Monster Hunter est un pur film de Paul W.S. Anderson, une énième transposition de jeu vidéo, fluide et impressionnante, mais dépourvue de script et de toute psychologie.
Synopsis : Notre monde en cache un autre, dominé par de puissants et dangereux monstres. Lorsque le Lieutenant Artemis et son unité d’élite traversent un portail qui les transporte dans ce monde parallèle, ils subissent le choc de leur vie. Au cours d’une tentative désespérée pour rentrer chez elle, le brave lieutenant rencontre un chasseur mystérieux, qui a survécu dans ce monde hostile grâce à ses aptitudes uniques. Faisant face à de terrifiantes et incessantes attaques de monstres, ces guerriers font équipe pour se défendre et trouver un moyen de retourner dans notre monde.
Paul W.S. Anderson, réalisateur gamer aux manettes
Critique : Après Mortal Kombat et Resident Evil, dont il a réalisé quatre films et produit l’intégralité de la franchise en salle, Paul W.S. Anderson retrouve son inspiration de gamer avec une nouvelle adaptation de jeu vidéo, Monster Hunter. La fermeture interminable des cinémas en France, quasi unique dans le monde (plus de six mois) a finalement contraint le distributeur Sony France à lancer le long métrage directement en VOD et blu-ray, alors que le film est paru sur le très grand écran auquel il était destiné avec, comme principal adversaire le coronavirus, avec des jauges, des complexes partiellement fermés et parfois une méfiance du public à l’égard des lieux clos. La sortie américaine, en hiver, s’est ainsi faite quand le box-office n’avait pas encore redémarré et forcément, ses recettes en ont pâti.
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Un spectacle impressionnant destiné avant tout aux cinémas
Pourtant, Monster Hunter suinte le cinéma numérique, celui qui a fait la notoriété de son cinéaste : effets spéciaux dantesques, caméra virtuelles fluides, effets conçus pour la 3D par un maître du visuel obsédé par l’action échevelée. On se lamentera de cette sortie avortée, à l’instar de l’autre film de monstres à avoir été coronavirussé en France, Godzilla vs King Kong, chez Warner. Monster Hunter crève l’écran notamment par sa splendide exploitation de vrais décors que le cinéaste transcende par ses jeux de caméras.
Pourtant la production Sony n’est pas en soi un bon film. C’est même la quintessence du cinéma de Paul Anderson qui n’a jamais été très apprécié par la critique et qui n’a jamais réussi à se forger une fanbase aveugle comme celle de Zack Snyder. Mais le cinéaste semble réfuter toute volonté de transiger à son art consistant à évacuer la psychologie, l’épaisseur humaine de ses personnages. Ceux-ci sont réduits grosso-modo à deux, voire trois avec les apparitions de Ron Perlman dans le rôle de l’amiral, du moins 80 % des scènes du film. Anderson n’a aucun souci avec cela puisqu’il s’attèle à un cinéma graphique hautement ludique qui aime flouter la frontière entre le jeu numérique et le cinéma.
Monster Hunter, plus une série B qu’un blockbuster malgré tout
A l’instar de ses gros budgets précédents (Pompéi, Les trois mousquetaires...), Monster Hunter ne transige pas avec son statut d’énorme série B qui aurait pu prétendre, dans les mains d’un Snyder, au label de blockbuster. L’invraisemblance est reine au royaume d’un auteur qui ne s’embarrasse pas avec la crédibilité ; il filme encore une fois sa muse et épouse, Milla Jovovich. L’actrice voltige dans les airs et en découd avec les créatures toutes plus dantesques les unes que les autres (des dérivés d’arachnides, des scorpions titanesques…). Elle est formidable de ténacité et dans une forme olympienne.
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Milla Jovovich, la super-héroïne, c’est elle
Paul Anderson (c’était son nom, à l’époque de son meilleur film, Even Horizon), réussit à tous les coups à la rendre star iconique dans les bagarres. Dans un duo avec l’athlète thaï Tony Jaa, qui lui n’a pas besoin de câbles pour ses cascades aériennes, elle vole la vedette au peu de casting qui existe et démontre une personnalité et surtout une dextérité que lui enviera toujours Brie Larson dont le jeu est bien flasque en super-héroïne. Jovovich, elle, demeure crédible en tant que femme d’action, véritable précurseur toujours en avant sur son temps. Avant Charlize Theron et autres Margot Robbie, Jovovich était l’héritière du style Besson (Le cinquième élément) qui avait toujours su apporter aux personnages féminins une fougue et une férocité que l’on ne retrouvera jamais dans les productions Marvel/DC/Netflix qui préfèrent le didactisme scolaire dans leur approche la femme super-héroïne.
Face au désert d’un script aride, Jovovich, plus de quarante ans, explose tout, témoignant de vingt-trois ans de talent physique qu’elle a su dans le passé conjuguer à un cinéma plus dramatique, puisqu’après tout, n’est-elle pas douée partout ?
Dans cette grosse coproduction qui mange à tous les râteliers, américains, allemands, chinois, japonais ou sud-africains, on ressort avec la déception d’un script anémique et d’une absence d’enjeux collectifs, mais réjouis de la chasse aux monstres avec combats de forcenés. Les créatures sont particulièrement réussies et font vibrer la projection quand l’ennui d’un script plat se tapit toujours sous le sable de son décor.
L’anti-Snyder : généreux, mais jamais prétentieux
Plus friqué que la plupart des épisodes de B movies qu’étaient les Resident Evil, Monster Hunter reste un spectacle débridé réjouissant, pour peu que l’on aime Paul W.S. Anderson, et sa vision obtuse et monomaniaque d’un divertissement à jamais immature. Son manque de prétention se fait le contrepied du cinéma de Snyder. Anderson se présente en cinéaste-auteur qui poursuit un combat autre, se défaussant d’un superflu narratif pour ne pas aliéner sa vision sensorielle du jeu vidéo. Cette forme de naïveté peut être interprétée comme une sincérité qui redore le blason de ce technicien extrêmement doué dans l’usage de sa caméra qui pourtant ne cherche jamais à marquer le septième art. Son but ? Sûrement pas prétendre aux récompenses, mais jouer avec le spectateur dans un univers d’artifice où les salles de cinéma deviendraient un gigantesque réseau.
Est-ce que ce film bâtard, entre le nanar patenté pour public large et la série B réjouissante pour aficionados de jeux vidéo, mérite une suite ? On laissera la subjectivité de chacun lui dicter son choix. Dans tous les cas, Paul W.S. Anderson et Milla Jovovich méritent respect dans leur complicité attachante à l’écran. Anderson filme sa Wonder Woman avec bien plus de brio que Patty Jenkins filmant platement Gal Gadot chez DC. En cela réside la vraie passion et le véritable investissement d’un artiste pour son art, aussi nawak soit-il.
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