Réalisateur, scénariste, metteur en scène de théâtre et écrivain polonais, Andrzej Zulawski est né dans une famille prestigieuse de Pologne. Son père était à la fois écrivain, poète et diplomate, ce qui l’a conduit notamment en poste en France. Le jeune Andrzej a donc fait de nombreux voyages au cours de sa jeunesse. Lorsqu’il souhaite s’orienter vers des études de cinéma, il vit en France et entre à l’IDHEC où il reste deux ans. Il écrit à cette occasion un mémoire sur le film Kanal (1957) de son compatriote Andrzej Wajda.
Les années polonaises
Zulawski rentre alors en Pologne et il devient assistant réalisateur de ce même Wajda pour Samson (1961), L’amour à vingt ans (1962) et Cendres (1965). Toutefois, les deux hommes commencent à se séparer lorsque Zulawski veut réaliser ses propres films. Il collabore pendant quelques temps à la revue polonaise Film, puis tourne deux courts-métrages pour la télévision en 1969, histoire de se faire la main.
En 1971, il se lance enfin dans la réalisation de son premier long-métrage : La troisième partie de la nuit. Il y fait la rencontre de l’actrice Małgorzata Braunek, avec qui il a un fils. Le film évoque la résistance pendant l’invasion nazie et rend ainsi hommage au courage de ses parents qui furent résistants. Les problèmes interviennent dès son deuxième long intitulé Le diable (1972), parabole politique qui ne plaît guère au régime communiste polonais en place. Le film est tout simplement bloqué par la censure et ne peut donc pas sortir dans les salles. Il fut redécouvert avec émerveillement à la fin des années 80.
Dégoûté par cette censure, Zulawski accepte une commande française. Il s’agit d’adapter un roman de Christopher Frank avec dans le rôle principal Romy Schneider. L’important c’est d’aimer (1975) met en lumière le talent de Zulawski pour pousser les acteurs dans leurs retranchements. Le film glane 1,5 million de spectateurs médusés dans les salles, puis Romy Schneider obtient le César de la meilleure actrice.
© 1975 StudioCanal / Affiche : René Ferracci. Tous droits réservés.
Malgré ce gros succès français, Andrzej Zulawski est contraint de revenir tourner en Pologne car des menaces pèsent sur son couple et sa famille. Il se lance alors dans un projet fou intitulé Sur le globe d’argent (1977) qui adapte un livre de son grand-oncle Jerzy Zulawski. Le film coûte cher et se veut une grande fresque, mais le tournage est interrompu avant la fin et demeure inachevé. Dans le même temps, le couple de Zulawski s’effondre et le cinéaste plonge alors dans une terrible dépression.
Le sommet des années 80
Grâce à des amis producteurs français, Zulawski s’exile aux Etats-Unis où il écrit le scénario de Possession (1981), puis revient le faire produire en France et le tourner en Allemagne. Vendu comme un film d’horreur, Possession est en réalité une réflexion globale sur la notion de séparation (au sein d’un couple et au cœur du monde bipolaire de la guerre froide). Présenté à Cannes, le long-métrage fait scandale et finit par emporter un prix d’interprétation pour Isabelle Adjani. Même tarif aux César avec un prix de la meilleure actrice pour la jeune femme qui est effectivement impressionnante dans ce chef-d’œuvre malaisant.
En 1984, La femme publique, refusé à Cannes, est à la fois salué et hué. Il faut dire que le style Zulawski s’exacerbe encore un peu plus et confine une fois de plus à l’hystérie. Il tire le meilleur de la jeune Valérie Kaprisky, mais aussi de Francis Huster et Lambert Wilson. Le film dingue attire 1,3 million de spectateurs attirés par le parfum de scandale.
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Face à ce beau succès, Zulawski enchaîne immédiatement avec L’amour braque (1985), adaptation très libre de L’Idiot de Dostoievski. Il y fait la rencontre de Sophie Marceau avec qui il va vivre en couple durant dix-sept ans. Le film est une déception au box-office avec seulement 532 918 spectateurs. Le cinéaste travaille ensuite sur le script de Maladie d’amour (1987) qu’il devait tourner avec Adjani. Le film se fait finalement avec une toute autre équipe (Deray à la réalisation, Nastassja Kinski devant la caméra).
Un lent déclin
Le réalisateur retrouve Sophie Marceau et Jacques Dutronc pour l’adaptation du roman de Raphaëlle Billetdoux intitulé Mes nuits sont plus belles que vos jours (1989). Si les critiques sont correctes, les spectateurs ne se déplacent pas (248 966 entrées). Zulawski se plonge immédiatement dans la réalisation du film-opéra Boris Godounov (1989) qu’il tourne en Yougoslavie. Sorti en décembre 1989, le métrage ne fait que de la figuration au box-office, malgré des critiques plutôt favorables.
© 1989 Saris / Affiche : S.S.K. – Sitbon-Sukermann-Kubel (agence) – Martine Peccoux (photographe). Tous droits réservés.
Toujours crédité d’une crédibilité artistique, Zulawski parvient à monter La note bleue (1991) qui raconte les amours entre Chopin et George Sand. Mais cette fois, le public ne suit plus du tout et les 74 996 entrées cumulées font du film un énorme échec commercial qui condamne le réalisateur à un silence prolongé. Dès lors, le cinéaste multiplie les expériences parallèles comme la mise en scène d’opéras et surtout l’écriture de nombreux livres qu’il qualifie d’autofictions.
Il revient au cinéma avec Chamanka (1996) qu’il a pu tourner en Pologne. Personne ne va voir ce retour du réalisateur sur sa terre natale. Il doit donc attendre La fidélité (2000) pour susciter à nouveau l’intérêt des cinéphiles. Il offre ce film à Sophie Marceau, comme un cadeau de rupture. Malgré la présence au générique du couple Marceau – Canet le long-métrage s’écrase à 203 684 entrées sur toute la France. Dès lors, Zulawski déclare pendant plus de dix ans qu’il ne tournera plus.
Un cinéaste à la fois célébré par les cinéphiles et oublié du plus grand nombre
Il rompt cette promesse en 2015 avec Cosmos qui sera sa dernière incursion – fort décevante – dans le septième art. Le film sort à peine sur les écrans et ramasse donc des miettes confirmant le désintérêt de la jeune génération pour son cinéma extrême.
Andrzej Zulawski décède en 2016 des suites d’un cancer, à l’âge de 75 ans. Il restera comme un artiste total, intransigeant, dont le style est reconnaissable en seulement quelques plans. Il a su tirer le meilleur de ses acteurs et actrices, parfois au risque de s’attirer leur ressentiment. Zulawski est donc un artiste total et admirable, que l’on aime ou non son cinéma. Il ne peut laisser indifférent.