Possession : la critique du film (1981)

Drame, Fantastique, Horreur | 2h04min
Note de la rédaction :
10/10
10
Possession, l'affiche

  • Réalisateur : Andrzej Zulawski
  • Acteurs : Isabelle Adjani, Sam Neill, Heinz Bennent, Margit Carstensen
  • Date de sortie: 27 Mai 1981
  • Nationalité : Français, Allemand
  • Titre original : Possession
  • Titres alternatifs : La posesión (Espagne) / Possessão (Portugal) / Opętanie (Pologne) / Una mujer poseída (Argentine)
  • Année de production : 1981
  • Scénariste(s) : Andrzej Żuławski, Frederic Tuten
  • Directeur de la photographie : Bruno Nuytten
  • Compositeur : Andrzej Korzynski
  • Société(s) de production : Gaumont, Oliane Productions, Marianne Productions, Soma Film Produktion
  • Distributeur (1ère sortie) : Gaumont
  • Distributeur (reprise) : Tamasa
  • Date de reprise : 14 juillet 2021
  • Éditeur(s) vidéo : Une Vidéo (VHS, 1999) / TF1 Vidéo (DVD, 2009) / Le Chat qui Fume (UHD 4K / Blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 15 janvier 2021 (UHD 4K)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 541 120 entrées / 135 043 entrées
  • Box-office nord-américain : 1,1 M$ (3,2 M$ au cours ajusté en 2021)
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Interdit aux moins de 18 ans à l’époque / 16 ans aujourd’hui
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Festival de Cannes 1981 : Prix d'interprétation féminine pour Isabelle Adjani (également récompensée pour Quartet) / Césars 1982 : César de la meilleure actrice pour Isabelle Adjani / Mostra de cinéma de São Paulo : Prix de la critique pour Andrzej Żuławski / Fantasporto : Mention spéciale du public pour Andrzej Żuławski ; Prix de la meilleure actrice pour Isabelle Adjani.
  • Illustrateur / Création graphique : Basha (affiche 1981)
  • Crédits : © 1981 Oliane Productions - Soma Film Produktion Gmbh
Note des spectateurs :

Avec Possession, Zulawski livre un chef-d’œuvre formel d’une rare complexité thématique et magnifié par l’interprétation habitée d’Isabelle Adjani. Une claque qui redéfinit la notion même de cinéma.

Synopsis : Rentrant d’un long voyage, Mark retrouve à Berlin sa femme Anna et son fils, Bob. Mais, rapidement, il se rend compte que le comportement de sa femme a changé. Prise de violentes crises, elle quitte le domicile. Une amie du couple révèle à Mark le nom de l’amant d’Anna, Heinrich. Lorsqu’elle disparaît, Mark engage un détective qui découvre qu’Anna s’est réfugiée dans un appartement délabré où se cache une étrange créature…

Isabelle Adjani dans Possession de Zulawski (1981)

© 1981 Oliane Productions – Soma Film Produktion – Gaumont – TF1 Studios. Tous droits réservés

Un film né d’une terrible crise personnelle

Critique : A la fin des années 70, rien ne va plus pour le réalisateur polonais Andrzej Zulawski. Son film Sur le globe d’argent (1977) vient d’être arrêté en plein tournage par les autorités polonaises, laissant inachevée une œuvre de science-fiction surréaliste et terriblement ambitieuse qui avait tout pour devenir un chef-d’œuvre. Dans le même temps, Zulawski connaît un drame personnel qui l’affecte particulièrement : sa compagne Małgorzata Braunek, avec qui il a des enfants, le quitte pour un autre homme.

Totalement désespéré, Zulawski fait part de son désarroi à des amis présents dans le bloc de l’Ouest et parvient à obtenir une autorisation des autorités pour aller écrire un film aux Etats-Unis. Grâce au soutien du producteur Christian Ferry, le cinéaste se retrouve donc dans un appartement new-yorkais à écrire le script de ce qui deviendra Possession. En pleine dépression et fortement alcoolisé, Zulawski bâtit le scénario sous la forme de l’écriture automatique. Ce premier jet sera ensuite revu et structuré par le scénariste Frederic Tuten.

