L’homme qui venait d’ailleurs : la critique du film (1977)

Science-fiction, Drame | 2h19min
Note de la rédaction :
7,5/10
7,5
L'homme qui venait d'ailleurs, affiche originale 1977

  • Réalisateur : Nicolas Roeg
  • Acteurs : Candy Clark, Adrienne Larussa, Rip Torn, Bernie Casey, David Bowie, Buck Henry
  • Date de sortie: 06 Juil 1977
  • Nationalité : Britannique
  • Titre original : The Man Who Fell to Earth
  • Titres alternatifs : Der Mann, der vom Himmel fiel (Allemagne) / El hombre que cayó a la Tierra (Espagne) / O Homem Que Veio do Espaço (Portugal) / Człowiek, który spadł na ziemię (Pologne) / L'uomo che cadde sulla Terra (Italie) / Mies toisesta maailmasta (Finlande) / Manden som kom ned på Jorden (Danemark) / O Homem Que Caiu na Terra (Brésil)
  • Année de production : 1976
  • Scénariste(s) : Paul Mayersberg, d'après le roman de Walter Tevis
  • Directeur de la photographie : Anthony B. Richmond
  • Compositeurs : John Phillips et Stomu Yamashta
  • Société(s) de production : British Lion Film Corporation, Houtsnede Maatschappij N.V., Cinema 5
  • Distributeur (1ère sortie) : P.M Productions
  • Distributeur (reprise) : Tamasa
  • Date de reprise : 8 avril 2015
  • Éditeur(s) vidéo : Canal + Vidéo (VHS, 1997) / StudioCanal (DVD, 2005) / Potemkine Films (DVD et blu-ray, 2016)
  • Date de sortie vidéo : 1997 (VHS) / 12 septembre 2005 / 9 juin 2016
  • Box-office France / Paris-périphérie : 487 437 entrées / 136 304 entrées
  • Box-office nord-américain : 100 072 $ (513 700 $ au cours ajusté de 2022)
  • Budget : 1,5 M$ (7,7 M$ au cours ajusté de 2022)
  • Rentabilité : -
  • Classification : Interdit aux moins de 12 ans à sa sortie / Tous publics lors de la reprise de 2015
  • Formats : 2.35 : 1 / Couleurs / Son : 4-Track Stéréo
  • Festivals et récompenses : Festival de Berlin en 1976 : Nomination à l'Ours d'or / Saturn Award 1977 : 1 nomination pour le meilleur film et une récompense du meilleur acteur pour David Bowie / Prix Hugo 1977 : nomination pour le meilleur film dramatique
  • Illustrateur / Création graphique : Vic Fair (affiche cinéma) / Bombaliska (jaquette blu-ray)
  • Crédits : StudioCanal Films Ltd., Houtsnede Maatschappij N.V.
Note des spectateurs :

Véritable objet filmique non identifié, L’homme qui venait d’ailleurs est une curiosité magnifiée par la présence de David Bowie et une réalisation inspirée. A (re)découvrir sans modération.

Synopsis : Thomas Jérôme Newton semble avoir survécu à un crash aérien au Nouveau Mexique. Il se dit britannique et apporte avec lui 9 brevets scientifiques révolutionnaires. Propulsé à la tête d’un empire financier colossal, il manifeste très vite un comportement étrange qui trahira ses véritables origines.

Ground control to Major Tom

Critique : Écrit et publié en 1963, le roman The Man Who Fell to Earth de Walter Tevis a été un beau succès d’édition. De quoi motiver les producteurs britanniques pour en acquérir les droits. Le scénariste Paul Mayersberg en livre une adaptation au milieu des années 70 qui attire immédiatement la curiosité du réalisateur britannique Nicolas Roeg, déjà connu pour avoir signé quelques films très étranges comme Performance (1970), La randonnée (1971) ou encore Ne vous retournez pas (1973).

Après avoir engagé en premier l’actrice Candy Clark pour incarner la petite amie de L’homme qui venait d’ailleurs, Nicolas Roeg s’est mis en quête de l’acteur qui pourrait interpréter l’extra-terrestre du film. Il songe d’abord à retrouver Mick Jagger qu’il a déjà fait jouer dans Performance, mais il regarde le documentaire Cracked Actor (diffusé en janvier 1975) consacré à David Bowie et se persuade qu’il tient là son acteur principal. Encore vierge de toute expérience cinématographique, le chanteur accepte immédiatement l’idée d’interpréter ce personnage finalement peu éloigné de sa propre vie. Dès lors, le tournage a pu se dérouler entre les mois de juin et août 1975.

He’s a Starman

A partir du moment où David Bowie a accepté le rôle principal, Nicolas Roeg a modifié le script de façon à faire coïncider le personnage d’extra-terrestre avec l’image dégagée par l’icone de la pop. On peut ainsi dire que la présence même de Bowie a fini par vampiriser le film, au point de donner le sentiment qu’il s’agit avant tout d’une œuvre de, avec et sur David Bowie. L’homme qui venait d’ailleurs s’inscrit effectivement parfaitement dans l’œuvre artistique de Bowie, déjà fortement marquée par la science-fiction, à travers des titres comme Space Oddity, Life on Mars ou encore Starman. Même Ziggy Stardust venait de la planète Mars.

L'homme qui venait d'ailleurs, jaquette blu-ray

© 1976 StudioCanal Films Ltd. – Houtsnede Maatschappij N.V. / © 2015 Potemkine Films – agnès b. DVD. Conception graphique : Bombaliska. Tous droits réservés.

