Morgiana : la critique du film et le test du blu-ray (1972)

Thriller, Drame, Conte fantastique | 1h41min
Note de la rédaction :
8/10
8
Morgiana, jaquette blu-ray

  • Réalisateur : Juraj Herz
  • Acteurs : Iva Janžurová, Josef Abrhám, Petr Cepek
  • Date de sortie: 01 Sep 1972
  • Nationalité : Tchécoslovaque
  • Titre original : Morgiana
  • Titres alternatifs : Morgiána, a kék szemű macska (Hongrie)
  • Année de production : 1972
  • Autres acteurs : Nina Divíšková, Petr Čepek, Josef Somr, Jiří Kodet, Jiří Lír, Ivan Palúch
  • Scénaristes : Vladimír Bor, Juraj Herz
  • D'après le roman Jessie et Morgiana d'Alexandre Grine
  • Monteur : Jaromír Janácek
  • Directeur de la photographie : Jaroslav Kucera
  • Compositeur : Lubos Fiser
  • Chef maquilleur : Ladislav Bacílek
  • Chef décorateur : Jiri Rulik
  • Directeur artistique : Zbynek Hloch
  • Producteur : Ladislav Hanus
  • Producteurs exécutifs : -
  • Sociétés de production : Filmové studio Barrandov
  • Distributeur : Film inédit en France. La date de sortie ci-dessus est celle en Tchécoslovaquie.
  • Distributeur reprise : -
  • Date de sortie reprise : -
  • Editeur vidéo : Artus Films (DVD et blu-ray, 2023)
  • Date de sortie vidéo : 7 novembre 2023
  • Budget : -
  • Box-office France / Paris-Périphérie : -
  • Box-office nord-américain / monde : -
  • Classification : -
  • Formats : 1.37 : 1 / Couleur / Son : Mono
  • Festivals : Festival international du film de Chicago 1973 : en compétition officielle
  • Nominations :
  • Récompenses : Festival international du film de Chicago 1973 : Hugo d'or
  • Illustrateur/Création graphique : © 2023 Artus Films. Design : Benjamin Mazure. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Filmové studio Barrandov / Jaquette : © 2023 Artus Films. All Rights Reserved. Tous droits réservés.
  • Attachés de presse : -
  • Tagline : -
Note des spectateurs :

Film de l’étrange qui tire vers le conte fantastique, Morgiana est une œuvre à la fois conformiste dans son script, mais novatrice par son style baroque et ses délires visuels. Un grand Juraj Herz.

Synopsis : Se sentant défavorisée suite à l’héritage de leur père, Viktoria, tenancière d’une maison de débauche, décide d’empoisonner sa sœur, la belle et vertueuse Klara. Dans un jeu de miroirs hallucinatoires, Viktoria va se retrouver face à ses propres délires schizophréniques.

Un film de commande dynamité par Juraj Herz

Critique : En 1971, le réalisateur Juraj Herz rencontre un très beau succès en Tchécoslovaquie avec son drame Les lampes à pétrole où il confrontait les deux acteurs Iva Janžurová et Petr Čepek. On lui propose donc d’enchaîner immédiatement avec un autre projet qu’il devra tourner avec les mêmes acteurs et la même équipe technique. Il s’agit cette fois de l’adaptation du roman Jessie et Morgiana d’Alexandre Grine, dont le script de Vladimír Bor reprend fidèlement les péripéties. Pourtant, ce scénario n’emballe pas particulièrement Juraj Herz qui accepte de réaliser le film, en espérant le réécrire durant le tournage.

Alors que le roman distingue clairement les deux sœurs au centre de l’intrigue, Juraj Herz décide de confier les deux personnages à la même actrice, à savoir Iva Janžurová. De même, initialement le prénom Morgiana est celui de l’une des sœurs, alors que dans le film, il désigne le chat de la maléfique Viktoria, opposée à la gentille Klara. En fait, Juraj Herz souhaitait réellement traiter du thème de la gémellité, tout en créant un twist final qui faisait de la jeune femme une schizophrène – un peu dans le style du Split de Shyamalan.

Une fin dictée par les cadres du Parti

Malheureusement, lorsque le dessein du cinéaste est apparu clairement aux apparatchiks du Parti communiste, ils ont opposé un refus catégorique. On ne pouvait pas parler de folie et de désordre mental dans la Tchécoslovaquie socialiste. Dès lors, Juraj Herz a été contraint de finir son film par un rétablissement de la morale, avec le triomphe du bien face à la condamnation du mal. Malgré cette fin quelque peu conventionnelle qui correspond finalement à l’atmosphère de conte développée durant tout le long-métrage, Morgiana ne déçoit pas tant sa fin demeure suffisamment cruelle envers celle par qui le mal arrive.

Morgiana, détails du blu-ray Artus

© 1972 Filmové studio Barrandov / Jaquette : © 2023 Artus Films. Design : Benjamin Mazure. Tous droits réservés.

Alors qu’aucun élément n’est vraiment fantastique dans son intrigue de thriller, Morgiana peut pourtant être affilié au genre par son traitement esthétique qui le rapproche à la fois du cinéma gothique et surtout baroque. Marqué par une esthétisation très prononcée, le métrage étonne encore aujourd’hui par ses excès visuels. Ainsi, le réalisateur s’est procuré une caméra fish-eye à une époque où elles n’existaient pas en Tchécoslovaquie pour pouvoir filmer en vue subjective les déplacements du félin qui jouera un rôle majeur à la fin du film. Ainsi, de nombreux plans se rapprochent du Chat noir (Lucio Fulci, 1980) par son emploi d’une caméra très mobile et du grand angle qui déforme le cadre.

