Seuls les anges ont des ailes : la critique du film et le test blu-ray (1939)

Comédie dramatique, Aventures | 2h01min
Note de la rédaction :
8/10
8
Seuls les anges ont des ailes d'Howard Hawks, photo

  • Réalisateur : Howard Hawks
  • Acteurs : Noah Beery, Rita Hayworth, Cary Grant, Jean Arthur, Richard Barthelmess
  • Date de sortie: 21 Juin 1939
  • Année de production : 1938
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : Only Angels Have Wings
  • Titres alternatifs : Sólo los ángeles tienen alas (Mexique, Espagne...), Paraíso Infernal (Brésil, Portugal), Endast änglar har vingar (Suède), Avventurieri dell'aria (Italie), Flugpioniere in Not/SOS Feuer an Bord (Allemagne de l'Ouest/Autriche), Doar îngerii au aripi (Roumain), Kondoru (Japon)
  • Scénariste : Jules Furthman
  • D'après l'histoire de : Howard Hawks (Plane from Barranca)
  • Directeur de la photographie : Joseph Walker
  • Monteur : Viola Lawrence
  • Compositeur : Dimitri Tiomkin
  • Sociétés de production : Columbia Pictures
  • Distributeur : Columbia Films S.A. (France), Columbia Pictures (Etats-Unis)
  • Distributeur reprise : Action Gitane (2002), Park Circus (2016)
  • Date de sortie reprise : 23 janvier 2002, 20 janvier 2016
  • Editeur vidéo : Sony Pictures (DVD), Wild Side Vidéo (Digibook, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 9 juillet 2005 (DVD), 7 juillet 2021 (Digibook : blu-ray, DVD + livre)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : Inconnu
  • Box-office USA / Monde Inconnu
  • Budget : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.37 : 1 / Noir et blanc (35mm) / Mono
  • Festivals et récompenses : 1 nomination aux Oscars (Meilleurs effets spéciaux) - Sélection à Cannes 1939 (festival annulé en raison de la guerre)
  • Illustrateur / Création graphique : © Les Aliens.Com Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 1939 renouvelé 1967 Columbia Pictures Industries. Tous droits réservés.Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Seuls les anges ont des ailes, classique du septième art, démontre une fois encore la maestria de Howard Hawks, pilote majeur d’une industrie sous son contrôle.

Synopsis : En escale à Barranca, petit port bananier d’Amérique du Sud, Bonnie Lee rencontre les pilotes de l’équipe aéropostale de ce lieu hors du temps, où l’on meurt comme on vit : avec bravoure. D’emblée, l’artiste new-yorkaise est subjuguée par le séduisant et intrépide Geoff Carter, qui dirige la compagnie et n’est pas le genre d’homme à laisser des sentiments interférer dans ses missions et dans son monde, où le danger est omniprésent et où tout peut basculer en un instant, au gré du hasard et des tempêtes…

Le cinéma d’aviation à Hollywood : Hawks, Hugues et les autres

Critique : A quelques rares exceptions près (Top Gun, 1986), les films d’aviateur sont considérés comme désuets à notre époque qui se rêve par delà les étoiles. L’aviation contemporaine n’est plus vraiment à hauteur d’homme, mais plutôt d’enjeux industriels et technologiques qui le dépassent. Le thriller de Yann Gozlan, Boîte noire le prouve avec brio.

Dans la première moitié du siècle dernier et même au-delà (le premier long métrage de Richard Donner avec Charles Bronson, X-15, en 1961, abordait justement le thème de l’aviation et des technologies nouvelles), l’aviateur était une figure récurrente et bien-aimée des spectateurs, y compris en France. Il était le reflet des glorieux exploits durant la guerre, le parangon de l’aventurier charismatique, d’une virilité éloquente, celle du chevalier des temps modernes en proie à la nostalgie ou au chaos.

Cary Grant et Jean Arthur dans Seuls les anges ont des ailes

Cary Grant et Jean Arthur dans Seuls les anges ont des ailes © 1939 renouvelé 1967 Columbia Pictures Industries. Tous droits réservés.

C’était vrai à la fin des années 1920 et dans les années 30. Martin Scorsese, cinéphile et historien du cinéma avant d’être réalisateur, avait signé le biopic Aviator (2004), qui démontrait la passion de Howard Hugues, le fameux millionnaire, producteur, réalisateur, mais surtout personnalité des voyages célestes, dont les épopées réelles faisaient chavirer d’envie le tout-Hollywood.

Parmi les deux films que Hugues réalisa, l’impressionnant Hell’s Angels (Les anges de l’enfer) voit le nabab réaliser certaines des cascades aériennes lui-même. Howard Hawks, qui vient quant à lui de réaliser le classique aérien La patrouille de l’aube, avec la star des années 20 Richard Barthelmess, collabora avec Hugues sur Scarface (1932), ce dernier en étant l’un des producteurs. L’occasion est donnée d’évoquer leur passion commune, puisque Hawks lui-même avait été pilote dans les forces aériennes durant la Première Guerre mondiale et avait réalisé bien des prouesses aux commandes d’avion dans La patrouille de l’aube. Il avait surtout perdu son jeune frère, Kenneth Hawks, alors jeune réalisateur lui-même, qui décède en 1930 lors du tournage de scènes aériennes de Sa plus belle vengeance.