À l’époque sous l’influence de la drogue – le chanteur évoque lui-même lors d’entretiens postérieurs une quantité moyenne de 10 grammes de cocaïne par jour – Bowie est un choix parfait pour incarner cet être qui a l’air d’être ailleurs en permanence. Déjà passablement étrange au naturel – ses yeux de deux couleurs différentes, son allure androgyne et son extrême maigreur en font un être indéterminé – Bowie n’a finalement pas besoin de forcer beaucoup pour se mettre dans la peau de ce voyageur des galaxies. Certes, son jeu peut apparaître parfois maladroit, mais cela ne fait finalement que renforcer le décalage avec les autres membres du casting.

I’m Afraid of Americans

En ce qui concerne le film à proprement parler, Nicolas Roeg se livre ici à une critique en règle de la société capitaliste américaine. Non seulement il démontre que tout le monde peut parvenir au sommet avec de l’argent, mais il tempère cette idée de l’American way of life en stipulant que l’État est également capable de comploter pour éviter toute concurrence, notamment par l’action de la CIA. Parfaitement inscrit au cœur d’un cinéma américain paranoïaque, L’homme qui venait d’ailleurs laisse sans cesse planer le doute sur ce qui se trame à l’écran, laissant le spectateur dans une inconfortable incertitude.

Le cinéaste insiste aussi sur la capacité de corruption du modèle américain puisque l’extra-terrestre va finir par sombrer dans l’alcool, tout en s’abrutissant avec des programmes télévisés qu’il regarde avec voracité et sans discernement. Seule bouée de sauvetage dans cet enfer terrestre, l’amour surgit grâce au joli personnage de Candy Clark. Toutefois, L’homme qui venait d’ailleurs dégage un profond sentiment d’amertume et de gâchis qui en fait un grand film dépressif puisque le spectateur se retrouve pris au piège d’un système implacable, en même temps que le protagoniste principal.

Time Will Crawl

Magnifié par des images superbes signées Anthony B. Richmond et une musique inspirée de John Phillips (des Mamas and the Papas, car les compositions de Bowie n’ont pas été retenues par Nicolas Roeg et iront orner la deuxième face du disque Low), L’homme qui venait d’ailleurs bénéficie également d’un montage audacieux, parfois très proche du trip psychédélique. Marqué par des ellipses temporelles audacieuses, le métrage n’est pas toujours simple à suivre et demande une réelle implication de la part du spectateur qui doit traquer les rares informations fournies.

Comme le personnage de Bowie ne vieillit pas, il faut bien remarquer les stigmates du temps sur les autres comédiens pour comprendre que le métrage se déroule sur plusieurs décennies. On trouve également des indices dans les décors qui évoluent entre les années 60 et les années 70 plus psychédéliques. Toutefois, ce sont ces absences de balises narratives qui font aussi toute la singularité de cet objet filmique non identifié.

The Stars (Are Out Tonight)

Très étrange, le long-métrage a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses coupes lors de sa sortie initiale. Ainsi, la plupart des copies de l’époque furent amputées d’une vingtaine de minutes (dont les versions américaine et française), rendant la lisibilité de l’intrigue encore plus problématique. Il a fallu attendre les années 2010 pour que le métrage retrouve sa durée d’origine, à savoir 2h19min, ce qui est d’ailleurs un peu long.

L’OVNI cinématographique n’a pas trouvé son public aux États-Unis. En France, le film sort en plein mois de juillet 1977, période peu propice pour ce genre de spectacle. Il démarre avec 24 698 franciliens et une quatrième place au box-office parisien lors de sa semaine de sortie. Le film se maintient ensuite quelques semaines autour des 15 000 fans de David Bowie pour un total de 136 304 entrées dans la capitale. Sur la France entière, le film de SF s’arrêtera à 487 437 tickets vendus, ce qui en fait l’un des plus beaux succès de David Bowie en tant qu’acteur dans notre contrée.

Lazarus

Par la suite, le métrage reste longtemps invisible avant d’être édité en VHS en 1997, puis de faire l’objet d’un DVD collector en 2005 qui présentait pour la première fois la version director’s cut. Celle-ci est ensuite restaurée au cours des années 2010 et reprise au cinéma en 2015. Elle a fait également l’objet d’un blu-ray absolument superbe de la part de l’éditeur Potemkine. Enfin, il est important de signaler qu’en toute fin de carrière, David Bowie est revenu à ce personnage d’extra-terrestre en inventant une suite à ses aventures dans la comédie musicale Lazarus. Cette fois-ci, le rôle fut tenu sur scène par l’acteur Michael C. Hall.

Inégal, alternant les moments de pure inspiration et les passages un peu plus creux, L’homme qui venait d’ailleurs est en tout cas une proposition de cinéma alternative comme savaient en livrer régulièrement les cinéastes des années 70. Indispensable, donc.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 6 juillet 1977

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L'homme qui venait d'ailleurs, affiche originale 1977

© 1976 StudioCanal Films Ltd. – Houtsnede Maatschappij N.V. / Affiche : Vic Fair. Tous droits réservés.

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Nicolas Roeg, Candy Clark, Adrienne Larussa, Rip Torn, Bernie Casey, David Bowie, Buck Henry

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L'homme qui venait d'ailleurs, affiche originale 1977

Bande-annonce de L'homme qui venait d'ailleurs (VO)

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