Morgiana, un humour camp appréciable

Par son attention maniaque aux décors et aux costumes, Juraj Herz rend également hommage au mouvement de l’Art nouveau viennois. Ainsi, toutes les actrices sont outrageusement fardées pour évoquer les créatures peintes par Klimt au début du 20ème siècle. Cela ajoute une dimension camp au long-métrage puisque les femmes sont globalement des harpies qui cherchent à s’entretuer ou à se faire chanter les unes les autres. Outre sa dimension fantastique, Morgiana est donc également marqué par un humour cruel qui explose un peu plus lors de son final très ironique.

En fait, Juraj Herz s’est débrouillé pour dynamiter son film de l’intérieur puisqu’il n’était pas satisfait du script qu’il avait à illustrer. En forçant volontairement le trait, il a créé une œuvre outrancière et parfois hallucinante – certains plans semblent avoir été réalisés sous LSD – qui tranche avec le tout-venant de la production tchécoslovaque voulue par le Parti.

Une œuvre ambitieuse, mais enterrée par les communistes

D’ailleurs, le réalisateur a eu des soucis pour diffuser son film en Tchécoslovaquie. Même s’il a obtenu le Hugo d’or au Festival de Chicago en 1973, Morgiana a été finalement peu vu à l’étranger puisque sa sortie a été limitée aux pays de l’Est – et dans quelques salles seulement. Cet échec majeur a d’ailleurs contraint le cinéaste à œuvrer dans le téléfilm durant deux longues années.

Il s’agissait clairement d’une punition de la part des officiels du régime qui n’étaient pas satisfait de ce Morgiana trop étrange à leurs yeux. Depuis cette époque, le long-métrage a bénéficié de plusieurs sorties en vidéo qui ont permis de le ressusciter. Ainsi, l’éditeur Artus livre aujourd’hui une superbe édition du film dans une copie magnifiquement restaurée. Les cinéphiles doivent donc impérativement casser leur tire-lire.

Critique de Virgile Dumez

Acheter le film en DVD / Blu-ray sur le site de l’éditeur

Morgiana, jaquette blu-ray

© 1972 Filmové studio Barrandov / Jaquette : © 2023 Artus Films. Design : Benjamin Mazure. Tous droits réservés.

Biographies +

Juraj Herz, Iva Janžurová, Josef Abrhám

Mots clés

Cinéma tchèque, Thriller domestique, Les chats au cinéma

 

Le test du blu-ray

Artus Films continue à explorer la filmographie trop méconnue de Juraj Herz pour notre plus grand bonheur. La copie est ici quasiment exemplaire. Test réalisé à partir du produit finalisé.

Compléments & packaging : 4 / 5

Alimentant sa collection tchèque de manière très cohérente, Artus Films présente Morgiana dans un packaging avec fourreau renfermant un digipack qui s’ouvre en deux sur les galettes du film (DVD et blu-ray). On notera la présence de deux affiches du film et de deux photos personnages sur le digipack. Le tout est très esthétique et correspond parfaitement au film proposé.

En termes de supplément vidéo, l’éditeur propose de retrouver durant 24min Christian Lucas qui était déjà l’auteur du livre de 60 pages consacré à Juraj Herz dans l’édition du film Le neuvième cœur. Il revient ici de manière très claire et documentée sur les problèmes de production rencontrés par Juraj Herz, puis sur la sortie compliquée du film. Le court diaporama consacré au film permet de retrouver les différentes affiches du film, ainsi que quelques photographies.

Enfin, l’éditeur a ajouté un court-métrage de 29min qui n’est aucunement lié au film puisqu’il s’agit de Noapte (Sandy Blanco, 2021), un projet réalisé par les élèves de l’IUT de Béziers. Toutefois, cette incursion dans l’univers des vampires bénéficie d’un jeu d’acteurs correct et de jolis plans bien photographiés, ce qui évite d’avoir trop l’impression de regarder une œuvre amateur.

L’image du blu-ray : 4,5 / 5

La restauration en 2K proposée est de toute beauté, même si on peut regretter deux ou trois plans avec des zébrures verticales qui ont échappées à la vigilance des restaurateurs. Le reste bénéficie d’une luminosité parfaitement gérée, de noirs profonds et d’une définition à couper au rasoir. Cela renforce l’impression de perfection du travail sur les décors et les costumes. Cette copie est donc idéale pour découvrir le sens visuel d’un artiste décidément admirable.

Le son du blu-ray : 3 / 5   

Le film est proposé en tchèque sous-titré en français. Cette unique piste s’explique par l’absence de sortie française du métrage. De toute façon, le public-cible est celui des cinéphiles curieux et exigeants qui ne visionneraient pas une version française. Le son en mono est suffisamment clair et précis, dans la limite du format mono. La belle musique de Lubos Fiser ne sature jamais l’espace sonore, tout en étant extrêmement présente. Du bon travail, donc.

Test du blu-ray : Virgile Dumez

Trailers & Vidéos

trailers
x
Morgiana, jaquette blu-ray

Bande-annonce de Morgiana (VOsta)

Thriller, Drame, Conte fantastique

x