Par Nicolas Roeg, The Walkabout est un trip hallucinant dans l’Outback australien des années 70, psychédélique, transgressif et virtuose. Le cinéma libertaire que l’on aime !
Synopsis : Une adolescente britannique et son petit frère se retrouvent abandonnés dans le bush. Survivant tant bien que mal dans le désert hostile, ils rencontrent un jeune Aborigène en plein « walkabout », une errance initiatique rituelle.
Randonnée dans la folie
Critique : Présenté à Cannes en 1971, La Randonnée est le produit psychédélique de son époque, un “road trip” sans “route”, dans le désert australien, Outback aride, où deux jeunes gens se voient abandonnés, après une scène hallucinante où le système patriarcal s’enflamme dans une violence suicidaire rare au beau milieu de nulle part…
Dans la dénonciation du consumérisme de l’époque, Nicolas Roeg, auteur toujours borderline quand il s’agit de flirter avec la folie (Ne vous retournez pas, son chef-d’œuvre, le film de S.F. L’homme qui venait d’ailleurs, avec David Bowie), s’emploie à l’initiation des deux jeunes Occidentaux dans les serres d’une nature sauvage, mais pas forcément hostile.
Walkabout : l’accomplissement d’un rite initiatique
Un jeune bushman, qui ne parle pas leur langue, leur tient finalement de guide, après quelques jours d’errance. Il est lui-même dans l’accomplissement d’un rite, le “walkabout” du titre original, pour conclure son adolescence. Loin de sa famille, il arpente un territoire hors de toute civilisation pour revenir en homme.
Avec des images choc, sûrement datées mais toujours fascinantes, Roeg juxtapose la société urbaine capitaliste, l’abattage de la viande, sorte de taylorisme barbare, et l’approche de chasse des Aborigènes, semi-nomades en harmonie avec leur environnement, dans la perpétuation de traditions qui s’inscrivent dans un respect de l’écosystème auxquels ils ne sont que des éléments parmi d’autres.
Ode à la nature, pamphlet anti-consumériste
L’aide fournie par le jeune Aborigène, dans l’abnégation, se démarque du retour à la civilisation, plutôt anxiogène, qui attendra la jeune femme et son frère. L’hostilité et la méfiance de la population blanche, jouissant des richesses du territoire, contribuent à la métaphore un peu manichéenne de cette scission entre l’Australie du peuple colonisateur, méprisant des valeurs indigènes, et celle assujettie des indigènes que l’on privera de cette prérogative ancestrale, qui leur permettait de vivre leurs traditions dans ces régions centrales.
La révélation David Gulpilil
Ironiquement, le jeune Aborigène est incarné par David Gulpilil, aujourd’hui star locale, alors débutant en 1970, ignorant même la langue anglaise. On le reverra dans les années 80 dans la comédie phénomène Crocodile Dundee, ou dans les années 2000 dans Australia de Baz Luhrmann, et surtout Charlie’s country dans lequel son personnage de vieux guerrier, contraint à dépérir dans une réserve, malade d’un style de vie qui ne lui réussit pas, aspire à retrouver la vie sauvage et ferme la boucle ouverte quatre décennies plus tôt par le film Roeg.
L’œuvre de toutes les fascinations
Plusieurs décennies après sa sortie, La Randonnée, mélange les thèmes de Charlie’s country de Rolf de Heer, avec les visions surréalistes et magnifiques d’un Jodorowsky, celui d’El Topo, et peut se faire valoir pour son aspect documentaire, tel un mondo propre à cette époque de découverte, notamment dans l’exposition régulière d’animaux insolites qui côtoient placidement les humains.
Bref, on ressort encore aujourd’hui enivrés et fascinés par cet objet cinématographique venu d’ailleurs et d’un autre temps, celui d’une décennie démente, propice à l’étrange et à l’extravagance.
Critique : Frédéric Mignard
Sorties du 11 décembre 2019