Isabelle Adjani et Sam Neill dans Possession de Zulawski (1981)

© 1981 Oliane Productions – Soma Film Produktion – Gaumont – TF1 Studios. Tous droits réservés

Il apparaît évident que le film ne pourra pas se tourner aux Etats-Unis puisque le réalisateur souhaite avoir la main sur le montage final. Il obtient alors le soutien de la productrice française Marie-Laure Reyre qui réussit à monter une coproduction avec l’Allemagne de l’Ouest et notamment le Sénat de Berlin. Ainsi, la volonté de Zulawski de tourner au plus près de la frontière du bloc de l’Est va être concrétisée. Le cinéaste réussit également à obtenir l’accord d’Isabelle Adjani, grâce à l’entremise de son compagnon Bruno Nuytten, par ailleurs engagé comme directeur de la photographie. Dans le rôle du mari trompé, c’est le Néo-Zélandais Sam Neill qui est engagé, tandis que les rôles secondaires sont interprétés par des acteurs allemands issus du théâtre.

Possession, histoire d’un tournage sous haute tension

Le tournage, comme toujours avec Zulawski, est un moment de tension extrême, d’autant que le monstre préparé par Carlo Rambaldi ne correspond en rien à ce qu’attendait le cinéaste. Le système D va permettre d’en tirer le meilleur parti dans les délais impartis par un budget réduit. Toutefois, les tensions sont surtout liées à la volonté de Zulawski de pousser ses acteurs au maximum de leurs possibilités, allant jusqu’au point de rupture. Et de fait, Possession  est remarquable encore de nos jours par son impressionnant numéro d’acteurs. Dès le début du film, les comédiens semblent jouer comme si leur vie en dépendait, ce qui peut initialement passer pour de l’outrance. Pourtant, peu à peu, cette hystérie collective permet de décrire la folie dans laquelle s’enfoncent les différents personnages.

Possession de Zulwaski à Cannes en 1981

© 1981 Oliane Productions – Soma Film Produktion Gmbh / Affiche : © Basha. Tous droits réservés.

Bien évidemment, tous ceux qui ont vu le long-métrage se souviennent de l’extraordinaire scène du métro où Isabelle Adjani est prise de convulsions durant un long plan-séquence hallucinant. Comme dans une transe chamanique, l’actrice fait ressortir ici toute la détresse, la violence et la folie de son personnage. Si la comédienne avait déjà joué dans des films étranges comme Le locataire (Polanski, 1976), Barocco (Téchiné, 1976) et Nosferatu, fantôme de la nuit (Herzog, 1979), elle passe ici un cap qui la place parmi les plus grandes, au risque d’y perdre sa santé mentale. Il faut toutefois signaler l’exceptionnelle prestation de Sam Neill que l’on a rarement vu aussi habité par un rôle, ainsi que celle plutôt originale et baroque de Heinz Bennent.

Des plans d’une incroyable fluidité

Outre le brio des acteurs, Possession est aussi un sacré morceau de cinéma, techniquement parlant. Sublimant les paysages urbains de Berlin-Ouest, Zulawski utilise avec maestria le grand angle pour livrer des plans à l’architecture complexe. Composés avec soin, les plans sont également incroyablement mobiles. Il faut ici rendre hommage au caméraman Andrzej J. Jaroszewicz qui a tourné tous les premiers films du cinéaste. Effectivement, cette force de la nature était capable de porter à l’épaule les lourdes caméras de l’époque sans que l’image ne tremble. Ainsi, les acteurs ne sont aucunement contraints par des marques au sol puisque le cameraman les suit dans leurs mouvements, avec une fluidité incroyable. Tous les plans qui nécessiteraient en principe une caméra steadycam ont été tournés de cette façon aussi sommaire qu’efficace. D’où l’énergie qui se dégage du film, avec ses acteurs et sa caméra qui semblent totalement possédés.

