Big Eyes : la critique du film (2015)

Biopic | 1h46min
Note de la rédaction :
5/10
5
Big Eyes, affiche du film

  • Réalisateur : Tim Burton
  • Acteurs : Terence Stamp, Danny Huston, Christoph Waltz, Amy Adams, Jason Schwartzman, Krysten Ritter, Jon Polito
  • Date de sortie: 18 Mar 2015
  • Année de production : 2014
  • Nationalité : Américain, Canadien
  • Titre original : Big Eyes
  • Titres alternatifs : Les grands yeux (Québec), Grandes Olhos (Brésil), Big Eyes: Retratos de una mentira (Colombie), Ojos grandes (Mexique), Olhos Grandes (Portugal)...
  • Scénaristes : Scott Alexander, Larry Karaszewski
  • Directeur de la photographie : Bruno Delbonnel
  • Monteur : JC Bond
  • Compositeur : Danny Elfman
  • Producteurs : Scott Alexander, Tim Burton, Lynette Howell Taylor, Larry Karaszewski
  • Sociétés de production : The Weinstein Company, Silverwood Films, Tim Burton Productions, Electric City Entertainment
  • Distributeur : StudioCanal (France), The Weinstein Company (USA)
  • Editeur vidéo : StudioCanal
  • Date de sortie vidéo : 28 juillet 2015 (DVD, Blu-ray)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 403 716 entrées / 153 870 entrées
  • Box-office nord américain / monde : 14 482 031$ / 29 253 166$
  • Budget : 10 000 000$
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs / Dolby Digital
  • Festivals et récompenses : Luxembourg City Film Festival, 2 nominations BAFTA Awards dont Meilleur actrice (2015), Golden Globes (2 nominations, dont Meilleur acteur, et 1 prix pour Amy Adams)
  • Illustrateur / Création graphique : Design : MaD Creative - Artwork © 2014 The Weinstein Company. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © The Weinstein Company Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Big Eyes marque le retour de l’ancien cinéaste culte Tim Burton à un cinéma plus intimiste, mais pas pour autant salvateur.

Synopsis : la scandaleuse histoire vraie de l’une des plus grandes impostures de l’histoire de l’art. À la fin des années 50 et au début des années 60, le peintre Walter Keane a connu un succès phénoménal et révolutionné le commerce de l’art grâce à ses énigmatiques tableaux représentant des enfants malheureux aux yeux immenses. La surprenante et choquante vérité a cependant fini par éclater : ces toiles n’avaient pas été peintes par Walter mais par sa femme, Margaret. L’extraordinaire mensonge des Keane a réussi à duper le monde entier. Le film se concentre sur l’éveil artistique de Margaret, le succès phénoménal de ses tableaux et sa relation tumultueuse avec son mari, qui a connu la gloire en s’attribuant tout le mérite de son travail.

Le retour au biopic a-t-il sauvé Tim Burton ?

Critique :  Victime d’une baisse qualitative indéniable de ses œuvres dans les années 2000 (la médiocrité de La planète des singes, et d’Alice au pays merveilles en sont deux patentes illustrations), Tim Burton a pourtant livré des opus plus que corrects qui n’ont pas reçu l’écho escompté (Dark Shadows et Frankenweenie).

Accusé de ne pas parvenir à se détacher d’un univers dont il exploite les recoins depuis des décennies, Burton espérait beaucoup de Big Eyes, production intimiste sans les éléments fantastiques de son vestiaire, qui est un écho direct, dans la carrière de l’auteur, à son autre biopic, celui sur Ed Wood, qui compte parmi ses films les plus adulés par ses fans et la critique.

La comparaison s’arrêtera là, puisque la biographie d’Ed Wood, auteur de productions Z fauchées, était une exposition manifeste de tous les talents de Burton, dans sa fascination pour l’artiste, ses excentricités, ses failles qui le vouaient à une forme de malédiction artistique et financière.

