974 OB Films / © 2021 Le Chat qui Fume ; Design : Frédéric Domont. Tous droits réservés.

Malgré une intense activité de romancier et d’éditeur, Jean Rollin s’endette fortement et doit donc se résigner à tourner des œuvres bien moins personnelles, répondant aux exigences du marché. Or, au milieu des années 70, l’érotisme s’impose comme la nouvelle poule aux œufs d’or. Peu fier de ses travaux dans le genre, Jean Rollin décide de signer ses bandes érotiques, puis pornographiques du pseudonyme de Michel Gentil. D’abord, il commence avec l’érotique Jeunes filles impudiques (1973) et poursuit dans la foulée avec ce Tout le monde il en a deux! (1974) qui a également été exploité sous le titre encore plus racoleur de Bacchanales sexuelles.

Derrière la commande, les obsessions de Jean Rollin transparaissent

Alors que le titre le plus utilisé semble orienter le métrage vers l’inoffensive comédie érotique (s’inspirant sans doute du succès de Jean Yanne Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil), Bacchanales sexuelles se veut plus offensif sur le terrain de l’érotisme chaud et tapageur. Mais étrangement, les deux dénominations collent aussi bien l’une que l’autre au long-métrage qui n’arrive jamais vraiment à choisir le genre qu’il souhaite aborder. On sent ainsi rapidement le peu d’appétence du réalisateur pour l’érotisme, la plupart des séquences chaudes apparaissant comme tournées en mode automatique pour satisfaire aux exigences du marché.

Bande-annonce de Bacchanales sexuelles

Capture d’écran bande-annonce (Le Chat qui fume) © 1974 OB Films / Affiche : signée FY. Tous droits réservés.

Par contre, Tout le monde il en a deux! a beau être signé Michel Gentil, il n’en reste pas moins un film de son auteur par une multiplicité d’indices qui sont autant de marques de fabrique. Ainsi, la simili intrigue policière qui sert de fil conducteur s’inspire directement des histoires issues des serials que Rollin affectionnait tant. Au bout d’une quinzaine de minutes, l’apparition surréaliste des sœurs jumelles Catherine Castel et Marie-Pierre Castel dans des tenues que n’auraient pas reniées Louis Feuillade ou Georges Franju plonge le long-métrage dans un autre niveau de réalité. Si les différentes séquences érotiques viennent sans cesse parasiter l’ambiance étrange du long-métrage, on reste interpellé par tous les écarts surréels que Jean Rollin convoque.

Tout le monde il en a deux promo hebdomadaires

Les archives CinéDweller © 1974 OB Films / Affiche : signée FY. Tous droits réservés.

Des actrices bien mises en valeur

Ainsi, on apprécie la description de cette société parallèle des adorateurs de la chair fraîche tenue par la sculpturale Brigitte Borghese (ici sous le pseudonyme de Britt Anders, voir notre dossier sur l’actrice). Non seulement l’actrice se révèle imposante en maîtresse femme, mais elle fascine par sa capacité à jouer au premier degré un rôle improbable. Elle est pour beaucoup dans le plaisir ressenti durant la projection, ses apparitions étant d’ailleurs fort drôles par ses mimiques.

Toutefois, elle n’est pas la seule à susciter l’intérêt puisque la jolie Joëlle Cœur parvient à séduire par son physique avenant et une diction littéraire directement issue de la Nouvelle Vague. Enfin, on remarquera aussi en toute fin de film la présence d’Annie Belle dans l’un de ses premiers emplois en victime désignée d’un sacrifice dont on n’a pas vraiment saisi le sens.

Du cinéma bis exploité sous deux titres différents pour relancer sa carrière

Tourné dans le propre appartement de Jean Rollin et dans une belle demeure de la région parisienne, Tout le monde il en a deux! (1974) est un pur film bis qui ne séduira que les fans hardcore du réalisateur, mais qui n’est en tout cas pas dénué d’intérêt puisqu’on y retrouve certaines thématiques chères au cinéaste. Enfin, les séquences érotiques sont certes inégales et parfois d’un goût douteux, mais témoignent aussi d’une vision du sexe plutôt festive et joyeuse, ce qui a été confirmé depuis par des entretiens avec les actrices qui ont toutes souligné l’excellente ambiance des tournages et la gentillesse de Jean Rollin.

Sorti dans les salles françaises au mois d’août 1974 sous le titre Tout le monde il en a deux!, le long-métrage a été diffusé dans sept salles (Axis, Cinévog St-Lazare, Vedettes, Casino St-Martin, Ciné Nord, La Bastille et La Gaîté). Le film a ainsi attiré 15 518 curieux sa semaine d’investiture, pour en ajouter 7 419 de plus en deuxième semaine. A la fin de son exploitation, le film réalise une belle performance (72 556 entrées sur Paris-périphérie).

Des putes oui, mais de Tanzanie, affiche Exclusivité CinéDweller

Les archives CinéDweller © 1974 OB Films / Affiche : signée FY. Tous droits réservés.

Une belle exploitation vidéo et un retour aujourd’hui en ultra HD

Toutefois, son distributeur décide de relancer sa carrière en le sortant à nouveau le 2 octobre 1974 sous un nouveau titre : Bacchanales sexuelles. dans quatre cinémas, dont le Midi Minuit. Le métrage est donc présent sur les écrans parisiens jusqu’à la fin de l’année et devient l’une des meilleures affaires de son producteur Lionel Wallmann. Ce beau parcours est confirmé par la publication en ciné-roman en 1978 sous le titre Les bacchanales dans le magazine Éros Spectacle n°4. Enfin, le long a été exploité à plusieurs reprises en VHS, sous des titres parfois improbables comme Des putes oui… mais de Tanzanie ! Les VHS sont rares et les éditeurs, J.A.D.E. ou Vidéobox, n’auront pas laissé d’empreinte.

Face à ce joli succès financier, Jean Rollin allait devoir revoir ses exigences à la hausse, succombant comme beaucoup à l’appel du cinéma X. Ressuscité par l’éditeur Le Chat qui Fume, Tout le monde il en a deux! est réapparu en UHD 4K sous le titre Bacchanales sexuelles, doté d’une copie très joliment restaurée et de suppléments qui s’occupent surtout du versant intellectuel de l’œuvre de Rollin et non de sa carrière plus souterraine dans l’exploitation. Le collector est épuisé, mais l’éditeur propose depuis octobre 2021, le film en coffret amaray un disque. Tout le monde il en a deux! avait fait une première apparition en DVD chez Synapse en 2002…

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 14 août 1974

Acheter le film en blu-ray et UHD 4K sur le site de l’éditeur

Voir la bande-annonce ici

© 1974 OB Films / Affiche : signée FY. Tous droits réservés.

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