Décidément adepte des tragédies familiales, Florian Zeller signe avec The Son un nouveau drame poignant après l’impeccable The Father. Le film bénéficie d’une écriture ciselée et d’acteurs au diapason.
Synopsis : Nicholas, âgé de 17 ans, n’est plus le garçon souriant qu’il était avant. Alors qu’il ne va même plus en cours, sa mère Kate est désemparée. Il va alors demander d’aller vivre chez son père, Peter. Ce dernier va tenter de redonner le goût de vivre à son fils.
The Son, le retour aux affaires de Florian Zeller après The Father
Critique : Après la très belle réception de l’adaptation cinéma de sa pièce sur la sénilité intitulée The Father (2020) qui a tout de même raflé deux Oscars pour le meilleur scénario et pour le meilleur acteur afin de célébrer la prestation extraordinaire d’Anthony Hopkins, Florian Zeller poursuit dans l’exploitation de son œuvre de dramaturge avec The Son. Malgré un titre qui fait écho à son premier film et la présence le temps d’une scène de sir Hopkins, ce nouveau long-métrage n’entretient aucun rapport avec le précédent, si ce n’est un goût prononcé pour le tragique de l’existence.
Cette fois-ci, Florian Zeller quitte les angoisses de la vieillesse pour celles de l’adolescence. Ainsi, il suit ici la lente dérive vers la dépression du jeune Nicholas – excellent Zen McGrath qui est une belle découverte de la part du réalisateur – tout en adoptant le point de vue des deux parents séparés interprétés par Hugh Jackman et Laura Dern. De manière très intelligente, Zeller s’est refusé à donner une explication simple et univoque de l’état dépressif de l’ado suicidaire. Il s’agit ici d’un mal-être intégral que les parents n’expliquent pas, qui dépasse la compétence des psychiatres et déborde même le jeune homme lui-même.
De la difficulté d’être au monde
Bien entendu, le cinéaste offre quelques pistes de réflexion, comme l’impact néfaste sur le gamin du divorce de ses parents et la fracture psychologique qui s’en est suivie. Pour autant, cela ne suffit aucunement à expliquer la totalité du ressenti de cet être qui ne parvient jamais à s’épanouir dans la vie, comme en complet décalage avec son environnement et ses congénères. Là où The Father entrait littéralement dans la tête perturbée de son protagoniste malade, The Son reste volontairement extérieur au personnage de l’adolescent en souffrance, dont on ne comprend jamais les motivations. En revanche, Florian Zeller adopte le point de vue des deux parents qui se trouvent désemparés face au malheur qui frappe leur rejeton tant aimé. Le spectateur est invité à partager leurs hésitations, leur envie de bien faire et leurs dérapages face à une situation qu’ils ne contrôlent absolument pas.
Zen McGrath, dans The Son : © 2022 Film4 Productions, See-Saw Films, Ingenious Film Partners, Embankment Films et Orange Studio / Photographie : Jessica Koukounis. Tous droits réservés.
Alors que tous les personnages font des efforts pour tirer le gamin vers le haut, celui-ci ne cesse de s’enfoncer vers la dépression, au point d’ailleurs de mettre mal à l’aise le spectateur qui a également envie de le brusquer pour qu’il réagisse. Du côté des parents, on ressent leur désarroi à chaque seconde, ainsi que le questionnement terrible qui ne cesse de les marteler : qu’est-ce que l’on a fait de mal durant la croissance de cet être originellement solaire pour qu’il devienne si sombre ?
The Son, un grand mélodrame magistralement écrit
Ecrit à nouveau avec l’aide du scénariste Christopher Hampton (à qui l’on doit déjà des œuvres magnifiques comme Les liaisons dangereuses de Stephen Frears, Carrington de lui-même et justement The Father de Zeller), ce drame familial aux faux airs de mélodrame évolue progressivement vers la tragédie. Renouant avec un final proche de celui de The Father, Florian Zeller fait intervenir des éléments fantastiques qui ne peuvent que bouleverser le spectateur. Le long-métrage se termine par ailleurs sur une image terriblement poignante qui devrait rester longtemps en mémoire.
Réussissant une fois de plus à déjouer le travers potentiel du théâtre filmé, Florian Zeller confirme sa capacité à exposer au grand jour les failles et les abîmes du cœur humain, comme a pu le faire autrefois un auteur de l’importance de Tennessee Williams. Si l’on cherche une référence davantage cinématographique, on pense également à plusieurs reprises au très beau drame sur la drogue My Beautiful Boy (van Groeningen, 2018) où Steve Carell tentait de sauver son fils incarné par Thimothée Chalamet d’une terrible addiction. Signalons enfin la partition discrète, mais efficace d’Hans Zimmer qui livre une musique douce et éthérée dans le style d’un certain Max Richter.
The Son est donc un nouveau coup d’éclat pour Florian Zeller qui confirme ici son talent, aidé par des acteurs au diapason, dont un Hugh Jackman plus sensible que jamais. A découvrir d’urgence, tout en prévoyant des mouchoirs.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 1er mars 2023
© 2022 Film4 Productions, See-Saw Films, Ingenious Film Partners, Embankment Films et Orange Studio / Affiche : Couramiau. Tous droits réservés.
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Florian Zeller, Laura Dern, Hugh Jackman, Anthony Hopkins, Vanessa Kirby, Zen McGrath
Mots clés
Les drames de l’adolescence au cinéma, La dépression au cinéma, Relation père-fils au cinéma