Un amour qui vole

Cary Grant, héros plus terre-à-terre, admiratif des exploits aériens de Hugues, dont il est ami, et qui vient de tourner L’impossible Monsieur Bébé pour Howard Hawks (1938), une comédie exquise avec Katharine Hepburn, devient à la fin de la décennie le personnage peu ordinaire de Seuls les anges ont des ailes, l’année suivante. Le classique marque le retour de Howard Hawks au firmament d’un cinéma qui vrille et saisit par l’intensité des destins hors norme qui sont décrits, après Brumes, en 1936. Pour Cary Grant, l’enjeu est de taille, puisqu’il lui faut se saisir de l’étoffe des héros et abandonner son carcan d’acteur fantaisiste. Sa virilité affichée n’est pas toujours à la hauteur des grands acteurs du genre, mais apporte une fraîcheur au rôle qui s’ouvre à la romance malmenée, à la complicité et aux enjeux dramatiques et humains que requiert l’environnement tout en relief du film.

Seuls les anges ont des ailes lové dans des décors inoubliables

Tiré d’une idée de Hawks, Seuls les anges ont des ailes nous situe hors des contrées connues, dans un environnement rocheux et accidenté, éloigné du monde, rattaché à la civilisation par l’avion et le fret maritime, puisque l’on se situe dans le port de Barranca, au Pérou. Les premières séquences qui, à l’instar de tout le film, ont été tournées en studio, montrent un cadre d’aventures de l’autre bout du monde, exotique et clôt. Toute la magie des studios.

Les décors fabuleux en photo de Seuls les anges ont des ailes

© 1939 renouvelé 1967 Columbia Pictures Industries. Tous droits réservés.

Quelques âmes perdues viennent s’y perdre, comme le personnage de Jean Arthur, au jeu glamour un peu lisse, que Hawks ne parviendra jamais à pousser dans ses retranchements. Peu importe, elle offre accidentellement un charme certain au film faute d’être plus sexuée ou fatale.

Des parcours abîmés et tragiques

Mais ce monde imbibé de fraternité abîme. Dans les seconds rôles, Howard Hawks engage un acteur qu’il connaît bien, puisqu’il l’avait dirigé en qualité de star, en 1930, sur La patrouille de l’aube. Il l’emploie cette fois-ci pour son visage légèrement balafré. Richard Barthelmess, désormais en fin de carrière, venait de subir une opération chirurgicale difficile au visage, avec des séquelles visible. Sa gueule sied bien au caractère rugueux de cet environnement où chaque âme paumée est plus ou moins en quête de rédemption. Tout comme Rita Hayworth, future diva hollywoodienne, qui, grâce à ce film, prend son destin en main pour devenir une star de premier plan. Elle incarne l’ex-compagne de l’insaisissable antihéros qui préfère l’amour en l’air, ou plutôt l’excitation du risque que la compagnie d’une seule femme. Dans un arrière-plan de figures masculines et féminines nombreuses, la beauté immense de Rita Hayworth voue l’œuvre au septième ciel.

Jean Arthur dans Seuls les anges ont des ailes

© 1939 renouvelé 1967 Columbia Pictures Industries. Tous droits réservés.

Il est difficile de ne pas se laisser happer par ce microcosme hors de tout, dans laquelle une ruche d’aventuriers du fret aérien papillonne et livre, par temps de tempêtes, à leurs risques et périls, courrier et autres marchandises. La tragédie plane au-dessus de leurs têtes, et l’une des scènes d’accident les plus impressionnantes manifeste, tout en maquette, dans le premier quart du film, la maestria de Hawks réalisateur qui ne connaît ce monde et ces drames humains que trop bien. L’arrière-plan personnel, voire autobiographique, donne du cachet à la scène et joue sur la psychologie d’hommes qui prennent les coups en silence, intériorisent le deuil et s’enivrent de plaisirs, comme pour évacuer leur propre destin qui surviendra, pour certains, sur la fin.

Un cinéma de maestria

Howard Hawks le passionné, le tempétueux, le fougueux, le talentueux, témoigne de bien des qualificatifs aux commandes de cette œuvre somptueuse, aux genres délicieusement brassés. Sorti lors d’une année exceptionnelle qualitativement dans l’histoire du cinéma Seuls les anges ont des ailes ne put se retrouver sélectionné aux Oscars malgré de belles critiques. En revanche, pour Cannes, il aurait dû faire partie de la première compétition en septembre 1939, mais l’Histoire de l’Europe en décida autrement.

Indubitablement, Seuls les anges ont des ailes est une œuvre à redécouvrir pour se plonger dans son univers qui se déploie désormais dans une restauration 4K absolument somptueuse.

Sorties de la semaine du 21 juin 1939

Seuls les anges ont des ailes d'Howard Hawks, photo

© 1939 renouvelé 1967 Columbia Pictures Industries. Tous droits réservés.

