Miss Peregrine et les enfants particuliers se situe aux croisements des influences littéraires gothiques et merveilleuses des années 2000. Tim Burton s’autocite dans un récit qui emprunte beaucoup à Harry Potter et consorts.
Synopsis : Jacob, un adolescent de 16 ans, s’aperçoit à la mort de son grand-père que les histoires que ce dernier lui racontait sont vraies. Sur une mystérieuse île, Jacob découvre les ruines d’un orphelinat qui abritait autrefois de dangereux enfants, qui sont peut-être encore vivants …
Tim Burton en quête de rédemption
Critique : Projet qu’il a conquis en 2011, peu après la sortie du best-seller de Ransom Riggs, Miss Peregrine et les enfants particuliers est un retour au conte fantaisiste pour Tim Burton, après un écart malheureux dans le biopic, avec Big Eyes.
Le Monsieur a beaucoup à prouver : Alice au pays des Merveilles en 2010 lui vaut des critiques peu enchantées malgré un certain succès dû aux prouesses d’une 3D-relief (re)naissante. Peu après, Dark Shadows s’avère un bide considérable et Frankenweenie est tout autant source de chagrin. Malgré des hommages, notamment à la Cinémathèque, le -désormais- canonisé Tim Burton connaît une décennie délicate, incapable de séduire sur des formules qui jadis auraient tout simplement susciter le consensus.
Un univers visuel trop balisé
Dans ce contexte, Miss Peregrine et les enfants particuliers marque en 2016 un retour dans les formes, faute de voir un auteur en forme. Tim Burton se contente, sans génie, de livrer une adaptation honnête d’un ouvrage coup de cœur, qu’il resitue dans son univers visuel qui lui a valu tant d’éloges.
Aussi, on retrouve indéniablement la touche esthétique et thématique de l’auteur de Beetlejuice. Toute l’architecture tarabiscotée du maître de l’étrange, du décor à une narration complexe sur plusieurs paliers, sert des formules attendues aux aficionados. L’arrière-plan insulaire gallois et son somptueux orphelinat de conte délivrent une ambiance capiteuse, pour peu que l’on soit attiré par ce type de récit gothique poussiéreux.
Une fantaisie pour adolescents des années 2000
L’histoire de Miss Peregrine et les enfants particuliers, pure fantaisie pour adolescents, donne la part belle aux handicaps qui exclut les enfants doués de particularités surréalistes. On pense un peu à Edward aux mains d’argent, et à tous les marginaux exquis qui ont jalonné l’œuvre du cinéaste. Ici, ces parias se voient contraints de vivre exclus de l’humanité, repliés dans des sphères temporelles passées, que l’on appelle ici des « loops », puisqu’ils revivent à l’infini une séquence plus ou moins paisible de leur vie, jusqu’à l’instant où la tragédie qui se trame est évitée de justesse. Mais le drame, le thriller, la terreur enfantine se tapissent, aux aguets, prêts à resurgir pour briser cet équilibre cristallin d’un monde parallèle sous cloche, et ainsi dévorer cette congrégation de jeunes gens hors normes que n’auraient pas reniée les X-Men.
L’idée du film est séduisante, riche en possibilités, propice aux songes… Et on s’y laisse prendre, sans grand mal. Burton n’a pas perdu son talent de conteur cruel. Mais toutes les pistes ne sont pas exploitées avec le même don pour la féérie sombre, certaines, dans la dernière demi-heure, sonnant davantage l’obligation d’en finir un peu dans la précipitation. Le rythme s’accélère et le divertissement ad hoc tord un peu le cou au plaisir d’un récit suranné qui s’installait peu à peu. Le film perd alors en mystère ce qu’il gagne en ressorts commerciaux gamins. Oui, les dernières séquences sont ainsi moins attrayantes et même les acteurs en pâtissent dans leur jeu.
Miss Peregrine et les enfants particuliers envoute du charme vénéneux d’Eva Green
Au niveau du casting, parfois un peu maigrelet, Burton soigne en particulier la maîtresse de cérémonie, superbe Eva Green, la Miss Peregrine en personne qui auréole les enfants de sa magie bienveillante. L’actrice, trop rare dans la dernière partie du film, domine un casting juvénile, et s’érige indéniablement comme le fantasme dégingandé d’un homme dans l’obsession de la femme gothique. A chaque plan où elle apparaît, Burton semble vouloir nous crier qu’il a trouvé son alter ego féminin. On veut bien le croire. Le reste des acteurs adultes est à oublier : Samuel L. Jackson et Rupert Everett cabotinent. En père de famille irresponsable, Chris O’Dowd joue une certaine forme de fadeur sans trop se forcer.
Reste le plaisir de retrouver le toujours inspiré Asa Butterfield. La vedette de Hugo Cabret et La stratégie Ender déambule aisément dans l’univers de Burton, avec sa silhouette de pantin désarticulé. Toutefois sa présence, et celle de pléthores de jeunes gens « particuliers » autour de lui, donc des marginaux, donnent parfois la désagréable sensation, pour ceux qui suivent Burton depuis trente ans, que le réalisateur d’Ed Wood n’est plus le précurseur qu’il a pu être.
Désormais dans la réappropriation des codes littéraires et cinématographiques de la décennie passée, Burton signe effectivement un joli ersatz de Harry Potter, un Sublimes créatures bis, avec une romance incluse, où les jeunes protagonistes dotés de dons très variés parleront davantage à la nouvelle génération de son temps, aspirant aux pouvoirs super-héroïques, qu’aux fans vétérans de l’auteur, et ce malgré la cruauté macabre qui sert de carburant à cette histoire d’ogre pas si intemporelle.