Sam Neill dans Possession de Zulawski (1981) - reprise le 14 juillet (Tamasa)

© 1981 Oliane Productions – Soma Film Produktion – Gaumont – TF1 Studios. Tous droits réservés

Chef-d’œuvre sur les plans visuel et formel, Possession possède également une multitude de niveaux de lecture qui en font un film mystérieux et fascinant. Œuvre sur la séparation et la frontière, Possession mêle avec un brio rarement atteint l’introspection personnelle à la grande Histoire, tout en développant des thématiques philosophiques. Ainsi, le terme séparation s’applique aussi bien au couple en train de se dissoudre devant nos yeux qu’au monde divisé en deux par le mur de Berlin, très présent à l’image.

Le film d’un moraliste jamais moralisateur

Zulawski explore donc à la fois la fine frontière qui sépare l’amour de la haine, les blocs de l’Ouest et de l’Est, mais aussi le bien et le mal. Moraliste, mais jamais moralisateur, Zulawski explore la contamination des êtres par le mal, qu’il soit identifié par le désir sexuel ou par une idéologie qui prendrait l’ascendant sur l’individu. Au passage, l’auteur développe à nouveau sa théorie du double, comme on pouvait déjà le voir dans ses films polonais des années 70. La fin peut donc se lire comme une ascension vers la lumière, aussi bien que comme une victoire du Mal dans une apocalypse aussi bien personnelle que mondiale.

Possession à Cannes

Possession à Cannes, projeté le 25 mai 1981 – Les archives Cinédweller

Ouvert à l’interprétation, le long-métrage ne se laisse aucunement enfermer dans une grille de lecture et ouvre ainsi des perspectives infinies aux exégètes, ce qui est assurément l’apanage des grandes œuvres. Le tout est porté par une musique inquiétante d’Andrzej Korzynski qui accompagne de manière discrète et toujours judicieuse un film qui sait créer un malaise prégnant. Assurément, on ne ressort pas indemne de la projection de Possession.

La sélection au Festival de Cannes et la sortie du film

Sélectionné à Cannes en 1981, le long-métrage a connu une projection un peu chahutée, entre sifflets et applaudissements nourris. Finalement, les jurés ont préféré récompenser le plus conventionnel Homme de fer (Wajda), en célébrant Isabelle Adjani qui a obtenu le prix d’interprétation pour ce film et Quartet de James Ivory. Sorti dans le foulée du festival, Possession est entré à la sixième place du box-office parisien lors de sa semaine d’investiture (44 644 entrées), handicapé par une interdiction aux moins de 18 ans. Malheureusement, le film a chuté trop rapidement et a terminé sa carrière parisienne à 135 043 fans hystériques. Le film ne tiendra même pas jusqu’à la fin de l’été, ne restant que 9 semaines à l’affiche de la Capitale. Sur la France, le film s’est finalement mieux maintenu lors des premières semaines d’exploitation, ne chutant sérieusement qu’au début du mois de juillet. Le métrage a cumulé 541 120 entrées, ce qui en fait une semi-déception.

La box Possession de Zulawski par le Chat qui Fume se manifeste...

Possession édité par © 2021 Le Chat qui fume

Autre grosse désillusion pour Zulawski, Possession est sorti aux Etats-Unis dans une version coupée, affublée d’effets spéciaux supplémentaires et d’une musique différente sans qu’on lui demande son avis. Le but était clairement de rattacher le film à L’exorciste ou La malédiction. Ces différentes déconvenues n’ont pas empêché le métrage de gagner ses galons de film culte au cours des décennies et d’être aujourd’hui considéré comme un chef-d’œuvre de son auteur. La sortie en Blu-ray UHD 4K en version restaurée chez l’éditeur Le Chat qui Fume vient confirmer l’importance du long-métrage dans l’histoire du cinéma. Saluons au passage le magnifique travail de restauration effectué, ainsi que la pléthore de bonus qui agrémente ce collector déjà épuisé.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 27 mai 1981

Reprise : Les sorties de la semaine du 14 juillet 2021

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© 1981 Oliane Productions – Soma Film Produktion Gmbh / Affiche : © Basha. Tous droits réservés.

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