Comédie sympathique de bout en bout, Quand tu seras débloqué… Fais-moi signe ! est avant tout une peinture gentiment acide des expériences communautaires post-mai 68. La comédie de mœurs fonctionne plutôt bien, portée par un casting impeccable.
Synopsis : Antoine quitte son quotidien bien conformiste pour intégrer, le temps des vacances, une communauté très libérée. Il doit alors apprendre à se “débloquer” et à laisser de côté ses tabous bourgeois…
Un regard sociologique sur les utopies des années 70
Critique : Au début des années 80, Martin Lamotte et Philippe Bruneau collaborent à plusieurs reprises, notamment pour des sketchs à la télévision dans le cadre des émissions très populaires de Stéphane Collaro. Ils rédigent également ensemble le script des Babas-cool qui cherche à faire le bilan des années de vie communautaire post-soixantuitarde. Effectivement, si mai 68 paraît déjà loin dans les consciences, il faut rappeler que de nombreuses communautés autarciques survivaient encore au début d’une décennie qui verra triompher le capitalisme sur le plan mondial.
Ayant abordé le microcosme parisien dans Je vais craquer (1980), adaptation d’une bande dessinée de Gérard Lauzier, le cinéaste François Leterrier approfondit ici ses liens avec les anciens membres du Splendid et du café-théâtre. Il se penche donc sur une autre catégorie de la population, plus marginale, et se livre à nouveau à un portrait sociologique qui est autant une comédie qu’une étude de mœurs. Avec Les babas cool, les auteurs pratiquent une sorte d’audit du système communautaire mis en exergue par les hippies durant les années 70.
Un univers singulier gentiment moqué
Afin de guider le spectateur dans cet univers inconnu, les scénaristes ont eu recours au personnage néophyte incarné par Christian Clavier qui va découvrir un monde qu’il ne soupçonnait pas. Loin des grandes villes et des circuits commerciaux traditionnels, des idéalistes ont cherché à mettre en pratique un retour à la nature, en rupture avec les normes de la société bourgeoise et du capitalisme. Comme le personnage incarné par Clavier, le grand public a surtout retenu de ces expériences la libération sexuelle et l’idée de jouir sans entrave. Caricature facile qui fait oublier toutes les autres tentatives visant à bouleverser le rapport de l’homme avec la production et le travail.
Si les auteurs charrient bien évidemment les différents personnages afin de livrer un spectacle amusant, on notera toutefois que le long-métrage reste globalement respectueux des différents protagonistes. Certes, les auteurs appuient là où cela fait mal puisque l’on découvre que cette communauté survit essentiellement par la fortune personnelle d’un de ses membres et non par son travail agricole. Ensuite, la fameuse liberté sexuelle n’est pas si évidente à gérer et crée de nombreuses tensions qui donnent lieu aux scènes les plus amusantes du film. Enfin, l’impact de la communauté sur son environnement social immédiat est quasiment négligeable puisque leur participation à des manifestations ne sert la plupart du temps à rien et leur volonté de se rapprocher du peuple se fait généralement sans la participation de la population locale qui les regarde avec curiosité et moquerie.
Des personnages sympas incarnés par une troupe d’acteurs à l’alchimie parfaite
Malgré ce constat d’échec patent – qui explique en grande partie la dislocation progressive de ces îlots au cours des années 80 – le film ne fait qu’égratigner des personnages qui demeurent toujours sympathiques, jusque dans leurs travers. Ainsi, la mystique Anémone nous fait bien rire, le gentil couillon incarné par Philippe Bruneau est plutôt touchant et le gourou Philippe Léotard est d’une totale bonne foi dans son aveuglement sur lui-même. Même le personnage de petit bourgeois interprété par Christian Clavier n’est jamais antipathique, et ceci malgré la poursuite d’un but peu communautaire : passer du bon temps avec des filles pas farouches.
C’est sans doute ce manque de réelle méchanceté qui a déplu à l’époque, mais cet aspect permet au long-métrage de conserver une certaine saveur de nos jours, en tant que constat sociologique d’une époque bien révolue. Dans Les babas cool, le spectateur ne rit pas toutes les deux minutes car le but n’était clairement pas de proposer une comédie de plus, mais bien de dépeindre une expérience alors déjà en voie d’extinction.
Sorti en décembre 1981 sous le titre Quand tu seras débloqué… Fais-moi signe !, sans doute par la volonté de producteurs désireux de surfer sur la mode des titres à rallonge, Les babas cool a depuis retrouvé son appellation d’origine, nettement plus en accord avec son contenu. D’ailleurs, le titre choisi pour son exploitation n’a pas empêché le film d’être une déception au box-office. Avec un peu moins de 500 000 entrées au compteur, le long-métrage a réalisé tout simplement deux fois moins de ventes de tickets que Je vais craquer qui avait dépassé le million de spectateurs un an et demi auparavant.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 16 décembre 1981
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© 1981 StudioCanal Image / Affiche : René Ferracci © ADAGP Paris, 2020. Tous droits réservés.