Le test Blu-ray

En parant Seuls les anges ont des ailes d’une édition Médiabook, avec le traitement combo Livre+DVD+Blu-ray, l’équipe de Wild Side démontre une cinéphilie très fine, puisque le projet est aussi important que prestigieux. Le film date de 1939 et il est remarquable. Le choix de l’équipe du Chat sauvage est d’autant plus louable. 

Compléments & packaging : 4.5 / 5

Ce sont les Aliens.com qui ont participé au design élégant du médiabook. L’objet est beau ; il a de l’allure et se range pour les collectionneurs avec les autres titres similaires de l’éditeur. On en retrouve aussi l’épaisseur. Le carton est solide et agréable à manipuler. Il fait partie de ces collections que l’on se surprend à sortir pour les regarder. Et puis, il y a l’ouvrage : 50 pages. C’est Doug Headline, réalisateur de Brocéliande, certes, mais surtout journaliste mythique dans les années 80 (il a cofondé Starfix) et historien du cinéma, qui évoque la conception du film, sa genèse, dans un contexte hollywoodien important, puisqu’il revient de façon claire sur les modes de l’époque, le cinéma de Hawks, sa relation aux acteurs et la réception critique du film. Cela se lit passionnément. La partie écrite occupe 16 pages, le reste étant constitué d’innombrables photographies d’archives, magnifiquement restaurées. Pour les amoureux de l’âge d’or de Hollywood, du glamour… La quantité de photographie impressionne et rappelle une époque où les fans devaient débourser beaucoup juste pour avoir une photo d’un artiste comme Cary Grant en papier glacé. Bref, un vrai collector.

Scénographie du blu-ray-dvd collector de Seuls les anges ont des ailes

Design : Les Aliens.Com – Film : © 1939 renouvelé 1967 Columbia Pictures Industries. Tous droits réservés.

Contrairement aux ouvrages de Wild Side précédents, ce livret compte seulement une affiche et ne fait pas le tour des nombreux visuels promotionnels d’époque. Un manque, sûrement. Ces élément nous font toujours craquer et complètent la singularisation de l’objet.

Concernant les bonus audiovisuels, c’est Noël Simsolo, impressionnant par sa carrière, son savoir et son éloquence, qui fait état de ses connaissances sur le cinéaste. Il parle magnifiquement de Hawks et du film durant un entretien qui a été coupé en deux.

  • Orgueil et indépendance, un portrait de Howard Hawks à travers son œuvre (31 min). Bien plus intéressante et vivante qu’une page Wikipédia, ce bonus développe le caractère de Howard Hawks bien au-delà de Seuls les anges ont des ailes qui lui, fait l’objet du second document audiovisuel.
  • Les Invalides, analyse du film (22 min).

L’entretien, dans sa globalité est érudit, fin, et tellement loin des préoccupations cinéphiliques contemporaines que l’on écoute pour apprendre et comparer sa vision du film avec la notre. En fait, on s’en délecte.

Wild Side Vidéo : les films de l'éditeur

Droits et conception graphique du logo Wild Side Vidéo

Image : 4.5 / 5

Pour une œuvre de 1939, la restauration 4K est forcément une nécessité. Elle a été commandée par Sony, qui possède le catalogue de la Columbia depuis plusieurs décennies, dans les années 2010. On attendait de retrouver cette copie sur format physique en France, puisqu’elle avait fait l’objet d’une ressortie en salle en 2016 via Park Circus, pourvoyeur mondial de films du patrimoine.

En dehors de quelques plans d’ouverture plus flous, la copie est radieuse, d’un noir et blanc propre, d’une image stable. La lumière et le contraste sont calibrés pour s’assurer une parfaite appréhension des détails. Or, cette œuvre généreuse en décors méritait pareil traitement.

Son : 4 / 5

On évacuera la piste française dont le seul intérêt est de flirter avec la nostalgie du doublage et des voix que certains ont pu connaître à la télévision ou lors de reprises. Son niveau est qualitativement faible, avec des ajustements nombreux qui auraient nécessiter un travail coûteux que l’on ne peut évidemment pas attendre de la part de l’éditeur. Seule la version originale nous importe, puisque révélatrice du vrai jeu des acteurs, d’autant que certains, y compris le réalisateur, venaient du muet et donc connaissaient l’importance du jeu vocal.

Au niveau de la VOSTF en 2.0 DTS HD Master, la stabilité de la partition musicale et de la piste vocale mérite tout notre respect. C’est propre et cela délivre même une certaine richesse lors des scènes de bar forcément plus bruyantes. Rien n’agresse l’oreille ou ne nécessite un effort particulier pour s’approprier les dialogues.

C’est de la belle ouvrage.

Frédéric Mignard

Le site de l’éditeur

Seuls les anges ont des ailes, blu-ray collector Wild Side (jaquette 2021)

Design : Les Aliens.Com Film : © 1939 renouvelé 1967 Columbia Pictures Industries. Tous droits réservés.

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Seuls les anges ont des ailes d'Howard Hawks, photo

Extrait du film Seuls les anges ont des ailes

Comédie dramatique, Aventures

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