Pixote, la loi du plus faible est un film choc qui a marqué une génération entière par sa dureté et son réalisme glaçant. Bouleversant.
Synopsis : Une bande de gamins livrés à eux-mêmes erre dans les rues de Sao Paulo. Lorsque la police organise une rafle, Pixote et ses amis sont incarcérés dans un centre de redressement. Mais la première nuit s’avère être encore plus cauchemardesque que la rue elle-même…
Quand un projet documentaire évolue en film de fiction
Critique : Venu tout droit de l’école documentaire, le cinéaste Hector Babenco tenait absolument à filmer des jeunes des favelas afin de dénoncer leurs conditions de vie misérable. Pourtant, face aux nombreux obstacles rencontrés sur sa route, le metteur en scène opte finalement pour un film de fiction. Après un casting gigantesque dans les quartiers défavorisés, Babenco est obligé de prendre des enfants et des adolescents sans problème, seul l’interprète du personnage principal venant réellement des favelas. Avec un grand souci de réalisme, le réalisateur répète pendant de nombreux mois avec ses jeunes recrues et parvient à créer une atmosphère créative qui sert les intérêts du film.
Alors que toutes les scènes sont scrupuleusement écrites, le cinéaste pousse ses acteurs à improviser selon leur inspiration, ce qui rapproche un peu plus le métrage du documentaire. Avec une force peu commune, Pixote, la loi du plus faible (1981) dénonce la situation catastrophique dans les quartiers pauvres, mais aussi les trop nombreuses exactions d’une police toute puissante s’octroyant le droit de vie ou de mort sur des gamins dont tout le monde se contrefiche. Parfois avec insistance, mais toujours dans le but d’éveiller les consciences, Babenco décrit un environnement sordide, dont il n’élude aucune atrocité.
Focus sur les enfants des favelas
Parmi les influences manifestes de Babenco, on citera notamment le chef d’œuvre de Luis Buñuel Los Olvidados (1950) auquel une scène fait clairement écho. Mais Pixote, la loi du plus faible s’inscrit pleinement dans une tendance forte du cinéma d’auteur mondial du début des années 80 décrivant la dérive de mineurs délinquants, ainsi que leur incarcération. Parmi les références du genre, on peut aller voir du côté de l’Espagne avec l’intégralité du cinéma quinqui développé notamment par Eloy de la Iglesia, mais aussi en Turquie avec le chef d’œuvre Le mur (Yilmaz Güney, 1983) ou encore en Inde avec Salaam Bombay ! (Mira Nair, 1988). Cette liste est loin d’être exhaustive tant la thématique de l’enfance confrontée à la misère des bidonvilles a été largement abordée durant cette période.
En ce qui concerne Pixote, la loi du plus faible, le spectateur contemporain pourra parfois être dérangé par certaines scènes complaisantes ou un excès de nudité masculine et enfantine qui pose parfois question quant au regard du cinéaste et aux conditions dans lesquelles s’est déroulé un tel tournage. Le résultat s’avère particulièrement violent, malsain et fortement sexualisé, avec une insistance notoire sur l’homosexualité. Il s’agit assurément d’un coup de poing dans l’estomac qui a fait beaucoup de bruit à l’époque.
Pixote, un succès international
Son succès repose sur une atmosphère lourde, un sens de la provocation parfaitement dosé et une implication totale de ses jeunes acteurs dont le magnifique Fernando Ramos da Silva, qui finira sa vie à 19 ans, abattu par la police. Avec sa bouille mi-ange, mi-démon, il fera fondre le cœur de tous les spectateurs, notamment lors d’une séquence finale absolument bouleversante. Pixote, la loi du plus faible est un film très dur, sans concession et qui ose plonger dans les poubelles de notre monde afin d’y trouver malgré tout une part de lumière. C’est aussi ce qui en fait toute la beauté.
Sorti au Brésil durant l’année 1980 qui constitue une période record dans la production brésilienne (avec plus d’une centaine de films produits), Pixote, la loi du plus faible a bénéficié d’un certain relâchement de la censure pour attirer un vaste public. Ils furent environ 2 millions de spectateurs à faire le déplacement en salles pour découvrir les aventures sordides du gamin des favelas. Ce beau succès public a permis au long métrage d’être diffusé dans de très nombreux pays du monde, dont la France. Outre le Léopard d’argent décroché au Festival suisse de Locarno en 1981, Pixote a également gagné le Grand Prix du Festival de Biarritz 1981 consacré au cinéma d’Amérique latine.
Une belle carrière française sur la durée
Diffusé à partir du mercredi 5 mai 1982, le long métrage brésilien s’est rapidement imposé comme un succès d’art et essai avec 32 506 Parisiens dès sa première semaine d’investiture, se plaçant à la 9ème place du box-office hebdomadaire parisien. Le métrage sortait la même semaine que l’événementiel Massacre à la tronçonneuse (Tobe Hooper), enfin libéré de toute censure. La semaine suivante, Pixote accueille encore 19 457 retardataires dans son centre de redressement et dépasse les 50 000 clients. Pourtant, le gosse des rues n’a pas dit son dernier mot et remonte en troisième septaine avec 22 939 amateurs de plus. Au bout d’un mois, le film chute à 11 000 cinéphiles supplémentaires, avant de terminer sa très belle carrière aux alentours de 127 052 entrées sur la capitale.
En France, le film ne sort quasiment pas en province lors de sa première semaine, attendant sans doute les premiers échos parisiens. Il faut donc attendre la semaine du 12 mai pour que le drame carcéral connaisse une vraie exploitation en province, se hissant ainsi à la 20ème place du classement hebdomadaire. Le film passe la barre des 112 000 spectateurs en troisième septaine, avant de séduire l’ensemble des provinces françaises et de s’imposer durant tout le mois de juin 1982.
Le plus gros succès d’Hector Babenco en France
Le long métrage franchit la barre des 200 000 spectateurs à la fin du mois de juin et continue à arpenter les régions de France et de Navarre. Il demeure à l’affiche durant l’été et termine sa très belle carrière à 364 900 entrées, ce qui demeurera le plus gros succès de la carrière du cinéaste Hector Babenco sur notre territoire. Par la suite, le film a été édité à deux reprises en VHS, avant d’être proposé en DVD par Carlotta Films dès 2007. Mais, cette édition est désormais rendue obsolète par l’existence d’un blu-ray proposant la version restaurée du chef d’œuvre brésilien, toujours chez Carlotta.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 5 mai 1982
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Biographies +
Hector Babenco, Fernando Ramos da Silva, Marília Pêra, Jorge Julião, Gilberto Moura
Mots clés
Cinéma brésilien, Les délinquants au cinéma, Les films de prison, Les enfants maltraités au cinéma, Les bidonvilles au cinéma