Loin d’être passionnante, Mystère à Venise est une enquête trop routinière d’Hercule Poirot, et ceci malgré une réalisation chichiteuse et tape-à-l’œil. Regardable, mais dispensable.
Synopsis : Hercule Poirot est désormais à la retraite à Venise. Dans cette ville sinistrée par la Seconde Guerre mondiale, il se retrouve à assister à une séance de spiritisme dans un vieux palazzo prétendument hanté. C’est alors que l’un des participants est assassiné. Le détective retraité va devoir reprendre du service.
Branagh revisite une fois de plus Hercule Poirot et Agatha Christie
Critique : Après avoir connu un certain succès avec ses deux premières relectures des enquêtes d’Hercule Poirot (Le crime de l’Orient-Express, soit 350 M$ de recettes dans le monde pour un budget de 55M$, puis Mort sur le Nil, victime de la Covid avec seulement 137 M$ de recettes pour un budget colossal de 90 M$), le cinéaste Kenneth Branagh a choisi de clore ce qui se révèle désormais être une trilogie avec ce Mystère à Venise (2023). Tiré cette fois-ci d’un roman plus méconnu d’Agatha Christie (Le Crime d’Halloween datant de 1969), l’acteur-réalisateur a entrepris de revisiter l’ensemble du bouquin en le tirant davantage vers le fantastique gothique.
Ainsi, avec Mystère à Venise, le cinéphile retrouvera le Kenneth Branagh du début des années 90 qui aimait rendre hommage à Orson Welles et au cinéma expressionniste à travers des œuvres comme le thriller spiritualiste Dead Again (1991) ou encore son adaptation lyrique et emphatique du Frankenstein (1994) de Mary Shelley. Branagh assume ici une réalisation alambiquée faite de cadrages étranges et d’une utilisation abusive du grand angle pour déformer les images. Il tente donc de renouer avec le style très inspiré d’Orson Welles qui a fait sa gloire au début de la décennie 90. Toutefois, cela ne fonctionne pas toujours très bien et certaines séquences peuvent sembler totalement artificielles à cause de cette volonté trop affichée de bousculer les habitudes du cinéma actuel, très conventionnel sur le plan formel.
Moins de CGI artificiels, mais un abus d’effets chichiteux
Dans Mystère à Venise, Branagh rend aussi un hommage aux films gothiques estampillés la Hammer au cours des années 50-60. Pourtant, l’abus de jump scares ne favorise pas le développement d’une ambiance réellement anxiogène. Tout juste le cinéaste parvient-il à mettre en valeur le décor principal du palazzio, en partie tourné à Venise, mais aussi dans les imposants studios britanniques de Pinewood. Effectivement, le cinéaste semble avoir pris acte des critiques émises à l’encontre de ses deux précédentes réalisations quant à l’utilisation maladroite des CGI.
Ainsi, son Mort sur le Nil croulait sous les effets numériques moches, souvent proches des écrans d’accueil Windows. Lors du générique inaugural du film, on craint que le cinéaste persiste dans son erreur en proposant une vue d’ensemble de Venise entièrement numérique – et donc affreusement factice. Par la suite, il a eu l’intelligence de tourner le huis-clos dans des décors en dur qui ajoutent nécessairement une touche de réalisme dans une œuvre déjà passablement vouée au surnaturel.
Mystère à Venise manque d’incarnation à l’écran
Que les amoureux de rationalité se rassurent, Hercule Poirot finira par déjouer les apparences, tel un Scoubidou à moustache. Certes, l’intrigue proposée par Agatha Christie est un peu tirée par les cheveux, mais elle se révèle astucieuse et clairement exposée par un réalisateur qui maîtrise encore l’art de la narration. En revanche, le bât blesse en matière d’incarnation dans ce produit calibré pour plaire au plus grand nombre. Si Kenneth Branagh et Tina Fey forment un duo plutôt agréable et convaincant, on ne peut pas en dire autant du reste de la distribution.
Ainsi, des actrices à fort caractère comme Kelly Reilly et Camille Cottin sont totalement sous-exploitées à cause de personnages trop fades. Michelle Yeoh est loin d’être exceptionnelle dans le rôle de la voyante qui va rapidement être éliminée. Mais le pire vient de certains jeunes acteurs, particulièrement fades et lisses, dont un Jamie Dornan toujours aussi transparent. Même un acteur aussi établi que l’Italien Riccardo Scamarcio semble sous-employé dans ce long-métrage qui souffre donc d’un déficit de protagonistes marquants.
Branagh s’est perdu dans les canaux vénitiens
Réalisé avec un maximum d’effets, Mystère à Venise réussit même l’exploit d’être assez ennuyeux dans son déroulement, et ceci malgré une durée relativement courte. En tournant ce troisième volet, Kenneth Branagh a donc corrigé certains défauts des deux précédents opus, mais les a remplacés par d’autres qui sont tout aussi gênants. Le long-métrage ne permettra donc pas de relever le niveau d’une franchise faiblarde et qui ne devrait pas marquer l’histoire du septième art, confirmant une fois de plus que l’on a perdu le cinéaste Kenneth Branagh depuis fort longtemps maintenant.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 13 septembre 2023
Biographies +
Kenneth Branagh, Riccardo Scamarcio, Jamie Dornan, Camille Cottin, Michelle Yeoh, Kelly Reilly, Jude Hill, Tina Fey
Mots clés
Hercule Poirot au cinéma, Les adaptations d’Agatha Christie au cinéma, Venise au cinéma