Voyage géographique autant qu’intérieur, Sur les chemins noirs bénéficie de la prestation remarquable de Jean Dujardin dans un ensemble plus décevant sur le plan formel. Dispensable.
Synopsis : Un soir d’ivresse, Pierre, écrivain explorateur, fait une chute de plusieurs étages. Cet accident le plonge dans un coma profond. Sur son lit d’hôpital, revenu à la vie, il se fait la promesse de traverser la France à pied du Mercantour au Cotentin. Un voyage unique et hors du temps à la rencontre de l’hyper-ruralité, de la beauté de la France et de la renaissance de soi.
Un tournage en pleine nature en équipe réduite
Critique : Grand amateur des livres de l’explorateur et baroudeur Sylvain Tesson, le cinéaste Denis Imbert (Mystère, en 2021) a souhaité adapter pour le cinéma Sur les chemins noirs, récit publié en 2016. Pour cela, il a fait appel à Diastème pour écrire la structure du script, tandis que lui-même a contribué à l’adaptation en créant des flashbacks explicatifs. Marqué par l’épreuve du confinement, Denis Imbert a souhaité tourner en pleine nature, en suivant précisément le chemin emprunté par Sylvain Tesson lors de son escapade à pied à travers la France de la diagonale du vide.
Entre les mois de septembre et novembre 2021, Denis Imbert a donc suivi les pas de l’acteur Jean Dujardin, avec une équipe réduite à une dizaine de personnes, le tout pour un budget plutôt contraint avoisinant les quatre millions d’euros. Cette volonté de ne surtout pas dévier du parcours de Sylvain Tesson offre un point de vue quasiment documentaire sur cette épopée personnelle, mais implique un certain manque de majesté dans la réalisation. Ne disposant pas de travellings ou d’appareils sophistiqués, Denis Imbert a filmé cette aventure sans aucune fioriture, au risque de frustrer les amateurs de belles images.
Voix off et flashbacks viennent briser la contemplation
Ainsi, Sur les chemins noirs est bien le récit d’un homme en fuite qui tente de se noyer dans le paysage afin de mieux s’y trouver. Alors qu’il sort tout juste d’un grave accident, Pierre, incarné avec charisme par Jean Dujardin, se lance un défi, lui qui a conçu sa carrière littéraire sur la relation précise de ses voyages. Il doit se prouver qu’il peut encore s’affranchir de la société pour évoluer seul en pleine nature sauvage. Bien entendu, Pierre n’est autre que Sylvain Tesson, même si de nombreux éléments ont été inventés par les scénaristes pour les besoins de la narration. D’ailleurs, ce sont ces scènes explicatives qui fonctionnent le moins dans un drame empesé par l’emploi d’une voix off trop présente et de flashbacks parfois maladroits.
© 2023 Radar Films, La Production Dujardin, TF1 Studio, Apollo Films, Echo Studio, France 3 Cinéma, Auvergne Rhône-Alpes Cinéma / Photographie : Thomas Goisque. Tous droits réservés.
Personnage assez peu aimable, Pierre ne semble guère se soucier de ses proches et opte donc pour la fuite constante. Sa vie lui appartient totalement et il sacrifie tout à cette liberté qui lui est chère. En rupture avec la modernité, le protagoniste traverse une France que l’on montre relativement peu au cinéma, celle des grands espaces encore naturels, mais aussi des villages désertés par les services publics. Par la voix off, le personnage peut donc délivrer quelques pensées le rattachant au courant passéiste très en vogue en ce moment. Sur les chemins noirs n’évite donc pas l’écueil du film estampillé « vieille France », avec la valorisation de ses villages, de sa ruralité et de ses églises.
Des personnages secondaires qui peinent à exister
Pas toujours passionnant, le récit souffre de l’écriture un peu superficielle des protagonistes secondaires. La plupart des acteurs venus pour l’occasion n’ont qu’une ou deux scènes pour faire vivre leur personnage. Cela fonctionne plutôt bien dans les cas de Dylan Robert ou de Jonathan Zaccaï, mais ce sont surtout les actrices qui semblent mal servies par un script trop sommaire. En fait, Sur les chemins noirs se regarde surtout grâce à la prestation impeccable de Jean Dujardin. De tous les plans, la star parvient à faire passer beaucoup de choses en seulement quelques regards. Il est également formidable lorsqu’il laisse enfin éclater son émotion, généralement lors des moments d’intense solitude – ce qui n’est pas vu comme négatif par le protagoniste.
Film inégal car pas forcément abouti, Sur les chemins noirs a pourtant su séduire le public provincial. Après avoir été présenté en avant-première un peu partout en France, glanant déjà 71 752 entrées avant même sa sortie officielle, le road-movie pédestre crée la surprise dès son premier jour d’exploitation avec un total cumulé de 114 247 randonneurs. En seulement une semaine, le film atteint déjà 438 142 entrées, soit autant que le film précédent du cinéaste sur toute sa carrière.
Un succès essentiellement provincial
On notera que le ratio Paris-Province est très important, réactivant donc un clivage assez fréquent sur ce type de divertissement peu apprécié dans la capitale. Les semaines suivantes voient une chute régulière des entrées, mais dans une mesure raisonnable, preuve d’un bouche à oreille correct. En un mois, Sur les chemins noirs est déjà aux portes du million de marcheurs, barre symbolique qu’il franchit au début du mois de mai. Pour finir, le road-movie a emporté dans ses bagages 1 044 512 voyageurs nostalgiques de la France éternelle. Il s’agit assurément d’un beau succès au vu du budget restreint du long métrage.
On peut donc être étonné de l’absence de blu-ray lors de la sortie vidéo du film au mois d’août. Sur support physique, il n’est donc accessible qu’en DVD. Pour les amateurs de HD, il faut donc impérativement se tourner vers la VOD.
Critique de Virgile Dumez
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© 2023 Radar Films, La Production Dujardin, TF1 Studio, Apollo Films, Echo Studio, France 3 Cinéma, Auvergne Rhône-Alpes Cinéma / Affiche : Thomas Goisque (photos). Tous droits réservés.
Biographies +
Denis Imbert, Joséphine Japy, Jean Dujardin, Marie-Christine Barrault, Anny Duperey, Céline Toutain, Izïa Higelin, Jonathan Zaccaï, Dylan Robert
Mots clés
Cinéma français, Le voyage au cinéma, La montagne au cinéma, Les succès de 2023