Psychodrame bourgeois inégal, Noce blanche vaut surtout le détour pour la prestation des acteurs dont la toute jeune Vanessa Paradis, véritable révélation du film.
Synopsis : Mathilde Tessier, une adolescente, tombe amoureuse de son professeur de philosophie, celui-ci possédant femme et maison charmante. Dans un premier temps, il répond à l’amour de son élève, mais cette passion, troublant l’harmonie de sa vie, va vite le déranger.
Un projet audacieux pour la jeune Vanessa Paradis
Critique : Au milieu des années 80, Jean-Claude Brisseau est approché par des producteurs de télévision pour écrire un scénario ayant pour thème un amour impossible. Le cinéaste, qui est encore professeur à cette époque, s’exécute et signe le script de ce qui deviendra Noce blanche plusieurs années plus tard. Alors que ce script est finalement refusé par plusieurs producteurs, le récent succès de De bruit et de fureur (1987) attire l’attention sur le réalisateur. Ce nouvel éclairage sur l’auteur lui permet de trouver un financement pour Noce blanche auprès de Margaret Ménégoz. La préproduction est donc lancée.
Si Jean-Claude Brisseau arrive à convaincre Bruno Cremer de le suivre dans cette troisième aventure en commun, le cinéaste hésite pour le rôle féminin principal. Sur la suggestion des producteurs, il rencontre la jeune chanteuse Vanessa Paradis à qui il fait passer des essais concluants et décide donc de tenter l’aventure avec la Lolita des cours de récréation. Cette décision sera à la fois bénéfique pour le film puisque Vanessa Paradis s’est avérée être l’un des points forts du long-métrage, mais aussi un problème puisque la starlette et le cinéaste à la réputation sulfureuse ne se sont pas du tout entendus.
Noce blanche édulcore une situation voulue plus corsée par le cinéaste
Le film ne se relève d’ailleurs pas totalement de cette conflictualité puisque le réalisateur avait initialement prévu une œuvre bien plus radicale sur le plan du sexe et de la drogue. Ce cocktail sulfureux n’a pu être mené à bien à cause des pressions de l’entourage de Vanessa Paradis qui a tenu à protéger l’adolescente encore très fragile, ce que l’on peut bien entendu comprendre. Bridé dans sa création, Brisseau n’a visiblement pas beaucoup apprécié de se faire déposséder de son idée d’origine et son hésitation sur le ton à adopter se ressent dans le film fini.
Ainsi, Noce blanche commence de manière plutôt intéressante avec cette description très juste du milieu scolaire de la fin des années 80, univers que connaissait parfaitement Brisseau, lui qui fut professeur de français pendant des années. On apprécie également la rencontre entre ce professeur et cette jeune fille paumée. Leurs accointances intellectuelles vont les mener à s’apprécier, puis à se tourner autour jusqu’à faire basculer le prof du côté de l’interdit : celui de tomber fou amoureux d’une jeune fille de 17 ans, de surcroît son élève. Brisseau parvient à dresser le portrait de ces deux êtres solitaires et qui sont tous les deux en recherche d’absolu.
Une partie dramatique moins maîtrisée et plus hésitante dans sa narration
Malheureusement, si la première partie fonctionne vraiment bien, la seconde où les événements vont s’acharner contre les amants tragiques tourne un peu trop au psychodrame bourgeois. Si le sujet est bien celui d’un mélodrame, Brisseau se refuse à tout sentimentalisme, mais l’intrusion de la vengeance de la gamine jalouse n’est pas bien amenée, pas plus que le retournement de situation final qui paraît bien peu crédible.
L’ensemble n’est jamais mauvais grâce à l’implication sans faille de Vanessa Paradis, au jeu admirable de Bruno Cremer et à la grâce émanant de Ludmila Mikaël – dans un rôle un peu sacrifié toutefois. On sent par contre Jean-Claude Brisseau moins inspiré que d’habitude sur le plan visuel. Sa réalisation est plus basique qu’à l’accoutumée et la photographie de Romain Winding est nettement moins séduisante que celle qu’il a créée pour De bruit et de fureur. On a parfois l’impression d’être devant un téléfilm, ce qui a rarement été le cas dans l’œuvre ambitieuse et dépouillée de Brisseau.
Un succès surprise qui a crédibilisé Vanessa Paradis
En abandonnant ses dérives vers le fantastique mystique et une certaine forme de violence perverse, Brisseau a quelque peu dévitalisé son cinéma. Lui-même ne pensait pas grand-chose de son film qu’il rangeait parmi ses plus faibles et il fut d’ailleurs très étonné par son succès phénoménal alors même que sévissait la crise du cinéma français.
Avec 1 819 295 entrées sur tout le territoire, Noce blanche s’est hissé à la 15ème place du podium annuel et fut le deuxième plus gros succès français de l’année juste derrière Trop belle pour toi (Blier). Malgré un tournage qu’elle n’a toujours pas digéré, Vanessa Paradis a acquis une nouvelle légitimité auprès du grand public, décrochant au passage le César du meilleur espoir féminin 1990, ainsi que le Prix Romy-Schneider de la même année. Elle qui n’était encore qu’une petite chanteuse fragile a acquis davantage de poids grâce à ce long-métrage fondateur. De son côté, Jean-Claude Brisseau a décroché son plus gros succès public, et ceci même si le long-métrage n’est pas son plus remarquable, loin de là.
Critique de Virgile Dumez