Film choc de la fin des années 70, Pyromaniac est une petite production indépendante marquante par son ambiance glauque proche de celle de Maniac, tourné à la même époque. Pour un public averti.
Synopsis : Martyrisé par sa mère qui lui infligeait des brûlures graves quand il n’était qu’enfant, Donald Kohler voue aux femmes une haine tenace, et ne peut s’empêcher d’en inviter chez lui pour les brûler au lance-flammes.
Un petit film d’horreur pour franchir le pas de la réalisation
Critique : A la fin des années 70, cela fait maintenant de nombreuses années que Joseph Ellison s’occupe de doublages de films de kung-fu en provenance de Hong Kong pour satisfaire la demande des salles d’exploitation. Initialement, le jeune homme souhaitait avant tout devenir cinéaste et il se désespère de pouvoir enfin passer à la vitesse supérieure. Finalement, il tombe sur un traitement de quelques dizaines de pages intitulées The Burning Man signées Joe Masefield qui établissent les bases de ce qui deviendra Don’t Go in the House (1979), et donc Pyromaniac pour la France.
Après tout, le cinéma horrifique peut constituer un tremplin comme un autre, d’autant qu’il peut être confectionné avec fort peu de moyens. Ainsi, Joseph Ellison et sa partenaire financière Ellen Hammill trouvent les subsides pour entamer le tournage. De manière habile, ils choisissent de commencer les prises de vue par une scène emblématique, celle de la première exécution d’une femme nue à coups de lance-flammes par le psychopathe au cœur de l’intrigue. Une fois la scène en boite – particulièrement efficace sur le plan des effets spéciaux réalisés à même la caméra grâce à un angle truqué – les auteurs ont continué à prospecter pour trouver la somme nécessaire à l’achèvement du tournage. Le tout est emballé pour le montant dérisoire de 250 000 $ (soit 1 080 200 $ au cours de 2025).
Des comédiens débutants pour une version trash de Psychose
Afin de dépenser le moins possible, Joseph Ellison fait appel à des comédiens amateurs ou encore à des débutants. Ainsi, il déniche Dan Grimaldi sur les scènes off-Broadway, bien avant que celui-ci connaisse une certaine notoriété au début des années 2000 grâce à la série Les Soprano. Ils mettent également la main sur Robert Carnegie, un jeune débutant que l’on verra dans quelques autres films corsés du début des années 80. Pour ce premier film, le comédien préfère apparaître sous le pseudonyme de Robert Osth. La plupart des autres participants resteront des inconnus puisque Pyromaniac demeura leur unique expérience devant une caméra.
Il faut dire que le long métrage appartient à ces spectacles peu aimables que l’on qualifiait généralement de noms d’oiseaux dans les colonnes des journaux, vouant aux gémonies leurs auteurs et acteurs. Le genre d’expérience honteuse que l’on ne mentionne même pas sur un CV. Car Joseph Ellison n’y va pas de main morte dans ce remake à peine déguisé de Psychose (Alfred Hitchcock, 1960). Il en reprend l’idée du trauma de l’assassin, du rapport compliqué avec une mère décédée, le tout au cœur d’une vieille maison impressionnante (devenue depuis le musée de la Atlantic Highlands Historical Society, dans le New Jersey). Mais il y ajoute une dimension plus perturbante puisque la narration adopte le point de vue du meurtrier.
Dans la tête d’un Maniac
Tourné à la même époque que le Maniac (1980) de William Lustig, Pyromaniac entretient de nombreux rapports avec cette autre référence du psycho-killer démentiel. Certes, le milieu est radicalement différent (le New York déliquescent pour le premier, le New Jersey plus banlieusard pour le second), mais les points communs abondent. On y retrouve ici un trauma lié à l’enfance, une volonté de nuire aux femmes à cause de ce trauma initial, mais aussi la constitution d’un harem de cadavres auquel l’assassin prête vie dans sa tête malade.
© 1979 Turbine Films Inc. – Film Ventures International. All Rights Reserved.
