Nous sommes tous en liberté provisoire : critique et test blu-ray (1973)

Drame, Politique, Film de prison | 1h46min
Note de la rédaction :
8,5/10
8,5
Nous sommes tous en liberté provisoire, l'affiche

  • Réalisateur : Damiano Damiani
  • Acteurs : Franco Nero, John Steiner, Georges Wilson, Riccardo Cucciolla, Damiano Damiani, Turi Ferro, Claudio Nicastro
  • Date de sortie: 03 Jan 1973
  • Nationalité : Italien, Français
  • Titre original : L'istruttoria è chiusa: dimentichi
  • Titres alternatifs : The Case Is Closed, Forget It (USA) / Das Verfahren ist eingestellt - Vergessen Sie's! (Allemagne) / Utredningen är avslutad, glöm fallet (Suède) / El caso está cerrado, olvídelo (Espagne) / Processo Arquivado (Portugal) / Śledztwo skończone - proszę zapomnieć (Pologne) / Todos estamos en libertad condicional (Pérou) / A vizsgálat lezárult, felejtse el! (Hongrie) / Só Resta Esquecer (Brésil)
  • Année de production : 1971
  • Autres acteurs : Ferruccio De Ceresa, Antonio Casale, Renata Zamengo
  • Scénaristes : Damiano Damiani, Arduino Maiuri et Massimo De Rita d'après le livre de Leros Pittoni
  • Directeur de la photographie : Claudio Ragona
  • Compositeur : Ennio Morricone (et Walter Branchi pour les effets électroniques)
  • Monteur : Antonio Siciliano
  • Producteurs : Mario Cecchi Gori
  • Sociétés de production : Fair Film
  • Distributeur : Planfilm
  • Éditeur vidéo : Artus Films (coffret blu-ray, 2023)
  • Date de sortie vidéo : 2 mai 2023
  • Box-office France / Paris-périphérie : 131 977 entrées / 54 361 entrées
  • Box-office nord-américain / monde : -
  • Budget : -
  • Classification : Interdit aux moins de 18 ans (16 ans de nos jours)
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique Roger Boumendil, Promo 505 (affiche 1973) et Benjamin Mazure (design coffret 2023) © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : Fair Film, Artus Films © Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Brillant réquisitoire contre la lâcheté bourgeoise, Nous sommes tous en liberté provisoire est un bijou du film carcéral, à la fois dur, implacable et dérangeant. Indispensable.

Synopsis : Emprisonné pour une infraction au code de la route, un architecte découvre la sombre réalité de la vie derrière les barreaux : personnel corrompu, détenus inquiétants, système judiciaire inhumain et pouvoir de la mafia.

Un classique film de prison ?

Critique : A l’orée des années 70, le réalisateur Damiano Damiani semble avoir trouvé sa voie sur le plan artistique en investissant le genre policier sous tous ses angles possibles. Après avoir plongé l’acteur Franco Nero dans l’enfer de la mafia avec l’excellent La mafia fait la loi (1968), il l’a entraîné dans un thriller politique à succès avec Confession d’un commissaire de police au procureur de la République (1971). Voilà pourquoi le cinéaste ne rencontre aucun problème pour adapter un roman carcéral de Leros Pittoni qu’il propose au producteur Mario Cecchi Gori.

Nous sommes tous en liberté provisoire (1971) se monte donc très rapidement, même si Damiano Damiani fait le choix audacieux, mais validé par l’écrivain, de totalement modifier l’intrigue et le déroulement du roman d’origine, dont il ne garde que la trame générale. Grâce à cette phase de réécriture, Damiani transforme un simple livre de témoignage en un brûlot politique acerbe. Au début, le réalisateur semble se conformer aux attentes d’un classique film se déroulant en prison. Nous sommes invités à suivre l’incarcération de Franco Nero, honnête citoyen qui est en attente de son procès à cause d’un accident de la route.

Un commentaire acerbe sur les inégalités sociales en Italie

Très malin, le cinéaste s’appuie sur la sympathie immédiate dégagée par la star de Django (Corbucci, 1966) pour que le spectateur s’identifie à lui. Immédiatement enfermé dans la prison dont il ne sortira que dans les ultimes minutes, le spectateur est donc convié à pénétrer au cœur d’un microcosme qui se révèle vite être une Italie en réduction. Ainsi, on y retrouve la même répartition sociale entre prisonniers privilégiés issus de la bourgeoisie – qui peuvent acheter la complicité des gardiens – et les autres. Dans cet univers impitoyable, la corruption est donc largement à l’œuvre, surtout lorsque l’on constate que le véritable chef de la prison n’est pas le directeur mais un détenu issu de la mafia (l’excellent Claudio Nicastro).

