Le film-manifeste de la firme Troma est une comédie gore outrancière où souffle l’esprit délirant d’un Tex Avery. Irrévérencieux et anarchiste dans l’âme, Toxic Avenger porte bien son étiquette d’œuvre culte.
Synopsis : Après avoir été en contact avec des tonneaux de déchets nucléaires, Melvin se voit doter d’une force surhumaine et devient The Toxic Avenger, le fameux justicier de Tromaville.
Critique : Délibérément indépendant d’esprit, le trublion Lloyd Kaufman décide de fonder sa propre compagnie de production cinématographique au début des années 70 appelée Troma. Si les années 70 ne sont guère favorables à la petite société qui enchaîne les comédies érotiques avec la régularité d’un métronome, le début des années 80 semble signer un renouveau important avec la réalisation du film d’horreur déjanté Mother’s Day. Tourné par le frère de Lloyd Kaufman, le métrage rencontre un certain écho aux Etats-Unis, ce qui confirme la possibilité d’exploiter une niche : celle du film d’horreur trash qui peut rapporter gros avec un investissement minimal, pour peu que l’on offre au public ce qu’il est venu chercher, à savoir du gore, du cul et de l’humour grossier.
© 2018 Bach Films. Artwork par Jérémy Pailler / Graphisme : John Capone.
Avec The Toxic Avenger (1984), Lloyd Kaufman et son copain Michael Herz signent à la fois un pur manifeste de leur cinéma indépendant et en même temps l’œuvre emblématique qui définit à elle toute seule le style Troma. Tout d’abord, le but avoué des auteurs est de tourner une bande régressive volontairement Z. Rien n’est à prendre au premier degré dans ce spectacle qui retrouve l’esprit initial du cinéma lorsqu’il était encore entre les mains des forains au début du 20ème siècle. Le but n’est pas de faire dans la subtilité, mais bien de donner libre cours à tous les excès possibles. Le film est donc volontairement bête, méchant, sale, ordurier, trash et outrageusement gore. Il reprend la plupart des ingrédients classiques du film d’horreur du début des années 80 avec son message écolo, tout en lui ajoutant une bonne dose de comic-book. Car Toxic est également un ancêtre du film de super-héros, anticipant d’une vingtaine d’années la vague d’héroïsme qui déferle sur les écrans du monde entier depuis le début des années 2000.
Faisant fi de toute bienséance, Lloyd Kaufman chausse les pas d’un Tex Avery par l’aspect cartoonesque des gags et l’esprit anarchiste qui imprègne la totalité de son cinéma.
Au passage, il en profite pour citer quelques grands classiques, dont le plus évident est le Frankenstein de James Whale. Interprété en roue libre par l’intégralité du casting – il faut également bien regarder les figurants, généralement très mauvais – Toxic est évidemment un monument de mauvais goût où l’on s’en prend aux personnes âgées et aux enfants, où l’on se moque des handicapés et où l’on exécute des animaux de compagnie. Bref, tout ce que la censure américaine considère comme outrageant est étalé sur l’écran durant 90 minutes jubilatoires pour qui goûte un certain esprit Hara-kiri.
Notons enfin l’extrême générosité de cette petite production en matière d’effets gore saisissants, mais aussi en matière d’action et de cascades. Tourné en peu de temps avec un budget estimé aux alentours de 475 000 dollars, The Toxic Avenger est la preuve que l’on peut faire un cinéma efficace, bien réalisé et offrant au public ce qu’il est venu chercher avec une somme dérisoire. Devenu culte au fil des années, le long-métrage est considéré comme le mètre-étalon de la firme Troma, initiant un univers décalé (situé comme il se doit à Tromaville), un humour tout-terrain et un gore décomplexé. D’ailleurs, le Toxic Avenger a eu les honneurs de trois suites en 1989 et en 2000. Pour ce qui est de la France, le super-héros est sorti dans nos salles en mai 1985 sous le titre Toxic. Il sera d’ailleurs le seul titre du catalogue Troma, avec Atomic College, à sortir chez nous au cinéma, tous les autres devant se contenter de sorties vidéo.
Critique de Virgile Dumez
© Troma Entertainment, Inc 1984