Big Eyes déçoit

Big Eyes, comédie avec Amy Adams et Christoph Waltz, est de son côté une déception, sans pour autant compter parmi les grands ratages de l’auteur de Big Fish. On y retrouve quelques éléments inhérents à l’univers de Burton, des décors qu’il aurait pu placer dans ses précédents longs, une enfant silencieuse que l’on croirait échappée de La famille Addams, série télévisée dont Burton voue un culte, et surtout l’œuvre sombre et incroyable de modernité de Margaret Keane, au cœur du projet, qui revient régulièrement donner du relief aux images.

Le film, volontairement féministe, démarre avec une femme des années 50, a priori dans le refus de sa condition d’épouse maltraitée ; elle divorce, ce qui était un fait marginal en voie de développement, puis, incapable de vivre sa féminité dans l’indépendance avec sa fille, dans une époque féconde en clichés, se remarie trop vite, victime grossière d’un romantisme coupable, comme pour mieux se faire rouler par un énième mâle roublard aux traits grossiers, celui vendu dans les brochures pour ménagères des années 60 où l’homme était décrit comme le “maître étalon”. Seulement celui-ci, qui partage donc son nom avec sa femme, va usurper pendant des décennies son talent d’artiste si singulière, en exploitant sa signature sur ses toiles, Keane.

Un féminisme qui ne prend pas le mâle à sa racine

L’épouse peignait à la chaîne, en effet, dans le plus grand secret, dans une forme d’esclavage conjugal, des portraits d’enfants tristes aux yeux élargis, comme pour noyer le public dans leur chagrin. Une aubaine pour le nouvel époux joué par Waltz, qui ne fait pas dans la dentelle, en peintre raté et arnaqueur psychotique, puisqu’il va s’approprier l’univers singulier de son épouse, et le vendre à l’infini, dans les journaux et à la télévision, en précurseur du pop art de Warhol, en déclinant le marketing autour de ces œuvres (affiches, cartes postales et autres produits de consommation).

L’histoire proposée est évidemment des plus surprenantes et plutôt attrayante, tant on ne comprend pas comment le génie d’une telle artiste ait pu restée si longtemps dans l’ombre d’un commercial sans scrupules, séducteur abject, incarnation ringarde du macho de cette Amérique mythique des années 50-60.

Tim Burton a un talent de composition qui reste évident pour brosser le portrait de cette époque qu’il affectionne, et l’on comprend son attirance pour cet univers visuel si particulier, éloigné des canons des banlieues américaines tranquilles de ces Trente Glorieuses. Toutefois, sans frôler l’académisme d’un pareil sujet, il peine à retranscrire les douleurs et frustrations d’une génération de femmes qui revendiquaient le droit à l’émancipation.

Une œuvre illustrative, seulement divertissante

Le personnage soumis et mi-consentant, jouée par Amy Adams, est traité sans audace, dans un cadre de comédie qui demeure ludique, à distance de l’immense émotion que peuvent provoquer le regard profond des œuvres originales de l’artiste qui méritaient d’être explorées avec peut-être plus de fantaisies : elle demeurent secondaires à l’écran.

Les choix narratifs deviennent ainsi purement illustratifs et ne bâtissent pas les personnages au-delà des stéréotypes présentés qui auraient pu être dénoncés plus subtilement, notamment dans la dernière partie, franchement molle, où l’épouse rebelle trouve en Dieu et les Témoins de Jéhovah, le moyen de se libérer du joug patriarcal. En découle une scène de procès cabotine où l’on s’égare un peu plus du très grand film qu’aurait pu être Big Eyes, par un Tim Burton plus inspiré.

Au final, le biopic est charmant, divertissant, sûrement fréquentable mais également bancal. On ne désespère donc pas de retrouver un jour le Tim Burton que l’on aime. Avec Dumbo ?

Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 18 mars 2015

Big Eyes, affiche du film

© 2014 The Weinstein Company

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Big Eyes, affiche du film

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