Coffret Damiano Damiani, détails

© 2023 Artus Films / Design : Benjamin Mazure. Tous droits réservés.

Au cœur de ce système, Franco Nero devient un vecteur du pouvoir sans s’en rendre compte. Il participe notamment involontairement au meurtre programmé d’un prisonnier (très juste Riccardo Cucciolla) qui entend témoigner à un procès mettant en cause des truands. Petit à petit, le héros prend conscience des failles du système et des injustices qui sont légion dans l’Italie des années de plomb. Ses quelques tentatives de rébellion s’avèrent souvent frustrantes et étouffées dans l’œuf. Toutefois, le véritable coup de maître de Damiano Damiani intervient dans la dernière scène qui est d’une ironie cinglante et qui démontre que l’on ne peut rien attendre de la bourgeoisie, bien trop contente que le système en place confirme son statut de privilégié.

Nous sommes tous en liberté provisoire est une œuvre puissante et implacable

Outre ce constat froid et implacable, Damiano Damiani livre une œuvre terrible qui décrit l’univers carcéral dans toute son horreur, depuis la violence sourde, les meurtres, trafics, mais aussi les viols et autres emprises. Même si le générique mentionne une bande originale composée par Ennio Morricone, on ne trouve que très peu de plages musicales dans Nous sommes tous en liberté provisoire, hormis quelques ambiances électroniques inquiétantes concoctées par Walter Branchi. En fait, la puissance des images se suffit à elle-même et l’excellence de l’ensemble des acteurs – dont certains furent de vrais détenus qui ont servi de caution sur le plan documentaire – permet au spectateur de plonger dans cet enfer de manière immersive.

L’œuvre, sans concession, n’a guère attiré les spectateurs italiens qui n’ont pas cédé à l’appel de Franco Nero, pourtant habitué au succès. En France, le long-métrage n’est sorti en salles que tardivement, en 1973 par le distributeur Planfilm. Le résultat n’est guère flamboyant avec 54 000 Franciliens en cinq semaines de présence à l’écran. L’ensemble des Français, lui, s’élève à 131 977. C’est à peu près le même résultat que La mafia fait la loi, mais quatre fois moins que la précédente association des deux artistes sur Confession d’un commissaire de police au procureur de la République (408 673 entrées).

Par la suite, le long-métrage est tombé dans l’oubli, mais commence à être redécouvert en même temps que l’œuvre entière du cinéaste qui a été célébrée en 2022 à la Cinémathèque française par une rétrospective remettant en lumière son travail.

Critique de Virgile Dumez

Box-office

Sorti avec une lourde interdiction aux moins de 18 ans et huit cinémas sur la capitale et sa périphérie, Nous sommes tous en liberté provisoire pouvait être vu en intra-muros aux Concorde Pathé, Gaumont Richelieu, Studio Gît-le-Coeur, au Berthier et au Méry. Il réalise 18 946 entrées en 6 jours, puisqu’il ne sort pas un le mercredi 3 janvier, mais bel et bien le jeudi 4, face à des films comme La femme en bleu de Michel Deville (56 000 entrées, 12 écrans), Macadam à deux voies de Monte Hellman (2 360, 2 écrans), Quatre salopards pour Garringo d’Ignacio-F. Iquino, avec Robert Woods (15 179, 4 écrans).

En semaine 2, Nous sommes tous en liberté provisoire jouit d’une belle stabilité (16 895 spectateurs) et se fait dépasser de justesse par la nouveauté Sartana dans la vallée des vautours (17 280 entrées dans 4 salles). Il se paie même le luxe de dépasser Les zozos de Pascal Thomas qui ouvre la carrière du cinéaste à 13 079 entrées dans 6 cinémas avant de devenir le succès populaire que l’on connaît. Les autres nouveautés comme Flesh de Paul Morrissey, produit par Andy Wahrol, sont bien plus haut. La production underground trouve 17 900 spectateurs dans 2 salles quand Fat City de John Huston, en revanche, n’est aperçu que par 6 006 spectateurs dans une combinaison identique.

