Le procès Goldman est le portait d’un militant convaincu et convaincant, doublé d’une radiographie édifiante sur la France des années 70.
Synopsis : En novembre 1975, débute le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Il clame son innocence dans cette dernière affaire et devient en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle. Georges Kiejman, jeune avocat, assure sa défense. Mais très vite, leurs rapports se tendent. Goldman, insaisissable et provocateur, risque la peine capitale et rend l’issue du procès incertaine.
Le procès Goldman, le film qui a brillamment ouvert la Quinzaine 2023
Critique : Il y a quatre ans, Cédric Kahn se penchait au chevet des névroses familiales lors de Fête de famille où les nombreux membres d’une fratrie se déchiraient entre tendresse et règlements de comptes.
2023. Changement total de registre. Ici, il pose son décor dans l’espace restreint d’un tribunal et s’intéresse à l’éloquence hors du commun d’ un personnage, incandescent et électrique, doté d’un charisme trouble.
Fils de deux héros de la résistance et frère aîné d’un célèbre chanteur prénommé Jean-Jacques, Pierre Goldman rejoint, alors qu’il est étudiant, Alain Krivine, figure emblématique du parti d’extrême gauche Ligue Communiste Révolutionnaire, puis part au Venezuela rejoindre les maquis. A son retour, il est impliqué dans plusieurs vols à main armée qu’il reconnaît volontiers, les érigeant en symboles de son statut révolutionnaire. En décembre 1969, il est accusé du meurtre de deux pharmaciennes, dont il conteste farouchement être l’auteur mais qui pourrait lui valoir la peine de mort.
Condamné à la réclusion à perpétuité en 1974, il fait appel en 1975 à Amiens. Son militantisme et son livre rédigé en prison, Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France, lui valent le soutien de toute l’élite intellectuelle de l’époque (Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, Simone Signoret, Régis Debray) mais aussi d’un grand nombre de sympathisants qui ne manquent jamais de marquer bruyamment leur désapprobation face aux juges ou à l’avocat général.
Un show digne des plus grandes heures des débats télévisés
Dans un show digne des plus grandes heures des débats télévisés, l’accusé harangue la foule, revendique son rejet des règles de la société exprime son mépris de la police et de la justice. Dénonçant un antisémitisme sous-jacent, il écrase de son mépris l’avocat général et n’hésite pas à contredire sans ménagement son propre défenseur. Il dépasse allégrement les bornes. Et pourtant son talent inépuisable d’orateur, son assurance inébranlable font naître immédiatement complicité et curiosité. Bien installée dans le huis clos du tribunal, la caméra est happée par l’ambiguïté de ce fauve magistral, tout à la fois drôle, brillant, ensorcelant, manipulateur, injurieux ou émouvant.
L’intelligence des dialogues, l’habileté du scénario à déjouer les pièges de ses adversaires éclairent avec précision le caractère de cet insoumis aussi impalpable que déterminé, ses failles, ses aspirations, sa rébellion et sa folie et restitue l’atmosphère d’une époque que l’on découvre finalement assez semblable à la nôtre.
En confinant l’audience au cœur d’une mise en scène éminemment théâtrale, dépouillée de tous les artifices judiciaires inutiles pour ne se concentrer que sur les paroles des différentes parties, en livrant des témoignages aussi partiaux d’un côté que de l’autre, Cédric Kahn laisse à chacun le soin de s’arranger avec sa propre morale.
Mais cette leçon de justice n’aurait de toute évidence pas la même profondeur sans l’impétuosité de l’excellent Arieh Worthalter qui s’approprie totalement l’âme de son personnage dans toute sa complexité au point de transformer ce procès d’assises en un miroir implacable de la société des années 70.
Une belle réussite !
Sorties de la semaine du 27 septembre 2023
Création : Benjamin Seznec, pour Troïka. All Rights Reserved
Biographies+
Cédric Kahn, Arieh Worthalter, Arthur Harari, Stéphane Tillié-Guérin
Mots clés
Film de procès, Cannes 2023, La Quinzaine des Réalisateurs 2023
