Avec L’été dernier, Catherine Breillat livre un drame étrangement solaire et qui a le grand mérite de ne jamais juger ses personnages. Léa Drucker y est formidable !
Synopsis : Anne, avocate renommée, vit en harmonie avec son mari Pierre et leurs filles de 6 et 7 ans. Un jour, Théo, 17 ans, fils de Pierre d’un précédent mariage, emménage chez eux. Peu de temps après, il annonce à son père qu’il a une liaison avec Anne. Elle nie.
Le retour de Catherine Breillat après dix ans d’absence
Critique : Cela faisait maintenant dix ans que la réalisatrice Catherine Breillat n’avait pas donné de ses nouvelles sur grand écran, notamment à cause de très gros problèmes de santé. Pourtant, le producteur Saïd Ben Saïd est revenu vers elle en lui proposant d’adapter pour la France le long-métrage danois Queen of Hearts (May el-Toukhy, 2019) qui évoque la liaison entre une femme mûre et son beau-fils adolescent.
Interpellée par ce sujet, Catherine Breillat a finalement vu l’opportunité de traiter une question fondamentale pour elle qui est celle du désir et de l’amour entre des êtres qui ne devraient normalement pas passer à l’acte, du moins selon les codes moraux définis par la société. Pour cela, elle s’est adjoint les services de Pascal Bonitzer et les deux compères ont transformé de nombreux éléments du film d’origine pour créer une œuvre totalement différente et autonome.
Un drame qui ne juge jamais ses personnages
Là où le film danois peut être identifié comme un drame bourgeois, L’été dernier s’intéresse avant tout aux sentiments et aux émotions des personnages, sans jamais juger les actes des deux protagonistes principaux. Certes, la femme mûre incarnée avec beaucoup de talent par Léa Drucker couche avec son beau-fils qui n’a que 17 ans, mais leurs étreintes ne sont jamais filmées avec un regard moralisateur. Il s’agit avant tout d’une idylle un peu folle entre un adolescent quelque peu manipulateur et une femme qui perd pied, alors même qu’elle est une avocate spécialisée dans les abus sexuels envers les mineurs.
Loin de livrer un film à thèse, Catherine Breillat cherche à mettre à jour la vérité des êtres, en abordant leurs réactions avec complexité. Jamais dans la posture morale, la réalisatrice préfère suivre pas à pas l’évolution des relations entre ce jeune homme déçu d’être rejeté et qui va tout faire pour se venger et cette quinquagénaire qui pratique le déni de manière constante. La réussite de L’été dernier tient dans sa forme épurée qui préfère les silences, les moments suspendus aux grandes effusions sentimentales.
L’été dernier oscille entre épure et fantasme
Toujours cérébral, le cinéma de Catherine Breillat ne s’abandonne pas à la passion et lorsque la chair s’exprime, elle prend parfois des atours mortifères. Ainsi, certains plans de Léa Drucker ressemblent à s’y méprendre à des peintures de la Renaissance où l’on hésite entre chair vibrante ou morte. La réalisatrice indique d’ailleurs s’être inspirée des toiles du Caravage pour composer ses images. Ces séquences illustrent à merveille l’idée de petite mort souvent attachée à la jouissance. C’est lors de ces moments d’abandon total des personnages que Catherine Breillat marque des points. Cependant, elle semble un peu moins à l’aise lorsqu’elle évoque la vie sociale de ses personnages au sein d’une bourgeoisie terriblement conventionnelle.
Sorte de bulle de vie au cœur d’un milieu trop normatif, la passion dévorante qui lie cette femme mûre et son beau-fils tient même lieu de fantasme, notamment lors de la toute dernière scène dont on se demande si elle ne se déroule pas uniquement dans la tête du personnage féminin tant elle semble irréaliste. Ainsi, le final de L’été dernier rejoint les œuvres les plus métaphoriques de l’artiste comme Anatomie de l’enfer (2004).
La réalisatrice a bien fait d’écouter la suggestion de son producteur Saïd Ben Saïd qui lui a proposé de rencontrer Léa Drucker pour lui octroyer le rôle féminin principal. La comédienne prouve une fois de plus l’étendue de son registre et la justesse de son jeu offre une véracité à son personnage qui le sauve d’une éventuelle condamnation morale. Face à elle, le jeune Samuel Kircher fait preuve d’un beau tempérament solaire qui convient parfaitement à son personnage. Enfin, dans les rôles périphériques, on apprécie le jeu nuancé d’Olivier Rabourdin et la présence toujours agréable de Clotilde Courau.
Un retour placé sous le sceau du Festival de Cannes
Sélectionné pour représenter la France au dernier Festival de Cannes, L’été dernier est reparti bredouille de la manifestation. Effectivement, c’est un autre film français, toujours réalisé par une femme, qui l’a devancé avec le triomphe d’Anatomie d’une chute (Justine Triet), autre œuvre qui traite d’un sujet difficile avec nuance. Proposé par Pyramide Distribution sur 199 écrans à partir du 13 septembre 2023, L’été dernier n’a pas suscité l’engouement des spectateurs puisque seuls 58 358 ménagères de 50 ans ont fait le déplacement lors de sa semaine d’investiture. C’est toutefois nettement mieux que la plupart des films de la réalisatrice depuis le coup d’éclat de Romance en 1999.
La semaine suivante, le métrage a perdu quasiment 50 % de ses entrées et doit attendre sa troisième semaine d’exploitation pour franchir la barre des 100 000 spectateurs. Mais là encore, il s’agit du premier film de la cinéaste à franchir ce palier symbolique depuis plus de vingt ans. Le drame a continué sa carrière jusqu’à la mi-novembre où il comptabilise 122 747 entrées. Désormais, le long-métrage est disponible en DVD depuis le mois de février 2024 et fait l’objet d’un blu-ray diffusé à partir du mois d’avril.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 13 septembre 2023
Acheter le film en blu-ray
Voir le film en VOD
Biographies +
Catherine Breillat, Léa Drucker, Clotilde Courau, Jérôme Kircher, Olivier Rabourdin, Samuel Kircher
Mots clés
Festival de Cannes 2023, Les César 2024, La sexualité des adolescents au cinéma