En troisième semaine, le pamphlet italien ne peut plus compter que sur 4 écrans, dont le Gaumont-Théâtre, mais trouve encore 7 811 retardataires. La semaine suivante, quatre sites parisiens se le partagent. Cette fois-ci, le Gaumont Convention le programme également. Ce changement de quartier lui permet un petit rebond (8 790 spectateurs). Damiano Damiani trouve ainsi suffisamment d’audience pour dépasser les 50 000 amateurs de cinéma italien.

Pour son ultime tour dans les salles parisiennes, Nous sommes tous en liberté provisoire siège une cinquième fois au Studio Gît-le-Coeur et rassemble 1 919 juges, pour un total de 54 361 spectateurs.

Box-office de Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 3 janvier 1973

Acheter le coffret DVD / Blu-ray sur le site de l’éditeur

Nous sommes tous en liberté provisoire, l'affiche

© 1971 Fair Film / Affiche : Roger Boumendil, Promo 505 (agence). Tous droits réservés.

Biographies +

Damiano Damiani, Franco Nero, John Steiner, Georges Wilson, Riccardo Cucciolla, Turi Ferro, Claudio Nicastro

Mots clés

Films de prison, Pamphlet politique, Artus films

Le test du blu-ray

Artus Films édite pour notre plus grand plaisir un superbe coffret contenant trois œuvres de Damiano Damiani (Nous sommes tous en liberté provisoire, Comment tuer un juge, Goodbye & Amen) sous le titre Justice, Politique, Corruption, la trilogie de Damiano Damiani. A partir du coffret finalisé, nous traiterons chaque film du coffret séparément.

Compléments & packaging : 4,5 / 5

Le coffret – superbe – se divise en deux parties : d’un côté le livre Damiano Damiani, un cinéaste se rebelle d’Emmanuel Le Gagne et de l’autre un digipack qui se déplie en trois volets et offre plusieurs superbes affiches du film. Le tout est extrêmement soigné. Le livre revient notamment sur l’ensemble de la carrière du cinéaste, film par film, mais classés de manière thématique. Cela permet à l’auteur de peindre le portrait d’un cinéaste engagé, mais qui n’a jamais accédé au rang des grands auteurs à cause de son implication dans un cinéma de genre à vocation populaire. Le bouquin de 96 pages est en outre richement illustré.

Sur la galette de Nous sommes tous en liberté provisoire, l’éditeur nous offre d’abord une riche présentation (23min) de Curd Ridel qui revient sur le contexte du film, son tournage, mais aussi sur les filmographies des différents interprètes. Mais le supplément le plus précieux vient d’un entretien croisé (environ 30min) avec des membres de l’équipe du film. On croise ainsi les témoignages de Enrique Bergier qui était l’assistant de Damiani, de Corrado Solari (acteur qui joue un détenu) et du monteur Antonio Siciliano. Ils évoquent avec beaucoup de détails leurs relations avec le cinéaste, les acteurs ainsi que l’ambiance de tournage. Vraiment précieux.

On peut ensuite consulter un diaporama avec des affiches et des photos d’exploitation, ainsi que la bande annonce du long-métrage.

L’image du blu-ray : 4 / 5

L’éditeur propose ici une excellente restauration de l’image aux tons chaleureux, mais légèrement pastellisés. L’ensemble fait honneur au support par son piqué très franc, ce qui n’enlève pas le grain d’origine qui est parfaitement dosé pour donner une image vibrante.

Le son du blu-ray : 4 / 5

Attention, les films ne sont proposés qu’en version originale sous-titrée. La piste sonore italienne est plutôt de bonne tenue, offrant une bonne profondeur sonore, et ceci malgré quelques moments avec davantage de souffle. Il faut dire que le film ne brille pas par son ambiance musicale, quasiment absente.

Test du blu-ray et du coffret : Virgile Dumez

Coffret Damiano Damiani

© 2023 Artus Films / Design : Benjamin Mazure. Tous droits réservés.

Trailers & Vidéos

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Nous sommes tous en liberté provisoire, l'affiche

Bande-annonce de Nous sommes tous en liberté provisoire (VO)

Drame, Politique, Film de prison

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