Tourné en même temps que La belle et la bête, Le neuvième cœur est un conte séduisant sur le plan esthétique, mais qui pâtit d’un humour trop présent dans sa première partie. La seconde est, elle, bien plus satisfaisante.
Synopsis : La jolie princesse Adriana est frappée d’un mal étrange : elle est comme absente le jour et disparaît la nuit. Après les échecs successifs de plusieurs enquêteurs, l’étudiant Martin se porte volontaire pour aider la princesse. Il va découvrir que l’astrologue Aldobrandini cherche à collecter neuf cœurs pour fabriquer son élixir de jouvence.
Deux films pour le prix d’un seul
Critique : Alors que le cinéaste controversé Juraj Herz est sélectionné pour donner vie au conte de fées La belle et la bête (1978), les producteurs lui demandent de prévoir un autre script à illustrer en même temps afin d’optimiser les énormes coûts de production. Ainsi, Juraj Herz et son complice Josef Hanzlík inventent de toute pièce Le neuvième cœur (1979) qui ne se fonde sur aucune légende ou aucun roman connu. Alors que les prises de vues de La belle et la bête ont lieu le matin, celles du Neuvième cœur se déroulent l’après-midi dans des décors éclairés de manière différente.
Films jumeaux, les deux œuvres ont pour point commun un goût immodéré pour des décors tarabiscotés et une ambiance de conte qui séduit immédiatement. Toutefois, les deux opus se distinguent par une approche artistique globalement différente. Là où La belle et la bête se rapproche franchement d’un film d’horreur, d’ailleurs fort peu conforme aux attentes des producteurs qui souhaitaient une œuvre pour enfants, Le neuvième cœur s’avère plus léger et finalement plus accessible pour un public familial.
Une première partie comique
Juraj Herz débute son film par une longue présentation des différents personnages dans une ambiance comique et légère qui laisse les acteurs en roue libre. Comme très souvent dans les films humoristiques d’Europe centrale, la caricature n’est pas loin et les acteurs roulent des yeux avec une tendance prononcée pour le cabotinage. Ici, seul le héros incarné avec sobriété par Ondrej Pavelka échappe à ce jeu outré. Cela n’est pas dénué de charme, mais peut désarçonner le public français venu goûter à des effluves fantastiques dignes de ceux du film précédent.
En réalité, il faut attendre une quarantaine de minutes pour que s’opère enfin une mue artistique étonnante. Une fois entré dans le château où se terre la princesse qui a fait succomber huit cœurs de prétendants, le héros est confronté à un univers étrange fait de passages secrets et de mondes parallèles. On retrouve dès lors le goût du cinéaste pour le gothique à la Hammer. Mais cette fois, on tutoie davantage l’absurde et le fantastique. Soudainement, la musique de Petr Hapka se fait plus planante, avec des accents qui évoquent l’album Wish You Were Here de Pink Floyd ou encore les compositions éthérées de Popol Vuh pour les films de Werner Herzog des années 70 (on songe à Aguirre, entre autres).
Le neuvième cœur resplendit enfin dans sa deuxième partie
Dès lors, Juraj Herz nous régale de quelques séquences magnifiques parmi lesquelles on peut citer celle du passage du Styx, le bal qui ressemble à celui du Bal des vampires (Polanski, 1967). Mais le plus beau passage demeure de loin toute la séquence se déroulant dans la salle du Temps, avec son décor splendide et son ambiance sombre où chaque seconde équivaut à une journée de la vie de ceux qui ont eu le malheur d’y pénétrer.
Ces moments rappellent à quel point Juraj Herz était un grand cinéaste, capable d’évoquer un monde fantastique en seulement quelques plans. On peut donc regretter que l’ensemble ne soit qu’un prétexte à illustrer des thèmes très classiques issus des contes de fées habituels. Ainsi, Le neuvième cœur est une traditionnelle histoire d’amour entre un jeune vagabond et une saltimbanque. Ils sont confrontés à un hypnotiseur qui cherche à retrouver la jeunesse éternelle en captant les cœurs de plusieurs jeunes gens, dont notre héros à la bravoure certaine. Rien de bien révolutionnaire dans tout ceci et l’on peut regretter l’absence d’un second niveau de lecture autre que psychanalytique.
Pour autant, il ne faut absolument pas négliger ce bel exemple du savoir-faire indéniable des studios tchécoslovaques de l’époque, ne serait-ce que pour la beauté de ses décors, la magnificence de sa musique et la grâce infinie de sa réalisation. Notons que le long-métrage n’est jamais sorti dans les salles françaises et qu’il apparaît pour la première fois en haute définition chez Artus Films.
Critique de Virgile Dumez
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