Un démarrage abrupt, une fin tragique… Selon la police nous plonge au plus près des états d’âme de la maison Poulaga.
Synopsis : Un matin, un flic de terrain usé jusqu’à la corde, que tous dans son commissariat appellent Ping-Pong, brûle sa carte de police et disparaît sans prévenir.
Durant un jour et une nuit, ses collègues le cherchent, le croisent et le perdent dans Toulouse et sa banlieue. Mais chaque heure qui passe rapproche un peu plus Ping-Pong de son destin.
Critique : Longtemps, la population a plébiscité le travail de la police. Force est de constater que depuis plusieurs années, les relations s’obscurcissent entre le peuple et les forces de l’ordre qui elles-mêmes dénoncent de plus en plus souvent un malaise grandissant et une insécurité permanente.
Quelle vision de la police?
L’uniformisation des fonctionnaires transformés en une masse sans âme, le mauvais recrutement, une formation aléatoire, le manque de coordination entre police et justice, la politique du chiffre instituée par Nicolas Sarkozy et jamais remise en question par les gouvernements suivants, autant de facteurs qui ont peu à peu érodé la confiance vis à vis d’un service public toujours plus prompt à servir la cause de l’Etat et de la coercition sociale qu’à protéger le citoyen.
En décrivant le délitement d’un corps social dont la fonction initiale a été détournée au profit de la répression étatique, le réalisateur Frédéric Videau dresse l’état d’un pays désormais rangé dans la catégorie des « démocraties imparfaites ».
Témoignage artistique de notre société de chaos
Les plans peu explicites d’un flic débonnaire ? désabusé ? énigmatique dans tous les cas, puis ceux d’une jeune stagiaire vertement tancée par un collègue particulièrement agressif, perdus au cœur d’une mise en scène désordonnée créent tout d’abord un sentiment d’incompréhension, voire de rejet. Quelques instants de patience et il devient admissible que ce ton délibérément perturbant est avant tout destiné à se faire l’écho d’une société de haine et de division que le récit s’évertue à porter peu à peu vers l’espoir.
Avec pour fil conducteur la perte de repères d’un flic à l’ancienne, déchu de sa mission de régulateur social, le film suit le quotidien de cinq policiers, hommes ou femmes, novices ou expérimentés. Chacun d’entre eux dévoile sa capacité à s’approprier (ou non) les méthodes d’un système délétère selon son adhésion à la soumission, son sens de l’éthique ou sa propension à se mettre au service d’autrui.
Des policiers, réceptacles de toutes les misères
Aux décors froids et aseptisés du commissariat s’oppose la demande d’assistance et d’écoute d’une population délaissée, à cette violence de policiers mal cadrés se heurte la vocation sincère d’une jeune femme qui, par peur d’être rejetée, cache à son entourage le choix de ce métier de service devenu impopulaire. Autant de nuances pour ce film qui, en passant du drame au sarcasme, de la brutalité à l’émotion, parvient à rendre compte sans parti-pris d’une réalité de terrain. Un subtil jeu d’équilibre porté par un casting remarquablement varié. La silhouette réconfortante de Patrick d’Assumçao et son jeu tout en retenue se superposent à la bonne volonté touchante de la jeune Zineb à qui Sofia Lesaffre offre fragilité et détermination. Alban Lenoir, Simon Abkarian et Emile Berling incarnent avec une conviction redoutable ces êtres, ni tout à fait héros, ni tout à fait salauds, condamnés à n’être que le réceptacle de toutes les misères, tandis que le regretté Jean-François Stévenin délivre, lors d’une scène courte mais marquante, la dernière touche d’humanité.
Selon la police pose une réalité du terrain complexe
Dans le journal de la République du 26 janvier 1879, on pouvait déjà lire : La police de la République doit désormais s’inspirer, comme tous les services publics, du seul intérêt de la justice. Preuve que si la confiscation d’une fonction citoyenne à des fins politiques, dans quelque domaine que ce soit, est réelle, elle n’est pas récente. Il n’empêche que les crises successives qui secouent nos sociétés modernes indiquent qu’il est urgent que les citoyens s’en emparent pour espérer inverser le cours des choses.
Les sorties de la semaine du 23 février 2022
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