Expérience de métacinéma à cheval entre drame et comédie, Making of intéresse davantage par sa dimension sociale que par ses personnages, parfois trop stéréotypés.
Synopsis : Simon, réalisateur aguerri, débute le tournage d’un film racontant le combat d’ouvriers pour sauver leur usine. Mais entre les magouilles de son producteur, des acteurs incontrôlables et des techniciens à cran, il est vite dépassé par les événements. Abandonné par ses financiers, Simon doit affronter un conflit social avec sa propre équipe. Dans ce tournage infernal, son seul allié est le jeune figurant à qui il a confié la réalisation du making of.
Cédric Kahn s’offre une récréation
Critique : Après avoir connu la reconnaissance d’une grande partie de la critique et même du public avec Le procès Goldman (2023) qui a permis à l’acteur Arieh Worthalter d’obtenir le César du meilleur acteur en 2024, le réalisateur Cédric Kahn a directement enchaîné avec une œuvre plus légère sur le monde du cinéma judicieusement intitulée Making of.
© 2023 Curiosa Films, Ad Vitam Distribution / Photographie : David Koskas. Tous droits réservés.
Contrairement à beaucoup de films consacrés à l’univers du septième art, Cédric Kahn n’a aucunement cherché à mythifier une activité qui serait à l’écart des thématiques du monde extérieur et a préféré resserrer son intrigue autour de trois moments clés, à savoir le premier jour de tournage, le milieu de parcours et enfin l’ultime journée en plongeant le spectateur au cœur de la machine créative. Pour cela, le scénario nous invite à adopter le point de vue d’un candide, un jeune figurant qui envisage de devenir cinéaste et qui finit par être promu in extremis réalisateur du making of d’un film où tout part en vrille. C’est par ses yeux que le spectateur novice pénètre au sein de cette machine qu’est un tournage.
Un métier comme les autres ?
Cédric Kahn n’accuse personne en particulier, mais propose une vision globalement chaotique d’un tournage où rien ne fonctionne comme prévu. Entre des producteurs qui se désengagent au dernier moment à cause d’une fin trop tragique qui les heurte, un acteur principal qui en fait des caisses en clamant à tout bout de champ qu’il s’agit d’un travail collectif tout en tirant systématiquement la couverture à lui et des techniciens qui envisagent sérieusement d’abandonner le navire en cours de route, tout semble se liguer contre ce film à caractère social.
De manière peut-être un peu trop évidente, le cinéaste a justement choisi un film qui évoque la fermeture programmée d’une usine et la lutte des ouvriers pour reprendre leur outil de travail en main. La métaphore avec ce qui se passe en coulisses est sans doute un peu facile et trop évidente pour pleinement convaincre. Elle a toutefois le mérite de rappeler la différence d’enjeu entre le monde réel et celui quelque peu privilégié des créateurs.
Quand les rapports de classe se reflètent aussi dans le monde du spectacle
Finalement, Making of n’est pas tant intéressant dans ce qu’il montre d’un tournage que dans ce qu’il révèle des fractures sociales à l’intérieur même de ce que certains osent encore appeler la grande famille du cinéma. Or, quel rapport s’établit véritablement entre les vedettes qui peuvent être de véritables stars fortunées et les petites mains qui se démènent chaque jour pour rendre possible la création d’une œuvre cohérente ?
Si Making of n’est pas exempt de clichés (le cinéaste inflexible par rapport à sa création, les financiers frileux, la star interventionniste et autocentrée), c’est surtout dans la description de cette hiérarchie interne entre vedettes, techniciens et figurants qu’il trouve sa pertinence sur le plan social. Pour cela, Cédric Kahn peut compter sur des comédiens parfaitement rodés comme Denis Podalydès qui joue un cinéaste compétent, mais qui se retrouve dépassé à la fois dans sa vie professionnelle et privée.
Des acteurs valeureux et bien employés
Face à lui, Jonathan Cohen s’avère parfait en star à l’égo surdimensionné qui ne pense qu’à la prestation qu’il va pouvoir offrir. Plus discrète, Emmanuelle Bercot tente de gérer ce beau bordel, tandis que Xavier Beauvois interprète un financier qui joue sans cesse avec le feu. Enfin, Stefan Crepon interprète le jeune loup naïf mais aux dents longues avec une vraie ferveur. Il est secondé par une Souheila Yacoub totalement à l’aise en jeune actrice entrée en concurrence avec la vedette jouée par Cohen.
© 2023 Curiosa Films, Ad Vitam Distribution / Photographie : David Koskas. Tous droits réservés.
Tout ce petit monde nous offre une comédie dramatique où quelques rires parsèment un ensemble globalement sérieux, ce qui n’exclut pas quelques moments plus légers. En tout cas, Making of n’offre pas non plus une grande nouveauté par rapport à un grand classique comme La nuit américaine (François Truffaut, 1973), ce qui en limite nécessairement la portée.
Box-office de Making of
Sorti initialement dans 290 salles par le distributeur Ad Vitam durant la semaine du 10 janvier 2024, Making of a dû affronter la concurrence d’Un silence (Joachim Lafosse) avec Daniel Auteuil et Emmanuelle Devos et de Bonnard, Pierre et Marthe (Martin Provost) qui visaient le même type de public. Des trois films, le Cédric Kahn n’est pas forcément sorti gagnant en attirant 88 397 spectateurs en première semaine, se plaçant en huitième position du box-office national. Les deux autres films ont fait mieux, même si le biopic de Martin Provost bénéficiait d’une exposition bien plus importante.
En deuxième septaine, Making of perd 43% de ses entrées et convainc 49 976 retardataires, malgré un ajout considérable de plus de 70 copies. Si le film se maintient à peu près en troisième semaine avec 31 672 stagiaires de plus, son destin est désormais scellé et il ne pourra pas envisager de franchir les 200 000 tickets. En réalité, au bout de deux mois d’exploitation, Making of s’éteint à 194 727 entrées. A partir du mois de mai 2024, cette expérience de métacinéma est disponible en DVD et blu-ray.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 10 janvier 2024
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Création : Leroy & Rose d’après des photos de © David Koskas / © Curiosa Films, Ad Vitam Distribution
Biographies +
Cédric Kahn, Denis Podalydès, Emmanuelle Bercot, Valérie Donzelli, Jonathan Cohen, Xavier Beauvois, Souheila Yacoub, Stefan Crepon
Mots clés
Cinéma français, Comédie dramatique, Films sur le cinéma, Le film dans le film