Toutefois, hormis la fameuse séquence de meurtre évoquée plus haut (particulièrement gratinée), Pyromaniac ne verse jamais dans le gore et aucune goutte de sang n’est visible à l’écran. Cela n’empêche nullement le long métrage de posséder une ambiance mortifère particulièrement glauque. En ce sens, le but de Joseph Ellison est parfaitement atteint puisque son film n’est jamais amusant ou fun. Il s’agit bien d’un pur film d’horreur qui ausculte sans fard la noirceur de l’esprit humain.
Pyromaniac évoque avec force la maltraitance des enfants
Si le cinéaste n’excuse en rien les agissements monstrueux de son protagoniste principal, il tente de lui offrir des circonstances atténuantes en évoquant la thématique de la maltraitance des enfants. On peut d’ailleurs faire de cette thématique le sujet principal de Pyromaniac. Selon les auteurs, tant que les adultes continueront à maltraiter et à frapper les enfants, ils créeront les psychopathes de demain. Une thèse d’autant plus pertinente qu’elle émerge au cœur des années 70 où l’on commençait tout juste à réfléchir à ces questions, pourtant essentielles.
Réalisé avec les moyens du bord, Pyromaniac n’est pas exempt de défauts, avec parfois des expédients en matière de mise en scène. De même, les acteurs ne sont pas tous valeureux, mais leur amateurisme fait également partie du charme de ces petites productions indépendantes. Finalement, c’est bien son efficacité et ses excès traumatiques qui font de ce Pyromaniac une franche réussite, expliquant le culte qui entoure le métrage depuis sa sortie.
Trois versions d’un même film
Il existe d’ailleurs trois versions différentes du film. La première de 82 minutes est le cut diffusé en salles sans que la censure n’intervienne. La seconde de 89 minutes a été créée pour la télévision, expurgeant le film des scènes les plus traumatisantes, mais ajoutant de nombreux passages plus psychologiques. Enfin, la troisième que nous avons visionnée, d’une durée de 92 minutes – est la synthèse des deux précédentes. Elle conserve toutes les scènes chocs, mais également plusieurs passages dramatiques qui offrent une vision plus complète du personnage principal.
Aux Etats-Unis, le distributeur Film Ventures International a choisi le titre Don’t Go in the House qu’il trouvait plus approprié pour attirer le public en salles que le titre d’origine The Burning Man ou encore The Burning, un temps envisagés. Cela fut plutôt efficace malgré une campagne de dénigrement du film dans la presse. En ce qui concerne la France, le long métrage a été diffusé sur grand écran lors du Festival du film fantastique de Paris dès le mois de novembre 1979, soit avant même sa sortie américaine intervenue en mars 1980.
Une VHS française mythique, griffée Laurent Melki
Toutefois, le métrage n’a pas trouvé preneur pour la France et il n’est apparu qu’en VHS chez l’éditeur Scherzo en 1981 agrémenté d’une mythique jaquette dessinée par Laurent Melki. Un succès de vidéo-club porté par ce visuel choc diablement efficace. Au Royaume-Uni, Pyromaniac a naturellement trouvé sa place dans la fameuse liste des video nasties, alors même que le métrage fut lourdement charcuté par la censure britannique.
Depuis cette époque lointaine, Pyromaniac a été réévalué, notamment par l’intervention de l’inévitable Quentin Tarantino. Devenu culte, le shocker est désormais édité un peu partout dans des versions intégrales en HD. C’est également le cas en France grâce au petit éditeur The Ecstasy of Films qui en propose une version HD très performante, pourvue de nombreux suppléments donnant la parole à Joseph Ellison et Dan Grimaldi, entre autres.
Critique de Virgile Dumez
© 1979 Turbine Films Inc. / Jaquette : Laurent Melki. Tous droits réservés.
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Joseph Ellison, Dan Grimaldi, Robert Carnegie
Mots clés
Cinéma indépendant américain, Les films dingues des années 70, Les tueurs fous au cinéma, Les enfants maltraités au cinéma, La violence faite aux femmes, Le feu au cinéma